La ville se transforme en expérience*
Des cités sociables, mémorables, animées de sentiments, permettant de varier des expériences ? Nous y voilà !
« La ville est un organisme sensible », soutient Nigel Thrift, géographe à l’université de Warwick (UK). Pour ce dernier, “les mégalopoles mondiales sont devenues un énorme conglomérat d’objets. L’être humain ne semble plus le seul acteur réel. Cet assemblage de gens, d’objets, de flux, produit un environnement urbain qui parait doué de sentiments ». « La plupart des villes seront bientôt saturées de milliards de puces et de capteurs capables de communiquer entre eux », souligne Howard Rheingold, auteur de « Foules intelligentes» (1). Autant de potentialités qui attribuent aux espaces des valeurs de sensibilité. Autant de sources inattendues qui donnent le pouls de la ville, qu’on peut voir battre en temps réel, théâtre pour des expériences inattendues. L’informatique s’insinue dans chacun de nos comportements et l’outil technique se dissout dans l’environnement. Le designer Adam Greenfield appelle ce monde l’ « every(ware) » (2). Pour lui « la puissance de traitement informatique sera si omniprésente dans notre environnement que les ordinateurs auront disparu ».
Concrètement, la ville sensible peut se lire comme sur un écran. En étudiant le déploiement croissant des flux numériques, le laboratoire SENSEable Laboratory, du MIT de Boston, rend visible une architecture immatérielle de la ville. Un des projets, le New York Talk Exchange révèle, sur une carte du globe, les échanges d’informations entre la ville et le reste du monde. Ce projet esthétique a ainsi mis en évidence la force des liens que certains quartiers chics de Manhattan développent avec Kingston en Jamaïque. De même, la technologie Urban Mobs, développée par Orange Labs et l’entreprise faberNovel permet de suivre le « pouls » urbain composé de l’activité des foules grâce à la représentation visuelle de l’activité des mobiles. Le site Walk Score offre la possibilité de mesurer la « marchabilité » (walkability) et la « vivabilité » (livability) d’un espace. Il indique quelle proportion de ressources élémentaires du quotidien (boulangerie, restaurant, hôpital.. est disponible depuis un lieu dans un temps de marche donné.
La richesse de ces informations cartographiques fait naître un imaginaire urbain, peuplé de “revenants”, dont les éditeurs sont les usagers eux-mêmes. Chaque lieu, façonné par les traces numériques, signe une routine, offre un historique de nos humeurs et de nos parcours. De nouveaux éclairages interactifs habitent la ville. Ils transforment le lèche-vitrine en expérience. Avec LightWand, un simple clic et l’ambiance d’une vitrine prend la couleur dominante de sa nouvelle gamme d’accessoires. La Vidéo Interactive Living surface, grâce à un système de projection réactif en 3D permet de rendre la communication visuelle plus ludique. Par exemple, d’avoir l’impression de marcher sur l’eau. Dans plus de 60 villes dans le monde, des plans lumières destinés à améliorer l’esthétique rendent plus agréable l’accès à des quartiers enclavés.
L’esprit qui anime la ville sensible est celui d’une motivation positive, du plaisir urbain, de la dérive. Selon la résolution d’ONU-habitat sur la ville durable, nous rentrons dans l’ère de la technologie calme et de la ville éco-système où les bâtiments produisent l’énergie qu’ils consomment. « L’empreinte écologique nous donne les clés de l’équation du développement libre et durable » précise Thanh Nghiem, fondatrice de l’institut Angenius. Selon la prospectiviste, tous les outils développés par les geeks et artistes du web contribuent à la propagation de modes de vie pour consommer « local », pour économiser de l’énergie ou pour créer un environnement harmonieux. Exemple : Patrick Nadeau, instigateur du design vegetal. Il créé des objets, meubles et habitats en osmose avec le vivant afin de recevoir de la «part verte du monde» les clés d’un environnement poétique et sensible. Le projet Power mapping:DIY microgeneration développé par la Waag Society d’Amsterdam, propose d’utiliser tous les petits gestes du quotidien, pour recueillir, générer et partager de l’énergie. L’Urban EcoMap de San Francisco invite les résidents à visualiser, sur une carte, la quantité d’énergie et de déchets. Objectif : leur proposer des alternatives et estimer l’évolution de leur empreinte carbone s’ils changent leurs habitudes.
• (1) M2 Editions
• (2) Every(ware). La révolution de l’ubimédia. FYP Editions
* article déja publié dans Comen’t