LE TUNNEL: Le secret du siège de Sarajevo
est rediffusé sur la chaîne TV « Public Sénat »

le dimanche 6 décembre, à 9h00 suivi d’un débat (en présence de l’auteur) à 9h55, animé par Elise Lucet

Actualité du film

 Ce film inédit, réalisé par Nedim Loncarevic, met en évidence le rôle majeur joué dans le siège de Sarajevo par Radovan Karadzic, ex-président de la Republika Srpska et commandant suprême des forces militaires serbo-bosniaques.

 Karadzic est accusé de crime contre l’humanité pour ses nombreux crimes commis pendant la guerre de Bosnie entre 1992 et 1995, principalement la campagne de terreur contre les habitants de Sarajevo (10 000 morts) et les massacres de Srebrenica (8 000 morts).

 Son procès est en cours à La Haye au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.

L’une des plus grandes impostures de la guerre en Bosnie-Herzégovine est d’avoir fait croire que les habitants de Sarajevo, assiégés pendant trois ans par les Serbes avaient été sauvés de la famine par le pont aérien de l’ONU.

Ce ne sont pas les Nations Unies qui ont sauvé la ville, c’est la dignité de ses habitants et le courage de ceux qui ont permis qu’en 1993, grâce à un tunnel (tunel en bosniaque), la ville fut fournie en vivres et en munitions. Ainsi les habitants gardèrent-ils l’espoir contre ce qui fut l’un des plus longs sièges de l’histoire moderne.

Le tunnel de Sarajevo est l’expression d’un esprit de résistance qui n’a jamais été reconnu comme tel. Il suffit de consulter les archives. Pas un mot sur cette aventure humaine inédite. L’actualité préfère retenir la présence des casques bleus et l’intervention de l’Otan. Tout ça parce que les hommes du tunnel n’ont jamais revendiqué leur part d’histoire. Tout ça aussi parce que cette histoire est restée longtemps secrète. Et curieusement jamais dévoilée.

Dans la vie, il y a des choses qu’on fait pour la médaille, d’autres qu’on fait dans l’ombre sans attendre de retour. Il y a les résistants de la dernière heure qu’on couvre d’honneurs. Et les gens sans galons dont on oublie les noms.

Dans la vie, il y a ceux qui creusent avec leurs mains et ceux qui parlent. Il y a les fourmis et les cigales. L’histoire du tunnel de Sarajevo est une histoire de fourmis. Le récit simple d’hommes discrets et travailleurs qui ont pensé que pour résister dans une ville assiégée, le mieux était d’organiser un « pont souterrain ». L’avantage est que cela ne se voit pas. Il est plus dur d’écraser une fourmi que de descendre un avion.

Ce récit du « Tunel D.B », D comme Dobrinja et B comme Butmir, du nom des deux quartiers de chaque côté de l’aéroport de Sarajevo, commence avec Nedjad Brankovic. Ingénieur spécialiste des ponts de chemins de fer, ce dernier cherche un moyen pour mettre son savoir au service de la défense de Sarajevo. Il fait connaissance de Rasid Zorlak, le responsable logistique des premières unités de volontaires bosniaques. Lui sait que la ville va tomber s’ils ne trouvent pas rapidement une faille dans l’étau.

C’est le combat de David et Goliath. Goliath est en haut, sur les collines encerclant Sarajevo, puissamment armé ! En regardant la ville en bas, on comprend mieux quel sentiment de puissance virile ont du éprouver les agresseurs armés. La beauté de Sarajevo laisse voir ses plus belles formes.

Mais aujourd’hui, en cette année 1993, ce n’est plus de beauté qu’il s’agit, mais de nudité : la désolation de David. L’assiégeant est armé jusqu’aux dents. Les défenseurs n’ont que des armes artisanales. Les deux hommes ont l’idée de creuser un tunnel qui permettra de créer un lien avec le territoire libre. Brankovic dessine les plans. Le souterrain secret doit passer sous les pieds des forces de l’ONU qui contrôlent l’aéroport. Zorlak forme une équipe de 200 citoyens pour relever le défi. Les travaux se font uniquement à la main, avec des pelles et des pioches. Les bâtisseurs lancent une course contre la montre, dès le mois de janvier 1993.

Alors que les travaux avancent, dans la ville assiégée, la situation devient dramatique. La population est au bord de la famine et de l’asphyxie. Les soldats ont presque épuisé les munitions. La stratégie des Serbes d’étouffer la capitale de la Bosnie est sur le point de réussir. Une course contre la montre s’engage. Les équipes qui creusent travaillent dur, très dur. 24 heures sur 24. 7 jours sur 7. Pendant ce temps-là, au-dessus, sur la piste de l’aéroport, chaque nuit, se produit un drame. Des civils tentent de traverser le tarmac, les uns pour trouver des vivres, les autres pour fuir le siège de la ville. Ils servent de cible aux tireurs serbes postés en bout de piste. Près de trois cent personnes, y compris des enfants, y laissent leur vie.

Le 31 juillet 1993, un passage large d’un mètre, haut de 1,5 mètres et long de 800 mètres est finalement percé.

Pendant que les avion de l’OTAN roulent sur la piste, les soldats bosniaques et les civils passent en portant armements, munitions et vivres. Sarajevo respire. Plus tard un câble électrique et une petit tuyau seront installés pour distribuer électricité et pétrole. Grâce au tunnel, les habitants reprennent leurs forces. La ville ne sera jamais prise.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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VILLE & URBANISME