Rkia raconte…
J’ai toujours rêvé de créer ma propre entreprise de travaux manuels et artisanaux. Après mon bac, je n’ai pas pu faire d’études supérieures. J’ai alors décidé de gagner de l’argent pour avoir un diplôme d’État qui me permettrait de réaliser mon rêve.
Le travail, j’en ai eu. D’abord institutrice dans une école maternelle, ensuite animatrice de l’atelier couture. Je me suis inscrite parallèlement dans un établissement privé de haute couture où j’ai obtenu mes deux diplômes de haute couture et de modéliste. Avec l’aide de la famille, j’ai créé mon propre atelier, j’avais mes propres clients, mon propre style.
Un an plus tard, j’ai eu envie de passer un diplôme de stylisme, comme cette formation n’existait pas à Oujda (Maroc), j’ai décidé de tenter l’étranger pour une année. Je suis arrivée en France en 2000 où j’ai cherché à m’inscrire. Mais tous les établissements exigeaient 3 ans de formation, en plus leurs tarifs étaient vraiment trop élevés.
Je me suis inscrite à des cours par correspondance et j’ai commencé à étudier. J’étais une bonne élève, j’avais de bonnes notes. Et puis la sœur qui m’hébergeait est tombée malade, je me suis trouvée responsable d’une famille de 5 personnes. Comme j’avais un titre de séjour provisoire, je n’avais pas le droit de travailler. J’ai dû le faire quand même. Au noir, j’ai été exploitée comme une esclave dans un atelier de couture, au rythme de 9 heures quotidiennes avec une demi-heure de pause. Je gagnais un euro par jour.
J’ai tout fait pour gagner ma vie : j’ai donné des cours d’arabe, j’ai gardé des enfants, j’ai fait du ménage, j’ai fait des courses, je me suis occupée de personnes âgées. Mais j’ai toujours été mal payée et parfois mal traitée.
Quand j’ai enfin reçu ma carte de séjour, je me suis inscrite aux ASSEDIC. J’ai été étonnée quand la conseillère de l’ANPE m’a dit : « Il n’est pas possible de trouver dans le domaine de la couture le mieux est de travailler comme auxiliaire de vie ».
Je me suis entêtée, j’ai parcouru toutes les annonces qui m’intéressaient et j’ai contacté tous les responsables de recrutement par téléphone ou par fax. La réponse était toujours favorable. Ils me disaient qu’ils avaient vraiment besoin de moi et le plus tôt possible. Une fois en face d’eux pourtant, j’ai entendu des tas de réflexions : « vous n’avez pas fait vos études en France » ou encore « vous n’avez pas assez d’expérience ». Je n’ai jamais vraiment su ce qui les dérangeait le plus, ma nationalité, mon voile ou mes 40 ans.