Quelles langues parlerons-nous en Europe dans vingt ans ?
Sous les effets conjugués de paramètres politiques, démographiques et culturels, les équilibres linguistiques en Europe ne cessent d’évoluer. Le laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP) propose une cartographie linguistique de l’Union en 2025.
Les grandes tendances mondiales, et notamment la tentation monolinguistique, n’épargnent pas l’Europe. Pourtant, la vivacité des langues nationales et régionales confère à l’espace européen des logiques spécifiques d’évolution. C’est le constat établi par le laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP) au fil d’une analyse des tendances qui sous-tendent les évolutions linguistiques de l’Union européenne dans les 20 ans à venir. Une projection complexe, qui doit tenir compte de facteurs multiples : structure démocratique du territoire étudié, mouvements démographiques, diversité linguistique…
En matière de diversité, justement, l’Union européenne est particulièrement gâtée : 27 Etats et pas moins de 23 langues officielles. Sans compter les langues régionales et celles en passe de devenir nationales, comme l’irlandais, accepté par l’Union comme langue de travail mais non encore reconnu langue nationale, ou l’autrichien qui bénéficie d’un lobby de poids.
Quels sont les facteurs clés susceptibles de façonner le paysage linguistique de l’union dans les vingt prochaines années ? Le LEAP en identifie cinq.
1) Retour en grâce de l’allemand.
Utilisée par 100 millions de natifs, la langue allemande est l’une des quatre langues trans-européennes dominantes (avec l’anglais, le français et le russe). Le poids accru des opinions publiques dans le processus décisionnel européen, conjugué avec la recomposition de l’Europe centrale devraient accélérer sa montée en puissance, à al faveur de l’éloignement croissant de l’époque de la seconde guerre mondiale.
2) Vigueur accrue du français.
Avec 80 millions de natifs francophones, le français est la deuxième langue maternelle dans l’Union européenne. La croissance démographique de l’Hexagone va contribuer à accentuer cette “part de marché” de la langue de Molière.
3) Déclin de l’anglais comme langue de référence.
L’anglais n’est que la troisième langue maternelle de l’Union européenne. La fin de l’ordre mondial mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, doublé d’un affaiblissement de l’anglo-américain sur ses terres d’origine (montée en puissance de l’espagnol aux Etats-Unis et des langues celtiques au Royaume-Uni), vont contribuer à mettre à mal l’hégémonie de l’anglais dans les années à venir. «Sur le continent européen, l’anglo-américain se maintiendra dans une niche utilitaire de nature internationale, à savoir une langue véhiculaire populaire», notent les chercheurs du LEAP.
4) Le développement de l’espagnol à l’international.
Puissance et rayonnement croissants de l’Amérique Latine dans le jeu des nations, extension de l’hispanophonie en Amérique du Nord : l’espagnol, s’il n’est pas voué à devenir une langue dominante trans-européenne (fragmentation linguistique en Espagne, présence d’une autre langue latine -le français- dans les langues trans-européenne dominantes), va s’imposer comme l’une des trois langues européennes internationale aux côtés de le l’anglais et du français.
5) L’affirmation du russe
A partir des années 2015, le russe s’imposera comme la langue véhiculaire slave de référence de l’Union européenne. A la condition d’une relation UE-Russie pacifique, précise le LEAP. Cette évolution, qui ne se traduira pas au niveau institutionnel, mettra fin à une sous-utilisation de fait imputable à des raisons historico-politiques.