Transition énergétique : des avancées importantes qui n’emportent pas l’adhésion des écologistes
La Ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a présenté le 18 juin les grandes lignes du projet de loi sur la transition énergétique, qualifié, par le Président de la République, comme « l’un des textes les plus importants de son quinquennat ».
Un enjeu qui s’impose pour de multiples raisons, économiques, écologiques, sociales et géopolitiques. Qu’il s’agisse du dernier rapport du GIEC qui nous alerte sur les effets négatifs du dérèglement climatique sur la stabilité mondiale, qu’il s’agisse des pénuries énergétiques fossiles à venir, ou qu’il s’agisse de la crise ukrainienne sur le gaz, tout cela montre à quel point la question de l’énergie, la décarbonation de l’économie, l’indépendance énergétique, la sécurité et la logistique des questions énergétiques sont importantes.
Projet de loi : une dynamique s’installe
L’intérêt de ce texte de loi est son inscription dans la réalité de l’agenda politique. Il faut dire ; la transition énergétique est au même titre que la transition numérique ou la transition démographique, l’un des grands enjeux de ce début de siècle. Réduire la facture énergétique de- la France, qui s’élève à plus de 65 milliards d’euros est une opportunité. C’est l’occasion :
de créer de nouveaux emplois par le développement des filières industrielles de la croissance verte;
de conquérir de nouveaux marchés dans les domaines des énergies renouvelables, de la mobilité et des économies d’énergie ;
et de valoriser de nouvelles technologies, notamment du numérique, de favoriser une dynamique dans la domaine de la construction, d’améliorer le progrès social par une meilleure qualité de vie et de santé.
Autant d’enjeux qui pourraient favoriser la création de 100 000 emplois d’ici 2017. Autant d’efforts qui contribuent à réduire les énergies polluantes et couteuses et à permettre l’instauration d’un nouveau modèle énergétique français, plus robuste et plus durable face aux enjeux d’approvisionnement en énergie, aux évolutions des prix, à l’épuisement des ressources, aux impératifs de la protection de l’environnement.
Que propose le nouveau modèle énergétique français prévu dans le projet de loi de programmation ?
Plusieurs points sont mis en avant :
favoriser l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois ; maintenir des tarifs de l’énergie compétitif ;
préserver la santé humaine et protéger l’environnement ; assurer la sécurité d’approvisionnement ;
garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie.
Les objectifs fixés par le projet de loi de transition énergétique présenté par le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie placent la barre des ambitions assez haut. En 2030, baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre françaises pour contribuer à l’objectif européen : toujours en 2030, réduction de 30 % notre consommation d’énergies fossiles; en 2025, abaissement de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité; augmentation également en 2030 de la part des énergies renouvelables à 32 % de notre consommation énergétique finale, soit 40 % de l’électricité produite, 38 % de la chaleur consommée et 15 % des carburants utilisés ; et d’ici 2050, division par deux notre consommation finale d’énergie. Il inclut aussi des mesures précises pour aider au financement des travaux notamment immobiliers ou l’achat de véhicules automobiles électriques ainsi que des dispositions concrètes rendant possible le développement du parc électrique.
Les principes structurants de l’action entreprise par le gouvernement sont la maîtrise de la demande d’énergie, en favorisant l’efficacité et la sobriété énergétiques. Il s’agit aussi de varier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’électricité et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale. Les citoyens, les entreprises et les territoires sont invités à s’associer à cet objectif. La nécessité est affirmée d’assurer la transparence et l’information de tous, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie. La logistique est importante. Il faut ainsi des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins. Bien sûr, le développement de la recherche dans le domaine de l’énergie est la condition pour tenir cette ambition.
L’autre intérêt du projet est le rôle grandissant accordé aux énergies renouvelables. Selon le cabinet Enerdata, en 2013, et pour la première fois, les énergies renouvelables ont dominé le mix électrique européen en assurant 28 % de la production. Elle dominent désormais le charbon et le nucléaire, et pour longtemps, puis puisque l’agrégation des objectifs de chaque pays conduira, en 2020, à 34,5 % d’électricité renouvelable dans l’Union européenne !
L’impatience des écologistes
Reste que si les objectifs sont satisfaisants, les moyens ne le sont pas, soutiennent les associations écologistes qui voient le verre à moitié vide. Ces dernières dans leur ensemble font preuve de scepticisme. Tel Cap 21. Le financement des énergies renouvelables, la question des réseaux et surtout la réalité de la réduction de la part du nucléaire en valeur absolue ne sont pas traités remarque l’association de Corinne Lepage. « Aucun objectif de réduction de la consommation énergétique n’est affiché et on ne peut pas attendre de la bonne volonté d’EDF la réduction du parc nucléaire qui ne peut résulter que la fermeture de centrale. En refusant de limiter à 40 ans sauf exception la durée de vie des centrales et en s’interdisant de disposer d’un pouvoir propre de fermeture des centrales nucléaires, l’État se prive de la possibilité de réaliser les objectifs qu’il affiche. Il est regrettable une fois encore que le lobby nucléaire l’ait emporté sur les engagements du président de la république », souligne la présidente de CAP21. Chômage, urgence climatique, péril nucléaire, risques d’insécurité énergétique liés à notre dépendance aux ressources fossiles… Face à ces défis, les écologistes rappellent dans leur ensemble que la loi sur la transition énergétique est une opportunité historique, qu’il est urgent de changer notre trajectoire de consommation et de production.
« Un seul exemple illustre facilement cette mécanique: l’obligation de rénover les bâtiments est un outil formidable et structurant pour notre économie pour tout à la fois créér des emplois non-délocalisables, baisser les factures des ménages et réduire les émissions de gaz à effets de serre. Mais l’obligation sans les aides au financement, c’est faire peser une lourde charge sur les ménages. L’épargne et les moyens doivent être réorientés pour faciliter ces investissements, et le tiers financement – qui permet la prise en charge des travaux de rénovation d’un logement par un opérateur sans que le propriétaire ne débourse un euro – doit être facilité ».
Le nucléaire : un abcès de fixation
Pour Anne Bringault, qui coordonne les ONG sur la transition énergétique, « le projet de loi ne répond pas à la commande initiale qui était d’identifier une trajectoire claire et des mesures concrètes pour orienter massivement la France vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. La question de la place du nucléaire a encore sclérosé le Gouvernement qui, faute de trancher, renvoie les décisions qui s’imposent aujourd’hui à plus tard et empêche les alternatives de se développer ».
Certes, le projet de loi reprend l’objectif de diviser par deux la consommation d’énergie en France à l’horizon 2050. Cependant, aucun objectif d’économies d’énergie n’est fixé à une échéance plus courte, 2030, pourtant déterminante pour orienter les investissements d’aujourd’hui. L’impatience des associations est manifeste. Si l’objectif de réduction de la part de l’électricité nucléaire, figure bien dans le projet de loi, aucun élément concret et contraignant n’a été acté. Selon les écologistes, « l’état laisse donc à EDF les clés de la transition énergétique alors que le parc nucléaire vieillit et que ses coûts de prolongation s’annoncent prohibitifs ». « De la part d’un pays qui a décidé d’accueillir en 2015 la conférence décisive des Nations Unies sur les changements climatiques, ce projet de loi est loin d’être exemplaire. Il ne fixe même pas un objectif national de réduction des gaz à effet de serre pour 2030. Comment la France espère entraîner en 2015 les autres pays vers un nouvel accord mondial si, pour elle-même, elle est incapable de s’engager de manière ambitieuse ? », s‘interroge Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat.
Autre motif de mécontentement, les outils financiers nécessaires pour rendre la transition énergétique opérationnelle, sont renvoyés à la conférence bancaire et financière et au futur projet de loi de finances pour 2015.