Les squatteurs de Jeudi noir ont été expulsés samedi matin, 23 octobre 2010, par la police, de l’immeuble qu’ils occupaient Place des Vosges. Réponse d’un pouvoir qui au lieu de résoudre les problèmes d’emploi et de logement de la jeunesse ne trouve qu’un réflexe: la répression

« Les toiles d’araignée et les fientes de pigeon seront donc bientôt les nouveaux et uniques habitants de la Marquise. Notre départ laisserait le bâtiment vide pendant encore plusieurs années. Comme nous le répétons depuis le premier jour, nous partirons dès que les travaux commenceront dans cet hôtel particulier. Ainsi, sans calendrier de travaux précis et établi, nous attendrons que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités : responsabilité d’expulser une trentaine de jeunes en plein cœur de l’hiver. Au-delà de la question juridique, c’est désormais aux pouvoirs publiques que cette question est posée : priverez-vous trente jeunes étudiants et précaires de leur toit à l’approche de l’hiver ? »
C’est ainsi que se sont exprimés les squatters de La Marquise, l’immeuble de la Place des Vosges, expulsés samedi matin 23 octobre par la police

Motif de la Cour d’appel de Paris qui a rendu son jugement la veille : « atteinte au droit de propriété » . La propriétaire des lieux avait saisi la justice pour faire expulser les squatteurs. La cour a également condamné les habitants à verser une indemnité de 8 000 euros par mois depuis le mois de janvier.

La justice a ainsi admis que le montant de 70 000 euros mensuels réclamé par les avocats de la propriétaire est exorbitant et dénué de tout fondement. Pour Jeudi noir, c’est un motif de satisfaction,. « La justice n’a pas reconnu le préjudice ». C’est également un progrès par rapport au jugement de première instance, puisque la Cour admet ainsi que les 25 000 euros mensuels redevables depuis janvier dernier étaient sans doute plus destinés à faire peur qu’à compenser un préjudice discutable.

Tout en reconnaissant « la légitimité de la démarche du collectif Jeudi-Noir » la cour a malheureusement confirmé vendredi 22 octobre, l’expulsion sans délais. La dette de près de 100.000 euros est toujours exigible et menace financièrement les habitants précaires.

A elle seule, cette occupation est tout un symbole. Symbole d’une jeunesse qui ne se laisse pas faire et alerte l’opinion publique sur les centaines de milliers de logements vides alors que les Sans Domicile Fixe sont de plus en plus nombreux. Symbole d’une jeunesse précaire. 25% des chômeurs sont des jeunes. Témoignage enfin d’une jeunesse qui refuse les stages non payés, intégrés comme des variables d’ajustement par les entreprises qui en profitent.

Cela fait un an, que le collectif Jeudi noir squatte cet hôtel particulier de la place des Vosges pour protester contre le mal logement. Jeunes étudiants, artistes, personnes rencontrant les difficultés pour se loger , stagiaires précaires ils se qualifient de galériens du logement. Une histoire exemplaire d’une jeunesse qui non seulement agit mais aussi propose des solutions comme en témoigne l’ouvrage qu’ils ont récemment publié sur la crise du logement et les moyens d’en sortir.

Il est choquant mais assez peu surprenant dans le climat actuel que le pouvoir en place ne trouve que la répression comme moyen de dialogue.

Sur Twitter et Facebook de nombreux appels à la mobilisations sont lancés contre cette expulsion de jeudi noir.
Place-Publique s’associe à ces appels

Voici comment Jeudi noir se présente sur son site:

« Jeudi-Noir ? »

Pour les jeunes en recherche de logement, le jeudi est une journée noire : celle de la chasse aux petites annonces. Des logements toujours plus chers et des bailleurs toujours plus exigeants. C’est aussi la journée ou on envisage des solutions alternatives : colocation, sous-location, logement chez des proches, squat, retour chez les parents ?…

A la sortie du PAP, lors des visites d’appartements, dans les agences immobilières : tous les jeudis nous attaquerons le mal-logement, le mettrons en lumière pour le faire sortir de l’oubli. En pointant du doigt la spéculation, entretenue par l’Etat, nous dénoncerons la supercherie immobilière : statistiques au mieux approximatives, bizutage immobilier de la jeunesse, aides aux locataires détournées de leur objectif et autres politiques publiques pro-cycliques…

Les politiques du logement peuvent jour un rôle stabilisateur. Elles doivent aider prioritairement les personnes qui ont besoin de se loger. Aux pouvoirs publics de se mobiliser. A nous de leur rappeler.

Ecouter le reportage sonore réalisé par Jean Umansky
http://www.yousendit.com/download/ZGJkVWRqQ0NnYVB2Wmc9PQ->http://www.yousendit.com/download/ZGJkVWRqQ0NnYVB2Wmc9PQ

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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