« La passivité, c’est fini », crient les Indiens du Canada
D. Sabo
Du jamais vu, depuis les manifestations radicales de l’American Indian Movement aux Etats-Unis qui, en 1973, occupa le quartier général du BIA (Bureau of Indian Affairs) à Washington D.C. puis le site de Wounded Knee. Jamais le peuple amerindien n’avait connu une telle mobilisation !
Une révolte sous l’impulsion de femmes déterminées qui ont su réunir les mécontentements de nombreux indiens du Canada en un vaste mouvement de revendications appelé « Idle No More » (la passivité, c’est fini). Mené par Widia Larivière, une Algonquine de 28 ans, et Mélissa Mullen-Dupuis, une Innue de 34 ans, le mouvement a reçu, grâce à internet, un large soutien dans le monde. Mais pas encore en Europe.
Une importante manifestation massive s’est déroulée récemment à proximité du Palais des Congrès de Montréal, à l’endroit même où la chef de la communauté ontarienne d’Attawapiskat, Theresa Spence, campe depuis le début de sa grève de la faim, le 11 décembre dernier.
Idle No More est né en octobre 2012, lorsque quatre femmes autochtones de la Saskatchewan ont lancé un mouvement de protestation contre les projets de loi mammouth C-38 et C-45 du gouvernement d’Ottawa.
Ces projets entendent modifier, sans concertation au préalable, plusieurs lois et règlements sur la protection des eaux navigables, la protection des communautés indiennes et la préservation de certains territoires dont les autochtones se réclament. Sans compter une dérèglementation accélérée pour faciliter l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles par des intérêts privés. On parle de dizaines et dizaines de milliards de dollars en jeu pour les compagnies minières, gazières et pétrolières. Autant canadiennes qu’étrangères. «Nous voulons depuis plus de 30 ans obtenir l’autonomie et la reconnaissance de nos droits, et le gouvernement nous ramène des années en arrière en voulant ainsi modifier la Loi sur les Indiens», précise Eva Ottawa une des leaders du mouvement. Ce mouvement dénonce aussi les conditions de vie déplorables de certaines réserves et communautés, dont celle d’Attawapiskat. Il souligne en outre le fort taux de suicide dans plusieurs communautés. Pauvreté, éducation déficiente, violence, autant de problèmes non traités par le gouvernement canadien.
Hormis les questions environnementales, la plupart des problèmes dénoncés par ce mouvement n’ont rien de nouveau. Son message global ressemble à quelque chose comme un gigantesque «Assez, c’est assez», à la façon d’autres phénomènes sociaux de contestation dans d’autres pays, comme les Indignés.
Trois priorités sont mises en avant par ce mouvement :
• Une mécanique de mise en oeuvre des traités assortie d’un suivi exercé par des institutions rattachées au Conseil privé, soit directement au bureau du premier ministre, Stephen Harper;
• Un partage équitable des revenus tirés des ressources naturelles;
• L’amélioration du financement des programmes, qui serait indexé au coût de la vie et ajusté au taux de croissance démographique des populations autochtones.
L’originalité de ce mouvement ? La collaboration forte entre autochtones et non-autochtones. « Ce n’est pas juste un problème autochtone, ça touche l’environnement, la démocratie, les droits humains et les droits fondamentaux», avance Widia Larivière. Plusieurs défenseurs de l’environnement et ONG, comme Greenpeace, Equiterre, Survival, se mobilisent pour soutenir cette lutte des autochtones.