Justice – TPI : Le Tribunal Pénal International de La Haye en danger
Alors que le bourreau du massacre de Srebrenica Ratko Mladic court toujours, le TPIY voit son existence et sa mission menacées par le calendrier et le manque de financement.
Le Président du Tribunal, le Juge Patrick Robinson, a présenté le 6 décembre 2010 au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies son rapport sur l’état d’avancement des travaux du Tribunal. Il a mis en avant les pressions exercées sur le personnel et les ressources du Tribunal et a demandé que des mesures soient prises pour enrayer l’attrition des effectifs. Le Président a également réitéré sa demande visant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de crimes de guerre.
Le Président a expliqué que le Tribunal « continue de prendre toutes les mesures permettant d’accélérer les procès, sans pour autant sacrifier les garanties de procédure ». Il a toutefois fait observer que « les Juges ont le sentiment d’être soumis à une pression extrême pour accélérer les travaux du Tribunal » et qu’ils « sont en droit et ont même l’obligation d’exercer leur mandat à l’abri de toute pression extérieure, afin que leur indépendance ne soit ni compromise, ni perçue comme telle ».
Le Président Robinson a déclaré que, malgré ces mesures pour accélérer les procès, certaines estimations ont dû être revues dans le calendrier en raison d’impondérables sur lesquels le Tribunal n’a aucune prise, comme « les manœuvres d’intimidation exercées sur les témoins, la défaillance de certains d’entre eux, les problèmes de santé des accusés, le décès d’un conseil de la Défense, les questions complexes qui se posent lorsqu’un accusé assure lui-même sa défense et, enfin, l’attrition des effectifs ».
En ce qui concerne le grave problème de l’attrition, le Président a remercié le Conseil de sécurité d’avoir adopté la résolution 1931, dans laquelle celui-ci note qu’il importe que le Tribunal soit doté des effectifs qui lui permettront d’achever rapidement ses travaux et demande au Secrétariat et aux autres organes compétents des Nations Unies de continuer de collaborer avec le Greffier afin de trouver des solutions pratiques pour remédier à ce problème. Le Président a toutefois souligné que la résolution n’avait eu aucun effet concret.
Le Président a également donné des explications sur la confusion à propos de la mise en œuvre de deux recommandations formulées en juin 2010 par le Comité de coordination entre l’administration et le personnel. Tout d’abord, la recommandation devant permettre d’offrir au personnel du Tribunal des contrats de deux ans, renouvelables une fois pour la même durée, n’a pu être mise en pratique parce que le TPIY s’est vu refuser les fonds budgétaires nécessaires. La seconde recommandation, qui visait à ce que l’admissibilité des fonctionnaires du Tribunal au bénéfice de contrats permanents soit déterminée en priorité, s’est heurtée au renvoi, par le Bureau de la gestion des ressources humaines, de toutes les recommandations du Tribunal à un comité central de contrôle, où leur examen risque de s’éterniser.
Le Président a de nouveau exhorté le Conseil de sécurité à créer un fonds d’indemnisation des victimes des crimes relevant de la compétence du Tribunal. « L’instauration d’une paix durable exige que la justice soit non seulement répressive, mais aussi réparatrice », a-t-il déclaré, expliquant que le fonds d’indemnisation permettrait de « compléter les procès pénaux du Tribunal en offrant aux victimes les ressources nécessaires pour reconstruire leur vie ».
« Je vous adresse cette proposition en ne sachant que trop bien les difficultés financières que rencontrent les États Membres, sans oublier les critiques qu’essuie ces derniers temps l’ampleur de la cause de la justice. Mais c’est précisément lorsque les temps sont difficiles que nous devons être des plus vigilants pour sauvegarder le rôle de la justice dans notre société. Nous ne devons pas perdre de vue la raison pour laquelle le Conseil de sécurité a créé le Tribunal initialement », a déclaré le Président Robinson.
Pour terminer, le Président a rappelé que la justice avait « tant d’importance » parce que, « sans elle, le fort ferait la loi et le faible serait à sa merci ». Il a demandé aux membres du Conseil de sécurité, en tant qu’« architectes » de cette justice, de continuer à soutenir le Tribunal qui donne forme à leur « vision d’un monde régi non pas par la loi du plus fort, mais par le droit ».
Le Président et le Procureur présentent tous les six mois au Conseil de sécurité leurs évaluations concernant les progrès réalisés par le Tribunal dans la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement de ses travaux, conformément à la résolution 1534. Ces rapports précisent les mesures qui ont été prises ou qu’il reste à prendre pour que le Tribunal achève avec succès son mandat.
Le dernier rapport sur la stratégie d’achèvement des travaux prévoit que, sur les dix affaires actuellement au stade du procès ou de la mise en état, quatre seront terminées l’année prochaine et cinq en 2012. Le procès de Radovan Karadžić devrait s’achever à la fin de l’année 2013. La plupart des affaires portées en appel devraient être closes d’ici à la fin de l’année 2014, bien que des retards récents et incontournables dans l’affaire Karadžić donnent à penser que cette échéance devra être réexaminée en temps voulu.
Le Président présente en outre le rapport annuel du Tribunal au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale. Ce rapport est généralement soumis en novembre et couvre la période de 12 mois comprise entre le 1er août et le 31 juillet. Il dresse notamment le bilan des activités de toutes les sections du Tribunal.
Depuis sa création il y a 17 ans, le Tribunal a mis 161 personnes en accusation pour des crimes de guerre commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Les procédures à l’encontre de 125 d’entre elles sont à présent closes. Seuls deux accusés sont encore en fuite : Ratko Mladić et Goran Hadžić.