Une citoyenneté en mal d’engagement ! Telle pourrait être l’une des premières conclusions du deuxième rapport de l’Observatoire citoyen de la qualité démocratique créé en 2012 par des militants du Pacte Civique. Mauvaise année pour la participation des électeurs aux scrutins municipal et européen, mauvaise année pour les médias au regard de leurs dérives, mauvaise année pour la mise en œuvre de réformes faute de processus de qualité pour leur adoption dans de bonnes conditions…

Sur le plan électoral, il est vrai que le taux d’abstention aux élections européennes (près de 57%) a été particulièrement élevé. Cependant, ce rapport tempère cette observation en soulignant la participation plus élevée aux élections municipales, les enjeux locaux permettant une relation plus étroite entre élus et citoyens. La perspective de la réforme territoriale suscite à cet égard quelques inquiétudes, car, en retirant au pouvoir communal certaines décisions, cette réforme pourrait affaiblir la démocratie locale.

Démocratie locale et innovation

Dans ce contexte, il apparaît donc essentiel de mieux expérimenter et faire vivre au niveau local une démocratie réellement participative impliquant les citoyens dans la vie locale. Le rapport de l’Observatoire citoyen de la qualité démocratique souligne donc l’intérêt des conseils de quartier lesquels devraient être davantage encore associés à la vie communale. D’autres structures innovantes en la matière méritent d’être citées : Conseil économique social et environnemental au niveau municipal, conseils d’usagers pour les grandes politiques publiques, commission citoyenne d’évaluation de la qualité du service public, comité de suivi consultatif de la dépense publique, ou encore « conseil de l’émergence de la société civile verte ». De même, il relève avec intérêt le développement sur internet de l’interactivité entre élus et citoyens : tchats, e-panel d’évaluation, plateforme de vote pour les citoyens sur des sujets locaux d’actualité, etc. L’Observatoire insiste d’ailleurs sur le succès obtenu en Allemagne du questionnement des candidats par internet lors de certaines élections. Succès qui n’a pas été réédité lors des élections européennes.
Au demeurant, si l’Observatoire constate la richesse des initiatives citoyennes et associatives pour enrichir la vie démocratique, promouvoir la coopération et la créativité, il observe, dans le même temps, que celles-ci restent isolées, éloignées de la sphère de décision politique et peu reprises par les élus.

L’Observatoire citoyen de la qualité démocratique attire l’attention sur les effets de l’absence de droit de vote pour les étrangers dans certaines communes telles qu’Aubervilliers où l’équipe municipale en place n’est choisie que par un peu plus de 7% de la population… De telles situations, notamment en banlieue parisienne ont abouti, lors des élections européennes, à des records d’abstention, à la progression du FN et à un réel fossé entre la population et ses élus. L’Observatoire se livre donc à une analyse de la montée du populisme où l’on retrouve pêle-mêle la contestation envers les responsables de partis politiques traditionnels, le sentiment europhobe, la faiblesse des petites formations, l’absence d’explication des enjeux de ces élections.
Face à cette situation préoccupante pour l’avenir de la démocratie européenne, les militants du Pacte Civique réunis au sein de cet observatoire soulignent l’intérêt de diverses dispositions : changement du mode de scrutin, développement de l’Initiative Citoyenne Européenne qui permettrait aux citoyens de l’Union de participer au processus de co-décision, les pétitions, ou encore le médiateur européen.

Les médias : une image faussée de la politique

L’Observatoire aborde le sujet des médias et des relations que ces derniers entretiennent avec les citoyens. Il note à ce sujet un écart croissant entre la vie des citoyens et l’écho qui en est donné par les médias.
Par ailleurs, indépendamment d’une première analyse à laquelle l’Observatoire se livre s’agissant des grandes chaines nationales de télévision, il consacre une réflexion aux chaines d’information en continu, lesquelles occupent une part grandissante dans le paysage audiovisuel et dans la consommation d’informations par nos concitoyens, en particulier lors d’événements importants. Il relève ainsi que ces dernières partagent une même conception de l’information, laquelle est caractérisée par la répétition, l’immédiateté (le direct), l’absence de vérification des informations, l’absence de hiérarchie de l’information, la « pipolisation » et la « politique spectacle », une image « faussée » de l’action politique. Il en conclut que celles- ci ont une influence néfaste sur la manière de faire de la politique de nos élus.

Au-delà de ces observations, le rapport de l’Observatoire rappelle le rôle prépondérant des médias dans la vie démocratique et regrette que ceux-ci apparaissent si peu à l’écoute de la vie sociale réelle et des préoccupations des citoyens, se fassent rarement l’écho des initiatives locales et des opinions de leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.

Obstacles à une démocratie de qualité

L’Observatoire citoyen de la Qualité démocratique passe en revue divers événements qui ont marqué l’année 2014 : débat sur la transition énergétique, le mouvement des « bonnets rouges » et l’écotaxe, le Pacte de Responsabilité, les négociations UNEDIC et les intermittents du spectacle, la politique fiscale…

Sur tous ces sujets, il reprend les enjeux, le déroulement des débats, attire l’attention sur les points de blocages, les comportements des différents acteurs concernés (membres du gouvernement et parlementaires, représentants locaux, organisations patronales et syndicales…), et souligne à la fois les avancées, mais aussi les difficultés rencontrées et les impasses dans lesquelles certains débats ont abouti. Il observe ainsi que les réformes semblent de plus en plus difficiles à mettre en œuvre, car les conditions dans lesquelles elles sont élaborées permettent rarement l’émergence des consensus a minima nécessaires, ou des constats de divergence clarifiés donc apaisés.

Il relève donc que la qualité démocratique « ne se limite pas aux processus strictement politiques », mais que la vie économique et sociale est également largement concernée. C’est ainsi qu’il dénonce la mauvaise qualité du dialogue social, le manque de confiance entre les acteurs, les jeux tactiques à court terme, la concurrence entre organisations, les attitudes corporatistes, le recours au rapport de forces. Autant d’obstacles à une démocratie de qualité.

Lueurs d’espoir

Après avoir examiné diverses structures qui contribuent au renouvellement de la vie démocratique (CICA – Comités d’initiative et de consultation d’arrondissements, projets et budgets participatifs), l’Observatoire s’est également penché sur des initiatives en provenance de la société civile : Etats généraux du pouvoir citoyen, Collectif de la transition citoyenne, Esprit civique, Alternatiba, Bleu-blanc-zèbre. Mais surtout, il examine le cas des « lanceurs d’alerte, nouvelles vigies de la démocratie », en citant divers cas parmi les chercheurs, médecins, fonctionnaires, cadres bancaires…
Considérant qu’ils sont devenus des maillons essentiels de l’équilibre des pouvoirs au sein de nos démocraties il en donne une définition en le distinguant clairement du délateur, et esquisse le cadre juridique de sa protection, laquelle demeure insuffisante.
Observant que ce cadre juridique a connu quelques avancées, il évoque ainsi un besoin d’harmonisation des règles au niveau mondial, un besoin de soutien moral, logistique et financier. Il ouvre enfin des perspectives pour leur assurer une couverture en lien avec les médias, une plateforme visant à leur assurer une protection juridique, et enfin l’élaboration d’un statut moral et éthique du lanceur d’alerte.

Enfin, l’Observatoire note avec satisfaction les travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, lequel a pour mission d’être un pôle d’anticipation et d’évaluation et un lieu de concertation et de débats. En effet, dans son premier rapport, il accorde une place importante à ce qu’il appelle « la démocratie de confiance ». Il souligne, en effet, la nécessité de reconstruire un vivre ensemble apaisé ce qui implique, d’une part, des institutions « fortes et rénovées » pour « produire de l’appartenance et assurer l’égalité effective » et, d’autre part, « réconcilier les français avec la démocratie et promouvoir l’engagement citoyen et social ». L’Observatoire souligne à cet égard que la réconciliation des citoyens avec la démocratie impose non seulement des réformes institutionnelles (non cumul des mandats, simplification de l’exécutif…), mais également une plus forte implication des citoyens (ce qu’il appelle « la dimension civique de l’effort à accomplir »), laquelle pourrait être facilitée par « l’adaptation de notre démocratie à l’évolution des techniques et à la révolution informationnelle ».

S’attaquer aux maux de notre démocratie

Après un rapport 2013 qui se voulait un appel à une prise de conscience de la nécessité d’améliorer la qualité de notre vie démocratique en vue de redonner confiance dans notre système politique, ce rapport 2014 s’inscrit dans la même perspective en abordant deux thèmes nouveaux : les élections municipales et européennes, ainsi que les médias. Ainsi, l’Observatoire citoyen de la qualité démocratique conclut que de nombreuses améliorations restent à apporter aux rapports entre médias et citoyens, élus et électeurs. Enrichir la délibération citoyenne, contribuer à l’amélioration des processus démocratiques, valoriser les apports civiques, tels sont les apports de cet Observatoire dont l’objectif est de contribuer à la mise en œuvre de remèdes aux maux de notre démocratie.

* Ce texte est la synthèse du Rapport 2014 du Pacte Civique. 250 bis boulevard Saint Germain – 75007 Paris Tél. : 01 44 07 00 06 – contact@pacte-civique.org – http://www.pacte -civique.org

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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