« Il était une fois l’Amérique… »
« Yes we can ». L’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis est une victoire en chantant! Jamais, exception faite de George Washington, un homme politique américain n’avait été aussi facilement élu.
Cet évènement historique qui voit un candidat noir accéder à la tête du pays le plus puissant de la planète a tout d’un film.
Un film dont le titre pourrait être le retour de « l’ami américain » ou la « re-naissance d’une nation ».
Ceux qui, il y a 45 ans, ont entamé la marche pour les droits civiques en entonnant le refrain de « We shall overcome » peuvent aujourd’hui se dire que leur combat n’a pas été vain. Les barrières raciales sont tombées. Après le « I have a dream » de Martin Luther King sur les marches du Lincoln Memorial, en 1963, le rêve américain devient réalité. Voici maintenant l’espoir américain, incarné par le 44ème président des Etats-Unis. L’évènement est historiquement et symboliquement aussi important que la chute du mur de Berlin en 1989.
Alors évidemment, devant la liesse provoquée par l’élection du nouveau président, l’idée d’un sauveur, d’un messie vient à l’esprit de beaucoup de gens. Tant pis si l’émotion ressentie ressemble à la foi. Cette foi, c’est l’enthousiasme. Ne boudons pas notre bonheur. Les raisons de se réjouir sont si rares. Franchement, c’est bon à prendre. Et si cela peut donner du courage, tant mieux.
Mais cette victoire n’a rien d’un miracle. Elle est logique. L’Amérique ne pouvait plus continuer à s’enfoncer dans l’obscurantisme des faucons républicains qui a plongé le pays dans la faillite. Elle avait besoin de respirer. L’intelligence d’Obama est d’avoir su inspirer les citoyens d’outra Atlantique et leur redonner du souffle.
C’est une magnifique leçon de démocratie que vient de nous donner le peuple américain. Et cela dans un contexte défavorable. Wall Street s’effondre et un mois plus tard Main Street (la rue) se redresse. Barack Obama peut le dire haut et fort : « les USA restent la terre de tous les possibles ». Des plus graves crises financières certes, mais aussi des plus grandes aventures humaines. Non, l’élection d’un noir à la Maison Blanche n’est pas du cinéma.
Un nouveau récit commence pour les Etats-Unis, avec comme principaux chapitres : le nouveau, la confiance, le talent…
Nouveau ?
Les Etats Unis restent le grand laboratoire du neuf, de l’imagination. Pour Barack Obama, la justice sociale est l’un des remèdes à la crise. Elle rééquilibre les richesses et replace au centre de la valeur les capacités des citoyens. Obama incarne aussi le pragmatisme de la technologie. Dans la campagne électorale, jamais Internet n’avait aussi bien rempli son rôle de diffuseur d’idées, de rassembleur de citoyens bénévoles avec à l’arrivée un océan de « micro-dons ». Vision pour l’avenir, avec en toile de fond l’alliance de la citoyenneté et du futur. Il arrive au bon moment, en pleine mutation technologique. Le numérique, les neurosciences, la greentech, les nanotechnologies, les énergies nouvelles, les transports… autant de défis pour la croissance à venir.
Talent ?
Le 44 ème président des Etats-Unis est un président mille-feuilles. Il symbolise une sorte d’altérité totale. Il est américain, né à Hawaï, immigré, issu d’une famille multiculturelle, un père africain de religion musulmane, une mère du Kansas, biracial noir blanc. Il est jeune 47 ans, il est diplômé d’Harvard et a été travailleur social. Il est aussi un des rares politiciens américains à avoir travaillé dans les quartiers défavorisés. Avec Obama, c’est la prime au talent, la sanction de la médiocrité. Il a tout ce qu’il faut d’imagination et de clairvoyance pour diriger un pays. Il a montré qu’il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Il a l’art de réconcilier autorité et humilité. Jamais il n’élève la voix, jamais il ne stigmatise. Le nouveau président est un organisateur qui connait bien les associations et sait comment mobiliser les citoyens. Sa principale qualité est de toujours dire « nous », quand il parle dans ses meetings, là où les autres disent « je ». La campagne d’Obama a redonné, aux Etats-Unis, du sens au mot « militant ». Elle constitue à elle seule un manuel d’organisation et de management, savant dosage de proximité et de réseaux, de cohésion et de motivation. Il a su s’entourer d’une équipe dans laquelle on retrouve le fondateur de Facebook, Chris Hughes, et David Axelrod, un stratège qui a compris qu’avec Obama, le message finalement, c’est l’homme, la force d’un caractère, « le candidat tel qu’il est ».
Confiance ?
L’élégance et la confiance que peut inspirer son talent relègue aux oubliettes les diviseurs, les cyniques, les médiocres, les obscurantistes, les teigneux. Révolu le temps des idéologues immatures qui jouent avec la peur, tous ceux qui entretiennent l’exclusion et la régression, ceux qui confondent politique et propagande, ceux qui pensent que la guerre est un programme, et qui n’ont qu’une stratégie : la désignation des boucs émissaires. Obama est tout le contraire. C’est un rassembleur, un réconciliateur. Il possède l’autorité des hommes qui peuvent imposer la paix. Pour l’Afrique dont le père de Barack Obama est originaire, c’est une chance : faire entendre sa voix dans le concert des nations et obtenir les égards qu’elle n’a jamais obtenus de la part des pays développés.
Alors, Obama élu… oubliée la crise? Non, Il faudra beaucoup de courage et de travail pour la surmonter. Les chiffres sont colossaux : 25 000 milliards envolés en fumées. La véritable énergie sera cet enthousiasme de la victoire. Dans un monde où sévit deux crises majeures, la crise économique et la crise climatique, cette énergie collective est sans doute la plus utile. Il faudra aussi de l’optimisme pour relever les grands défis tels que la santé, le logement, l’énergie et la fin de la guerre en Irak. Le plus dur est à faire…
Pendant des décennies, nous autres Européens en général et Français en particulier, avons analysé le monde en utilisant la grille de lecture antiaméricaine. Elle a fourni un dogmatisme de réflexion égal à celui que l’on adjugeait à l’anticommunisme primaire. Le choix du peuple américain nous invite désormais à un jugement en nuances et à nous interroger sur ce que recèle cette « passion française parmi les plus tenaces » pourrait dire Théodore Zeldin qu’est l’amour-haine avec l’Amérique. L’Amérique de 2008 nous renvoie en miroir la grimace de nos défauts. Profitons-en pour les corriger en relisant ces pages offertes par l‘ami américain : le nouveau, le talent et la confiance. C’est de cela que l’Europe a besoin.