Florence Hartmann

Ce n’était plus seulement une espérance. A l’issue d’un XXème siècle maintes fois souillé par des crimes contre l’humanité et des génocides, l’exigence que justice soit faite contre les grands responsables de ces atrocités l’avait emporté sur les frilosités et les calculs politiques. Naissaient alors les premières juridictions pénales internationales : le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en 1993 et celui pour le Rwanda (TPIR) l’année suivante. Puis le projet d’une juridiction permanente, si longtemps avorté, aboutissait avec l’établissement en 1998 de la Cour Pénale Internationale (la CPI), entrée en fonction en juillet 2002. Le XXIème siècle ne promettait pas encore la fin des crimes de masse mais celle de l’impunité pour les gouvernants qui outragent l’humanité. Cette avancée majeure du droit international finirait nécessairement par faire œuvre de prévention à l’adresse des dictateurs et de ceux tentés de les imiter. Telle était non pas l’espoir mais la volonté d’une époque.

Une époque qui semble aujourd’hui révolue. Car vingt ans après l’émergence de cette justice pour l’humanité, la “realpolitik” a repris le dessus. Si l’évidence juridique et l’exigence morale voulaient qu’il ne puisse y avoir de justice internationale sans jugement des grands responsables, Nuremberg en ayant été la première illustration, aujourd’hui ceux qui ont conçu et mis en œuvre des politiques criminelles peuvent à nouveau espérer échapper au châtiment. Pour preuve, le patron des services secrets de Slobodan Milosevic et son bras droit, qui ont formé et financé les escadrons de la purification ethnique, ont été acquittés fin mai par le TPIY au prétexte qu’aucun document ou enregistrement montrant qu’ils avaient donné à leurs subordonnés l’ordre spécifique de tuer n’avait été trouvé. Jovica Stanisic et Franko Simatovic rentraient libres à Belgrade, sans que les juges ne leur reprochent, à titre personnel, d’avoir contribué, d’une manière ou une autre, à commettre ces crimes. Envolée également la doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique, celle qui veut qu’un commandant réponde des crimes commis par ses subordonnées s’il n’a rien fait pour prévenir ces crimes ou pour en punir les auteurs.

A ce régime, la plupart, ou peut-être même tous les leaders nazis jugés à Nuremberg auraient été acquittés ! Ce n’était cependant pas la première fois que des juges du TPIY tentaient de ramener le droit international humanitaire à l’âge de pierre. En février, Momcilo Perisic, l’ex chef d’état major de l’armée de Serbie lourdement condamné en 2011 pour avoir « aidé et incité » les forces séparatistes serbes de Bosnie à persécuter leurs voisins musulmans, avait lui-aussi bénéficié d’un acquittement. Pourtant près de deux mille de ses officiers, dont le général Ratko Mladic, contrôlaient l’ensemble des structures de commandement de l’armée serbe de Bosnie à qui il fournissait armement et moyens financiers et logistiques nécessaires aux opérations de purification ethnique. Mais les juges de la Chambre d’appel ont estimé qu’il devait avoir soit exercé une autorité directe sur les forces criminelles, soit indiqué explicitement que l’aide concédée était destinée aux crimes. Le TPIY va ainsi achever son mandat sans avoir condamné un seul membre du régime de Milosevic malgré l’implication incontestable de la Serbie dans les crimes de masse en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Parallèlement, au Tribunal pour le Rwanda, deux anciens ministres du gouvernement intérimaire ont été libérés du jour au lendemain alors qu’ils avaient été condamnés à trente ans de prison en première instance pour avoir participé à la planification du génocide contre les Tutsis. La Chambre d’appel du TPIR était alors présidée par le Président du TPIY.

La justice internationale serait-elle en train de rétablir l’impunité qu’elle combattait et de suggérer le modus operandi des crimes futurs ?

Le juge chinois Liu Daqun s’en est inquiété. Opposé à l’acquittement en appel de Momcilo Perisic, il a reproché à ses collègues de mettre la barre si haute qu’il devenait désormais impossible de confondre les hauts responsables.

Fin octobre 2012, un autre juge, l’Italien Fausto Pocar, avait lui-aussi exprimé avec virulence son malaise lors de l’acquittement en appel des généraux croates Ante Gotovina et Mladen Markac, indiquant dans une opinion séparée que le jugement « contredit tout sens de justice ». Sans doute pouvait-on s’interroger sur la responsabilité du général Gotovina qui, en août 1995, avait commandé une opération militaire en soit légitime (la reprise de la Krajina tenue pendant quatre ans par les forces séparatistes serbes de Croatie avec l’aide de Belgrade), et était reparti vers d’autres fronts avant que sa victoire facile sur une place forte qui ne résistait plus ne serve à la persécution des civils serbes et la destruction de leurs biens.

Le plus stupéfiant dans cet acquittement est, en revanche, la double initiative de la Chambre d’appel, ou plutôt de trois de ses cinq juges, d’exonérer, en même temps que Gotovina, l’ensemble de la direction croate de l’époque et de remettre en cause les conventions de Genève. Refusant de prendre en considération la teneur pourtant explicite des réunions préparant l’attaque de Knin et de ses environs, l’impunité générale accordée aux auteurs des pillages et des meurtres qui ont suivi la reconquête et les mesures pour empêcher le retour des habitants de souche serbe, les juges majoritaires ont affirmé que le régime du président Franjo Tudjman n’avait en rien voulu ce nettoyage ethnique, supposément imputable à quelques unités croates incontrôlées et assoiffées de vengeance. Les hauts-magistrats se sont ensuite cru autorisés d’abolir la notion de tirs indiscriminés contre la population et les biens civils, inscrite dans les Conventions de Genève, en supprimant purement et simplement toute limite au-delà de laquelle les bombardements trop éloignés des cibles militaires affichés deviennent illégitimes en zones habitées. « Grotesque, » rétorque sans détour dans l’annexe du jugement l’un des juges resté en minorité.

Il y avait eu également en novembre 2012, l’acquittement de Ramush Haradinaj, ancien premier ministre kosovar et commandant militaire pendant la guerre d’indépendance du Kosovo (1998-1999), soupçonné de crimes contre l’humanité envers des Serbes, des Kosovars et des Roms. Le désistement des principaux témoins à charge durant le procès, suite à de « graves intimidations », soulignait la fragilité d’une justice internationale pourtant destinée à faire la lumière sur les responsabilités criminelles de dirigeants encore influents lorsque la justice locale en est encore incapable.

Pendant vingt ans, le TPIY et le TPIR ont symbolisé les avancées du droit international, en ne visant pas seulement les exécuteurs de basses œuvres mais en démontrant que ceux qui, loin des champs de la mort, avaient élaboré et assuré la mise en œuvre des politiques criminelles de masse ne sont plus épargnés par la justice. L’ouverture en février 2002 du procès contre l’ancien président serbe Slobodan Milosevic (décédé en 2006 avant la fin de son procès) pour sa responsabilité dans les crimes commis par les forces serbes en Croatie, en Bosnie puis au Kosovo avait marqué un tournant historique, au même titre que le procès de Jean Kambanda, le premier ministre du gouvernement intérimaire rwandais pendant le génocide.

Comment l’inadmissible est-il entre temps redevenu possible ? L’exigence, apparemment irrévocable, que justice soit faite contre les grands criminels, serait-elle en train de vaciller ? La victoire des opinions publiques sur les réticences des dirigeants politiques ne serait-elle plus qu’illusion et les instances judicaires internationales plus qu’un leurre pour tromper nos émotions face à la constante prolifération des crimes d’Etat ?

Peut-être fallait-il voir dans le sort réservé à quelques uns des grands criminels contemporains les signes précurseurs de ce revirement. La pendaison de Saddam Hussein, avant même que l’ensemble de ses crimes ait pu être exposés, accordait pourtant la primauté au châtiment et non à la justice. La peine de mort bannit par les Nations Unies, les Etats-Unis s’étaient opposés à l’idée d’un procès devant une instance internationale et avaient mis sur pieds le tribunal spécial irakien qui l’a condamné. Lynché et exécuté par ses opposants, Kadhafi ne comparut jamais devant la Cour pénale internationale qui l’avait inculpé. Et si le Président Obama et quelques dirigeants européens ont assuré que justice avait été rendue en apprenant la mort de Ben Laden, il n’y avait là que châtiment.

Les drones remplacent-ils désormais les prétoires, la loi du Talion le droit humanitaire international ? N’y aurait-il plus à l’aube de ce millénaire pour les gouvernants criminels que l’alternative qui a présidé des siècles durant: la mort ou l’impunité, en fonction de leurs appuis internationaux ?
Peut-être assistons-nous sans le savoir à la fin de la primauté donnée à la justice sur l’opportunité politique qui représentait un des grands bouleversements de notre temps. La responsabilité de protéger qui, au nom des valeurs fondatrices et universelles de la communauté internationale affecte les conceptions classiques de la souveraineté, ne serait-elle, au final, qu’un argument guère plus convaincant que la responsabilité de civiliser au temps des croisades et de la colonisation ?

Le doute s’est installé sans que l’on ne prenne pour autant véritablement conscience que le droit international humanitaire, à qui le symbole monstrueux d’Auschwitz a donné corps, est devenu un carcan aux yeux de nos démocraties qui voudraient aujourd’hui s’en libérer comme les pouvoirs financiers se sont affranchis de toutes les barrières qui limitaient leur puissance. Le recours à la torture au nom de la sécurité, imposé par les Etats-Unis avec le consentement de l’Europe, en est l’une des illustrations les plus criantes. Or, c’est en faisant face à cette réalité, que l’opinion publique pourra adhérer à ce revirement stupéfiant ou, à l’inverse, s’employer à redresser la barre et empêcher la remise en cause du droit humanitaire international.

La crise de confiance sans précédent qui ébranle le TPIY depuis quelques mois est, en ce sens, l’affaire de tous. La réduire à un simple différend entre une institution sans failles et des communautés yougoslaves enclines à confondre la justice avec leurs seuls intérêts ou leur propre vision des événements tragiques du passé, comme le prétend la direction du Tribunal, serait une erreur. Il est vrai que les conséquences sur l’histoire de la région sont considérables, que la vérité judiciaire qui ressort de ces récents jugements obscurcit plus qu’elle n’éclaire la tragédie yougoslave et qu’elle hypothèque le long et douloureux processus de réconciliation. Les acquittements ne blanchissent pas seulement de hauts responsables, ils remettent en cause l’implication des régimes et donc des Etats qui ont conçu et permis la mise en œuvre de politiques de nettoyage ethnique sur ces territoires. Ils confortent ainsi chaque camp dans le négationnisme de ses propres crimes. Il n’en reste pas moins que le virage récemment opéré par le TPIY engage l’avenir, bien au-delà de la seule ex-Yougoslavie. De la même manière qu’autrefois, par ses avancées, le Tribunal contribuaient au développement du droit international, aujourd’hui il ébranle tout l’édifice de ce droit lorsqu’il choisit d’offrir des garanties juridiques aux hauts responsables et gradés qui prennent la précaution de se tenir loin des sites de massacre et de déléguer à d’autres la charge de donner l’ordre spécifique de tuer.

Les organisations de défense des droits de l’homme de toute l’ex-Yougoslavie ne sont d’ailleurs plus les seules à demander l’ouverture d’une enquête sur « l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité » des juges du TPIY, comme elles l’ont fait, en juin, auprès du secrétaire général des Nations unies, en invoquant leurs doutes quant à l’équité des récents jugements.

Fin juin, des juristes français de l’Institut des Hautes Etudes sur la justice français ont appelé à la constitution d’une commission d’enquête indépendante afin de déterminer si il y a eu ou non des tentatives de pressions sur le travail des juges. Quelques jours plus tard, la très influente ONG, Human Right Watch, faisait part de ses craintes de voir la Cour Pénale Internationale (CPI) invoquer le nouveau critère de l’ordre spécifique pour acquitter l’ancien président du Libéria, Charles Taylor, condamné en première instance pour les crimes des forces qu’il finançait au Sierra Leone. Le verdict Charles Taylor sera rendu dans le courant du mois de septembre 2013. Jamais le TPIY n’avait connu une telle crise de confiance auprès des plus vigoureux soutiens de la justice internationale.

Au sein même du TPIY, une partie des juges soupçonne la direction du Tribunal de s’être laissée influencer par l’appareil militaire ou diplomatique de certains Etats. D’aucuns l’avaient suggéré à mots à peine couverts dans leur opinion dissidente aux jugements d’acquittement où ils s’interrogeaient sur les véritables motivations derrière ces verdicts. Mais, en juin, un courriel privé rendu public par la presse a mis le feu aux poudres. Le juge danois, Frederik Harhoff, y écrivait ce que beaucoup autour du Tribunal subodorait.

L’homme au cœur du récent revirement n’était autre que le tout puissant président du TPIY, le juge américain Theodor Meron, celui qui présidait les Chambres d’appel ayant prononcé les verdicts controversés. Le juge danois explique à ses amis et anciens collègues, avoir la conviction que le juge Meron a cédé aux pressions ou cherché à satisfaire les desiderata « des officiels américains ou israéliens », les deux pays dont il a la nationalité. Deux pays dont les forces armées interviennent hors de leurs frontières et refusent de soumettre leurs ressortissants à la justice internationale au prétexte qu’une telle éventualité limiterait leur puissance d’action sur les théâtres d’opérations extérieures. Le juge danois fait également état de « rumeurs » chez les juges sur les pressions, parfois tenaces, qu’exercerait sur eux le président du TPIY, pour orienter leurs décisions. Une précaution de langage pour des accusations pourtant très précises. Selon le juge danois, le juge Meron aurait ainsi arraché le vote d’ « un juge vieillissant », comprendre du juge turc Güney, visiblement gâteux, afin de prononcer un acquittement à la majorité des voix. Il aurait également forcé la main du juge hollandais Alphonse Orie, pour qu’il applique le nouveau critère de « l’ordre spécifique» et acquitte, en première instance, le chef espion de Milosevic, Jovica Stanisic, et son homme de main, Franko Simatovic. Opposée à cet acquittement, la juge française, Michèle Picard, ne se serait vue accorder que quatre jours pour rédiger son opinion dissidente et démontrer l’inéquation entre les preuves et le verdict.

En désaisissant, le 29 aout, le juge danois du procès contre Vojislav Seselj, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, vient une fois de plus de montrer à quel niveau il situe la justice.

Pourtant, les allégations sont suffisamment graves pour justifier qu’il y ait enquête. D’autant que la liste du juge danois est loin d’être exhaustive. Il ne fait par exemple aucune référence aux suspicions pesant sur l’annulation de la condamnation du Croate Ante Gotovina dont le jugement en appel reprenait mot pour mot les thèses d’un groupe de juristes américains favorables à un assouplissement du droit de la guerre, notamment dans le cadre de bombardements de zones habitées. Non seulement le juge Meron assurait la présidence de la Chambre d’appel mais son ancienne secrétaire lorsqu’il était professeur d’université animait le groupe d’experts juridiques en question.

Les suspicions d’allégeance portées à l’encontre de celui à qui d’aucuns reprochent de « considérer le Tribunal comme son fief », sont aussi alimentées par des câbles diplomatiques confidentiels divulgués par le site Wikileaks. L’un d’entre eux, datant de 2003, souligne la concordance de vue entre l’administration américaine et le juge Meron, décrit par un diplomate comme « le défenseur prééminent au sein du tribunal des efforts du gouvernement des Etats-Unis.» Theodor Meron était alors président du TPIY (2003 à 2005), un poste auquel il avait été réélu en 2011. Bien que son mandat s’achève en novembre, il gardera la haute main sur le TPIY. Depuis le 1er juillet, il est en effet devenu le président de la nouvelle instance chargée de superviser la fermeture à la fois du TPIY et du TPIR et d’assurer ensuite les fonctions résiduelles de ces deux Tribunaux. C’est lui qui gère désormais toutes les demandes de révision des jugements et les remises de peine et, pour ce faire, il a choisi comme chef de cabinet, Karen Johnson, l’ex-conseillère juridique de l’ambassade des Etats-Unis à La Haye. La boucle semble bouclée.

Si ces allégations sont encore insuffisantes pour prouver l’irrégularité des jugements récemment prononcés, une chose est sure : la nouvelle doctrine sur le degré de responsabilité des dirigeants engagés dans des opérations militaires extérieures ou ayant fourni armes et milices à leurs alliés ne saurait déplaire aux grandes puissances. Pour Kenneth Roth, directeur de Human Right Watch, le Tribunal cherche « à restreindre le concept de complicité afin de rassurer ceux qui aux Etats-Unis craignent de voir leur responsabilité pénale engagée si les récipiendaires de l’aide militaire américaine commettent des crimes. » Le très conservateur John Bolton le confirme. Lui, qui au sein de l’administration Bush œuvrât sans relâche contre le développement de la justice internationale, réitère aujourd’hui que l’impératif moral d’une justice universelle met en danger le monde parce qu’il entrave le pouvoir politique au point de le rendre impuissant.
A l’heure des guerres par procuration, les priorités ont changé. Une reconfiguration du droit est devenue indispensable aux yeux des grandes puissances qui veulent pouvoir fournir des armes à des milices en lutte contre des dictateurs, comme hier en Libye ou aujourd’hui en Syrie, sans avoir à répondre des crimes commis par celles-ci.

Pendant deux décennies, la justice internationale s’était employée avec succès à réduire l’angle mort de l’impunité. Aujourd’hui, quelques magistrats s’efforcent de le rétablir. Qu’ils agissent de leur propre initiative ou sur ordres ne changent rien sur le fond. Ce qui importe est que nous sommes en train de changer d’époque et d’oublier les leçons du siècle passé. L’heure est à la déconstruction des acquis novateurs du droit humanitaire international. A sa remise en cause, comme le déplore publiquement le procureur du TPIY, le Belge Serge Brammertz. Un retour en arrière qui laisse un sérieux sentiment de gâchis.

« L’articulation entre politique et justice, aussi complexe et équivoque soit-elle, n’est pas condamnée à une sorte d’incompatibilité entre la « realpolitik » et l’idéal de justice » remarque Joel Hubrecht dans son excellente analyse des récents jugements du TPIY (La Justice internationale est-elle en train de faire fausse route ? Institut des Hautes études sur la Justice, Paris, Juin 2013). A condition toutefois de remettre la question de la justice internationale au cœur du débat public et de rechercher le juste équilibre. Les mères de Srebrenica et l’association des rescapés des camps de concentration en Bosnie-Herzégovine ont montré l’exemple mi-juillet en se rendant au siège du TPIY à La Haye où elles ont exigé de rencontrer chacun des magistrats séparément afin de savoir s’ils comprenaient la portée des récents errements du Tribunal et pourquoi ils ne résistaient pas à ce changement radical de cap qui met tout l’héritage du TPIY en danger.

Ce fut grâce à l’énergie des magistrats et à l’appui des opinions publiques que le TPIY n’est pas resté le « tigre de papier » auquel aspiraient les dirigeants politiques qui avaient consenti à sa création. Les magistrats sont pour l’heure encore divisés. Or il suffirait, rappelle Kenneth Roth, le directeur de HRW, qu’une chambre d’appel dans une affaire similaire dise que l’ordre spécifique n’est pas nécessaire, la preuve d’une contribution substantielle à la commission de crimes suffisant, comme autrefois, à inférer la responsabilité personnelle ou celle de commandant hiérarchique dès lors que l’accusé avait connaissance que des crimes étaient ou pouvaient être commis grâce à ses propres actes. Y aura-t-il assez de magistrats courageux pour redonner un sens au TPIY ou bien seront-ils écartés par le juge Meron qui affecte les juges à la chambre d’appel ? L’avenir immédiat du droit humanitaire international en dépend.


* Florence Hartmann, journaliste et ex-porte-parole du procureur du TPIY et du TPIR est . Auteur entre autres de « Paix et Châtiment, les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales », Flammarion, 2007.

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