A l’automne 2008, je regrettais la surenchère des représentants des ayants
droits intéressés à une répression forte du piratage. Prenant l’opinion publique et les acteurs politiques à témoin, ils n’annonçaient pas moins que la mort de leurs métiers.
Tout ce ramdam pour faire oublier qu’à l’époque, la grande majorité des internautes reprochait aux majors de vouloir se garder l’intégralité des marges supplémentaires autorisées par la diffusion des œuvres en ligne. Ils attendaient une forte diminution du prix d’accès aux films et à la musique disponibles sur la Toile.
Nous prédisions que des offres plus conformes feraient davantage diminuer le
piratage et la perte supposée de revenus « colossaux (Selon la com. de l’époque) que la peur d’Hadopi ! C’est le cas aujourd’hui ! Si la « démarque inconnue » reste toujours là, le piratage aura relativement fortement diminué depuis 2008. Reste que si Hadopi a utilement œuvré pour la sensibilisation souhaitable des internautes peu enclins au respect de la loi, peut-être est-il temps de s’interroger sur son avenir.
Hadopi ou plus pompeusement « La Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits » est, contrairement à ce qui s’observe dans d’autres pays, un organisme d’Etat. C’est le bon côté des choses, car les contrevenants qui téléchargent illégalement des œuvres sous « copyright » s’en sortent généralement avec quelques avertissements et des amendes plutôt modestes entre 50 et 700 euros. Punitions qui n’ont rien à voir, mais alors rien à voir, avec les procès et les dommages et intérêts colossaux imposés aux contrevenants américains ou allemands par exemple. Ne nous plaignons donc pas et n’ironisons pas trop sur sa supposée inefficacité, la peur du gendarme a sans doute calmé quelque peu l’explosion du PtoP (Peer to Peer) pour les trafics illégaux. Par contre le mauvais côté de la chose, c’est la question de savoir ce que vient faire un organisme d’Etat, dont on conteste régulièrement l’efficacité, dans cette galère qui n’intéresse qu’un écosystème très spécifique et généralement plutôt à l’aise côté porte-monnaie.
L’Hadopi c’est plus de 44 millions d’euros en coût d’établissement et 16 millions
cumulés de dotation de fonctionnement à 2014 ! Cette année la dotation annuelle va diminuer faute de moyens de financement sur le budget général (1). Mais pourquoi devons-nous, nous contribuables, continuer de financer ce machin qui aurait dû être pris en charge par les ayants droits qui ne cessent de crier au dol, au vol, au piratage !?
Venons-en au fait : si notre système est moins bon que celui existant à l’étranger et son financement difficile et inapproprié, nous devons revoir notre copie. Le vol – même en ligne – relève des lois sur la consommation qui sont de la responsabilité de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du Conseil National de la Consommation (CNC), tous deux parfaitement capables de prendre le relais d’Hadopi en y intégrant les outils, les méthodes et les compétences acquises par cet organisme. Et si cela n’est pas possible pour des raisons juridiques ou techniques, alors que l’Etat cesse de se mêler de tout, qu’il laisse tomber, en laissant aux ayants droits, à des organisations comme la SACEM, le soin et le droit de s’organiser pour défendre leurs intérêts … et surtout à en assurer le financement !
1. En dépit de ses efforts pour mettre en valeur son activité, l’institution n’est pas parvenue à obtenir la rallonge budgétaire de 2,5 millions d’euros tant convoitée. En 2015, comme en 2014, le ministère de la Culture se bornera donc à la financer à hauteur de 6 millions d’euros, ce qui, sans grande surprise, « ne permettra pas […] d’éviter un troisième exercice déficitaire consécutif en 2015 ». Après avoir dépensé plus de 9 millions en 2014, la Hadopi doit donc réduire la voilure.
Site de Denis Ettighoffer : http://www.ettighoffer.fr