Comment enrayer la baisse des ventes de journaux en kiosque ? La réforme des NMPP, attendue avant la fin de l’année 2006, doit répondre à cette crise. Retour sur l’organisation d’une société de distribution de la presse née à la Libération. Et sur les enjeux de sa réforme.
La distribution de la presse repose sur une organisation à trois niveaux : en haut, les messageries, qui assurent l’interface avec les éditeurs, reçoivent le « papier » et centralisent le produit des ventes ; au milieu, des grossistes ; en bas, les marchands de journaux.
Nées en avril 1947, peu de temps après la loi Bichet, les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), principale messagerie française, sont constituées en société commerciale de distribution de presse. Elles regroupent dans une même entité les éditeurs, réunis en cinq coopératives, et un distributeur, Hachette. Les coopératives de presse sont majoritaires avec 51 % du capital ; l’opérateur, Hachette, détient les 49 % restants. Les cinq coopératives arrêtent les tarifs de distribution. Les actionnaires déterminent ensemble les orientations stratégiques du groupe.
Ce système fondé sur l’interdépendance entre éditeurs et distributeur est venu compléter les lois sur la liberté et la pluralité de la presse de la fin du XIXème siècle. La loi Bichet impose ainsi aux messageries, pilotées par les coopératives d’éditeurs, de diffuser auprès de l’ensemble des marchands de journaux tout titre qui en fait la demande, éliminant ainsi les barrières à l’entrée pour tout nouvel éditeur. La presse bénéficie en outre de tarifs postaux plus favorables, l’Etat compensant le manque à gagner pour La Poste. Elle bénéficie également d’un taux de TVA extrêmement réduit (2,1 %) et se voit dispensée du paiement de la taxe professionnelle.
Cadeau non négligeable car cela permet à des titres totalement indépendants (le Canard enchaîné, Charlie Hebdo, Que choisir ?, Alternatives Economiques…) de subsister…
Pourquoi une réforme est-elle nécessaire ?
En vingt-cinq ans, le nombre des points de vente de journaux a chuté de 36 000 à 28 000, chiffre de 2006. La France compte ainsi un point de vente pour 2 000 habitants, contre 1 pour 1 600 en Italie, 1 pour 1 400 en Espagne, 1 pour 1 000 en Grande-Bretagne et 1 pour 800 en Allemagne. Et la baisse s’accélère (environ 500 points de vente ferment chaque année), due à la faible rémunération des marchands de journaux et à la gestion des invendus (difficultés aggravées par le développement des journaux gratuits et d’Internet).
Les diffuseurs de presse français sont en effet les moins bien payés en Europe, touchant une commission allant de 13 à 18 % du prix de chaque exemplaire vendu, contre une moyenne de 20-20,5 % dans le reste de l’Union européenne.
L’augmentation du nombre des invendus est paradoxalement liée quant à elle à la croissance des recettes publicitaires dans la presse. Le foisonnement des titres diffusés par les marchands de journaux reflète surtout les effets de cet essor. Les nouveaux lancements s’opèrent chaque année sur les créneaux réputés les plus rentables. Cette multiplication des titres n’a pas posé de problèmes aux messageries jusqu’à présent, dans la mesure où celles-ci facturent le traitement des invendus. Mais elle contraint les marchands de journaux à mettre en rayon, à comptabiliser puis à retourner une multitude de titres (60 % des magazines partent ainsi au pilon). D’où la tentation pour les marchands de journaux de vendre de plus en plus de produits « hors presse » : DVD ou jeux vidéo. Ce qui limite la place donnée aux journaux et ne favorise pas les ventes…
Enfin, l’équilibre politique savamment orchestré au sein des NMPP, équilibre hérité de la Libération est désormais faussé. Hachette, société de messagerie à l’origine, est devenu un éditeur de presse dont le territoire ne cesse de s’étendre. Hachette, filiale de Lagardère, possède également de nombreux grossistes ainsi que le réseau des Relay. Le groupe a ainsi accru de fait son pouvoir aux NMPP.
Ce qui a été mis en place
L’affaiblissement du réseau des marchands de journaux a donc incité les éditeurs à développer les ventes par abonnement : de 30 % en 1990, les abonnements contribuent désormais pour 38 % au chiffre d’affaires de la presse.
Les NMPP ont entrepris par ailleurs d’ouvrir des nouveaux points de vente, à l’offre plus réduite que les kiosques et maisons de la presse traditionnels. Ils testent trois nouveaux types de points de vente : les PVQ, dédiés aux quotidiens, à Paris et en Ile-de-France ; les PVC (points de vente complémentaires), qui distribuent au maximum 150 titres dans les bars-tabac, supérettes, brasseries, stations-service ; enfin, les PVS (spécialisés) installés dans des grandes surfaces spécialisées. Un PVS a par exemple ouvert ses portes dans un magasin Castorama de la banlieue lilloise.
Par ailleurs, les NMPP ont mis au point un système de fidélisation des lecteurs au moyen d’une carte.
Quelle réforme avec quelles conséquences ?
Pour enrayer la baisse du nombre de marchands et, donc, rendre le métier plus attractif, l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) propose de modifier les règles de la loi Bichet en autorisant les diffuseurs à décider eux-mêmes du nombre de titres qu’ils souhaitent vendre. Ce panel se ferait en fonction de leur clientèle et de leur espace de vente. Pas question, semble-t-il, de leur permettre de sélectionner les titres, ce choix resterait de la responsabilité des sociétés de messageries et des dépositaires.
La rémunération serait également fonction du degré de spécialisation, c’est-à-dire l’espace du point de vente consacré uniquement à la presse par opposition aux autres produits (tabac, DVD, livres, bonbons…). Le barème irait de 10 % pour les diffuseurs proposant de mettre sur leurs linéaires 150 titres différents à 25 % pour ceux proposant à la vente un maximum de journaux.
Cette réforme permettra-t-elle de lutter contre la baisse des ventes ? Et la pluralité de la presse va-t-elle être préservée ? Ne risque-t-on pas de voir se multiplier les petits points de vente dans les bars-tabac, supérettes qui, du fait de leur taille et de leur pluriactivité, vont privilégier partout les mêmes journaux à gros tirages ? Et verra-t-on, au sein des NMPP, se mettre en place un système permettant de contrer le pouvoir du groupe Hachette ? Autant de questions en suspend…
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