Dans le cadre de la consultation sur la possible évolution du statut d’Information politique et générale (IPG), le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) a adressé au président de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), Jean-François Mary une contribution exprimant ses positions.

« Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) considère que l’actuel statut IPG est inapplicable à l’ère numérique, car il génère des situations de discrimination et de distorsion de concurrence insolubles, et crée de nombreuses incertitudes juridiques en raison de l’opacité des règles actuellement en vigueur. La multiplication des définitions de l’information politique et générale accroit ces risques d’opacité et d’insécurité juridique.
Si, malgré ces réserves importantes sur la légitimité d’un statut IPG, celui-ci devait être maintenu, le Spiil demande :

 l’adoption d’une définition unique : il n’existe qu’une seule presse, et les supports (papier ou numérique) sont des vecteurs de diffusion vis à vis desquels les pouvoirs publics ne doivent pas créer de distorsions non justifiées économiquement. C’est donc sur la nature des contenus plutôt que sur leur support de mise à disposition au public que les règles doivent porter : des contenus de nature à éclairer le jugement des citoyens.
Ce principe ne s’oppose pas à ce que des dispositions spécifiques de mise en application puissent être adoptées pour les publications imprimées, d’une part, ou pour les publications numériques, d’autre part, afin de tenir compte de leurs caractéristiques particulières, mais sans pour autant qu’il ne soit dérogé à un socle commun à toute la presse. Ainsi, il paraît naturel que les exigences en termes de renouvellement de l’information soient adaptées en fonction du support. S’il n’appartient pas au Spiil de se prononcer sur les critères de fréquence de parution pour la presse imprimée, il demande que, pour les publications numériques, il soit fait référence à un «renouvellement permanent et daté », ce qui constitue un critère simple, adapté au traitement numérique de l’information, et facilement vérifiable.

 une définition centrée sur une « information politique et citoyenne », c’est-à-dire une information s’adressant au citoyen, non pas simplement en tant qu’électeur mais en tant que qu’individu responsable, participant à « la vie de la cité », dans toutes ses dimensions: politique, économique, culturelle, sociale, scientifique, environnementale, professionnelle, artistique, éducative, etc. A ce titre, la presse d’information politique et citoyenne (IPC) joue un rôle essentiel dans une démocratie en éclairant le jugement des citoyens. Elle se différencie en cela de la presse strictement récréative ou qui s’adresse uniquement au consommateur.

 une approche qualitative de l’IPC, en renforçant les exigences de traitement journalistique de l’information par rapport à celles concernant les thématiques abordées ou le public à laquelle la publication imprimée ou numérique s’adresse, ou est supposée s’adresser. C’est d’abord la capacité d’une publication à décrypter l’information, à la contextualiser, à l’enrichir d’analyses et de commentaires, qui détermine son rôle d’information politique et citoyenne, même sur des thématiques dites « spécialisés » dès lors qu’elles contribuent à la formation d’une opinion citoyenne. Aujourd’hui, les limites entre information « générale » et information « spécialisée » sont difficiles à déterminer : le citoyen dispose de sources d’information multiples, et ses modes de lecture sont « multi-titres », que les titres soient « généralistes » ou « spécialistes » ; les sites «généralistes » incluent une part importante d’informations « spécialisées », citoyennes, mais aussi commerciales ou récréatives ; et il est courant que des titres « généralistes » s’appuient sur des informations provenant de titres « spécialisés » pour fournir une information de qualité à leurs lecteurs. Ce qui importe, c’est d’éclairer le jugement du citoyen. Les thématiques abordées n‘en sont que les moyens.

 une définition répondant à des critères simples, facilement vérifiables, dépourvus autant que faire se peut d’ambiguïtés ou de risques d’interprétations divergentes, et ne faisant pas appel à des concepts de gestion interne sans lien direct avec l’information citoyenne (tels que des critères volumétriques ou de superficie ; des critères de restrictions d’accès ; des critères de masse salariale ou autres). L’utilisation de sources externes, par syndication d’autres contenus journalistiques par exemple, ne devrait pas plus être utilisée comme un facteur d’exclusion du bénéfice du régime de l’information politique et citoyenne.

Pour ces raisons, le Spiil propose la définition suivante : « Pour être qualifiés d’information politique et citoyenne (IPC), les journaux et écrits périodiques (tels que définis par la loi n° 86-897 du 1 août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et par le décret du 29 octobre 2009), qu’ils soient imprimés ou numériques, doivent remplir les conditions suivantes :

1. Présenter un lien direct avec l’actualité, et avoir pour objet principal d’apporter sur l’actualité

2. avoir recours à un traitement journalistique de l’information par un apport éditorial original politique et citoyenne (socio-économique, sociétale, culturelle, scientifique ou professionnelle) des informations et des commentaires tendant à enrichir le savoir des citoyens, et par là même à éclairer leur jugement ; significatif, s’appuyant sur la hiérarchisation, la contextualisation, et la mise en perspective des informations».

Dans la continuation de ces observations, le Spiil demande que, en tout état de cause, et quelle que soit l’issue des travaux du Groupe de travail :

 la distinction entre sites « IPG » et sites « A39bis » soit supprimée sans délai au bénéfice d’une catégorie unique de sites, en classification « Y » ;

 la presse numérique ne soit plus qualifiée de « services de presse en ligne » mais de « publications de presse en ligne », ou de « publications de presse numériques », afin de garantir le fait qu’une publication numérique ne soit pas assimilable à un « service fourni par voie électronique » au sens communautaire du terme ;

 l’obligation d’emploi d’au moins un journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail, déjà imposée à tout site de presse en ligne, soit élargie aux publications imprimées IPC.

Le Spiil : Créé en octobre 2009, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) regroupe près de 100 éditeurs de presse ayant le numérique comme activité de référence, et représentant 120 publications en ligne. Ses objectifs sont de:
• Promouvoir une presse indépendante et de qualité sur Internet ;
• Défendre un cadre juridique et réglementaire qui permette un réel développement économique de la presse en ligne, et assure sa pérennité ;

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

Le Magazine, Médias et démocratie

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