Loi sur l’enseignement supérieur et la recherche : de réelles avancées et des points en suspens
Le projet de loi en préparation sur l’enseignement supérieur et la recherche porte en lui la double responsabilité de rectifier les effets les plus néfastes des réformes précédentes, et d’insuffler de nouvelles ambitions. Il présente des avancées réelles, notamment sur la parité, le transfert technologique, la formation tout au long de la vie, l’objectif d’attractivité du territoire national, la réforme de l’évaluation… Le pôle Enseignement supérieur et Recherche de Terra Nova* appelle toutefois à une vigilance particulière sur la mise en œuvre d’autres dispositions, comme le remplacement de l’habilitation par l’accréditation des établissements, la création des communautés scientifiques, la future gouvernance des universités. Pour que ces mesures ne ratent pas leur objectif, le temps du débat parlementaire sera déterminant.
Le projet de loi sur l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR), qui va très prochainement être adopté par le Conseil des ministres puis discuté au Parlement, n’a guère suscité de débats hors de la communauté des acteurs de l’ESR. Certes, la Loi ne peut ni ne doit tout régler, mais elle fixe les conditions dans lesquelles l’Etat doit assumer son rôle incitatif et régulateur, en donnant aux acteurs l’autonomie nécessaire pour atteindre les objectifs généraux qu’il détermine.
La tâche du gouvernement comme du législateur est rude : dans un système morcelé depuis toujours, et en présence d’une communauté déstabilisée par les dix années Chirac-Sarkozy, aux espoirs souvent contradictoires, comment proposer un nouvel horizon commun ? Le projet de loi ESR y parvient, mais au prix d’un texte aux ambitions mesurées, et dont l’effet dynamisant dépendra beaucoup de l’esprit dans lequel il sera appliqué.
Dans cette note, nous applaudissons un certain nombre de points qui nous paraissent très positifs, comme les dispositions sur la parité, le transfert technologique, la formation tout au long de la vie, l’objectif d’attractivité du territoire national, la réforme de l’évaluation. Nous sommes plus nuancés sur d’autres aspects :
1. le bouleversement que représenterait le remplacement de l’habilitation par l’accréditation des établissements nous paraît très prometteur, pourvu qu’il ne soit pas détourné par des normes uniformisantes ;
2. si la création des communautés scientifiques permet une clarification nécessaire de l’empilement de structures (PRES, IDEX…) créées depuis 2006, il n’est pas certain qu’elle permette l’émergence de véritables universités nouvelles, rassemblant efficacement les actuelles universités, écoles et centres de recherche des organismes ;
3. la future gouvernance des universités, pour laquelle la loi propose un modèle unique, inadapté à la diversité des institutions, et dont on se demande s’il favorisera plus qu’auparavant l’accès aux fonctions exécutives de personnalités fortes et légitimes, ou le nécessaire équilibre entre logique managériale et collégialité académique. Enfin, nous regrettons que le texte n’ait que peu d’effets directs sur les cursus universitaires, n’ouvrant la voie ni à la différenciation des parcours en licence, ni à la création de parcours de masters cohérents, structurés sur deux ans, avec sélection dès l’entrée en première année.
Espérons que le débat parlementaire permette une évolution positive du texte, et n’en limite pas au contraire les effets progressistes sous la pression des groupes corporatistes.