Ancien ministre du logement, Jacques Barrot dénonce la politique menée par les offices HLM dans une de ses dernières interviews recueillies avant sa mort (en décembre dernier) et publiée par le journal de la Fondation Abbé Pierre, Et les Autres.
Soulignant que la crise du logement en France est « la plus aigüe d’Europe » (1), l’ancien vice-président de la Commission Européenne (2004-2010) attribue cette situation notamment à la rareté des terrains à bâtir et à « la négligence de tous les Offices publics Hlm qui ont rechigné et rechignent toujours à construire ». Créateur de l’Aide Personnalisée au Logement en 1977, quand il
était ministre, Jacques Barrot regrette que destinée à favoriser l’accès au logement des plus pauvres, cette aide n’ait pas été affectée directement au logement, le gouvernement n’ayant pas réussi alors à obtenir gain de cause au Parlement. En conséquence de quoi, l’APL a « donné lieu à des abus ».
Invité à présenter ses propositions, Jacques Barrot demande en premier lieu que les OPAC « cessent de loger des personnes aux revenus supérieurs », regrettant que les plus modestes n’aient pas été prioritaires dans l’attribution des logements par les offices HLM. Il préconise également de construire davantage de logements « très sociaux » sans oublier de réaliser des grands ensembles comprenant logements « très sociaux » et logements « intermédiaires » pour « éviter la ségrégation ». Insistant sur la pratique sociale des OPAC, l’ancien ministre démocrate chrétien estime que la vocation sociale de ces structures est aujourd’hui « en berne ».
Au niveau européen, le bilan dressé par Jacques Barrot n’est guère plus positif : il constate que l’Europe sociale, « encore à ses balbutiements », n’ait pu mettre en place une politique du logement pour les plus démunis. Et de préciser que le Fonds Social Européen qui permet d’aider au logement des plus modestes est géré au niveau national : « il ne s’agit donc pas d’une réelle politique de l’Union Européenne. »
(1) Dans son bilan 2014, la Fondation Abbé Pierre évalue à 3,5 millions de personnes le nombre des mal logés en France et met en exergue l’augmentation de 50 % des sans abri depuis 2008 (avec 141.500 personnes en cette situation). Autres chiffres significatifs : 1,8 million de foyers en attente d’une réponse à une demande de logement social (1er d’euros consacrés au logement par les Pouvoirs publics soit 1,87 % du PIB. D’autre part, les
statistiques officielles font état d’un recul de 10,3 % des constructions mises en chantier en 2014 par rapport à 2013, chiffre le plus bas depuis 1997.