LE PROJET DARWIN : du symbiotique en pleine évolution
En émergence depuis peu, les écosystèmes symbiotiques sont encore rares, mais en plein développement. Favorisées par les technologies du numérique et les théories du partage, les initiatives s’insèrent dans les grandes villes à New York, Montréal, («the Hub») à Bruxelles, à Londres, ou Toronto («Centre for social innovation»), à Berlin, à Bâle («Gundeldinger Feld») ou encore à Lisbonne («LX Factory»).
Lancé en 2008, ouvert en 2012, à Bordeaux, le projet « Darwin » est l’un des projets d’économie symbiotique les plus aboutis. Installé dans la friche de l’ancienne caserne Niel, sur le quai des Queyries, il participe au dynamisme et à l’attractivité de la rive droite de Bordeaux.
A première vue, le site, composé de plusieurs hangars, a plutôt l’allure d’un squat pour artistes de rues. Foisonnant et sociétal à souhait, poétique même, il constitue une sorte d’incubateur de projets centré sur l’entrepreneuriat « vert et créatif ». Energie, agro-écologie, habitat, agriculture, gestion des déchets et de l’eau, mobilité, biens d’équipements et de consommation, économie collaborative, entrepreneuriat social, économie circulaire, le dispositif symbiotique darwinien est complet. Les entrepreneurs, associations, habitants, et visiteurs qui s’y rencontrent ont remplacé les soldats et les défilés de l’ancienne garnison.
A l’origine du projet, Philippe Barre, entrepreneur bordelais et patron d’Inoxia une agence digitale et fondateur en 2005 du groupe Évolution, un holding incubateur, basé sur le marketing et la communication, l’immobilier et le développement durable, qui pilote le projet Darwin. Pour ce dernier, «l’économie symbiotique est le logiciel libre mondial de la recomposition du développement urbain. Mais pas question de modèle franchisé, Chacun invente son propre écosystème ». Son crédo : « agissez comme si il était impossible d’échouer ».
« Nous n’avons pas eu toutes les autorisations pour bâtir le projet. Mais si nous n’avions pas outrepassé les obstacles légaux, nous n’aurions jamais pu développer Darwin et créer les emplois. Une certaine forme de désobéissance civile est nécessaire pour surmonter les blocages administratifs ». Cette « transgression positive », Philippe Barre, la revendique. « Notre pays est englué dans la frilosité des normes. Cela tue le dynamisme des jeunes entreprises dont beaucoup décident de s’installer à l’étranger ». Philippe Barre lui, se bat. Et le combat est payant. « J’ai obtenu la régulation de mon audace entrepreneuriale presqu’à chaque fois »
Sur les 2700 m2 de hangar, sont réunis aujourd’hui le premier espace de co-working et le plus grand magasin-restaurant bio de l’hexagone». Ajouté à cela un immense Skatepark indoor qui fait la joie des amateurs de glisse, des lieux de création high tech et street art, sans compter une ferme urbaine, avec potager et poulailler. Un côté Rabelaisien, genre Abbaye de Thélème: « fais ce que tu voudras » où l’on peut déguster la Darwin beer, une bière blonde locale « bio ». Les cultures urbaines y sont à l’honneur et la dimension écologique privilégiée. « Le site émet 5 fois moins de CO2 que dans un quartier conventionnel », souligne Philippe Barre. Cela prouve qu’on peut aller qu’en peu de temps on peut aller au delà des objectifs de la COP21 sur vingt ans ». Les installations sont toutes fabriquées grâce aux matériaux d’une « recyclerie ».
Mais pas de symbiotique sans participation des parties prenantes. La gouvernance est collective, à travers une association de locataires, les Darwiniens. « Au lieu de confier l’avenir des villes aux promoteurs et urbanistes qui, trop éloignés des besoins des gens, construisent des quartiers hors-sol déconnectés des territoires, il faut le confier aux acteurs, entrepreneurs, associations et habitants qui ont la légitimité de penser l’espace et les moyens de bâtir », souligne P.Barre. Le Darwin Eco-Système peut compter sur un fonds d’investissement et une fondation pour soutenir la dynamique engagée.
Cet article est déja paru dans le magazine Dirigeant n° 114