Le billet de Paul Hermant. RTBF
Chers auditrices postmodernes, chers auditeurs contemporains, il y a trop longtemps que je peste contre la disparition de l’humour et la raréfaction des bonnes vieilles blagues pour ne pas faire ici amende honorable. Le comique se porte bien. Je dirais même : le comique est une idée neuve en Europe. Je ne dis pas cela parce que c’était hier la journée internationale du rire. Et c’est vrai d’ailleurs qu’on s’est bien marrés, déjà rien qu’à l’idée d’une journée de commémoration du rire, on était écroulés.
Non, je dis ça parce que nous avons affaire à une sorte de génération spontanée d’amuseurs publics qui se trouvent tous être gestionnaires de notre bien commun. Mon honorable consœur du Journal du Dimanche, Michèle Stouvenot, en dressait hier une liste non exhaustive. Je m’en vais l’imiter et y ajouter quelques-uns de mon cru.
Le dernier venu est évidemment le nouveau maire de Londres, Boris Johnson, dont le slogan de campagne était, afin que nul n’en ignore, « Votez Tory, votre femme aura de plus gros seins ». C’est tout de même deux coudées au-dessus de Silvio Berlusconi qui, dans un de ses récents meetings, interpellé par une dame qui lui disait ne pas s’en sortir avec son salaire et ses enfants lui a répondu « Ben, épouse un riche ! ». En quoi l’on voit qu’en matière d’humour, la femme reste l’avenir de l’homme politique.
Et puis d’ailleurs, pour en rajouter, il y a Nicolas Sarkozy, empêtré dans le couple franco-allemand et prochain président de l’Union européenne, qui s’échine à appeler le mari d’Angela Merkel Monsieur Merkel quand il se nomme Sauer et qui dit très élégamment qu’Angela et lui forment un couple fort harmonieux et que d’ailleurs : « En douze mois, nous nous sommes vus douze fois et compte tenu de son emploi du temps, je suis prêt, Monsieur Merkel, à comparer nos agendas ».
Mais tout de même, c’est encore à George Bush que revient la palme, lui qui évoquant sa prochaine retraite, a eu ces quelques fortes phrases : « Je ne suis pas sûr de savoir ce que je vais faire après. Après son mandat, le vice-président Al Gore a gagné un Oscar et un Prix Nobel. Qui sait, moi je vais peut-être aussi gagner un prix, à la loterie par exemple ». Bingo ! On se trompe peut-être, mais on salue la sortie de l’artiste en lui indiquant toutefois qu’à la loterie, il a déjà gagné.
Voilà comment nous sommes ! Nous avons six crises majeures qui nous arrivent simultanément – les crises boursière, spéculative, financière, alimentaire, énergétique et écologique – et nous élisons une troupe de comiques, je n’ai pas dit des comiques troupiers.
N’ayons crainte toutefois d’avoir choisi le comique politique pour aller gaiement au suicide collectif car chacun sait que l’humour est un couteau sans lame dont il manque le manche. Et ça, je vous l’assure, c’est aussi compliqué à manier que la peinture à l’huile. C’est bien plus difficile mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau. Allez belle journée et puis aussi bonne chance.