La Silver Economy sur les rails
Près de 650 personnes étaient réunies à Bercy le 24 avril dernier pour le lancement « ministériel » de la filière Silver Economy. S’il fallait un signe de l’intérêt des pouvoirs publics pour l’économie du vieillissement, il est désormais réalité.
S’il fallait un symbole fort, la tenue de cette réunion dans l’amphithéâtre Pierre Mendès France au coeur du Ministère des Finances, en est un. Sous l’égide d’un attelage inédit, formé par le Ministre du Redressement Productif et la Ministre Déléguée Chargée des Personnes Agées et de l’Autonomie, la filière a reçu l’onction d’en haut, viatique obligé dans notre pays empreint de tradition colbertiste.
Les présentations de la journée, dense et rythmée, depuis les témoignages d’industriels, start-up et grandes entreprises mélangés, jusqu’à la remise officielle des travaux issus des groupes de travail à l’oeuvre depuis 6 mois, en passant par un exposé académique de Jean-Hervé Lorenzi expliquant comment le vieillissement avait vocation à passer du statut de catastrophe économique à celui d’opportunité prometteuse, et même par quelques spots publicitaires à peine déguisés, pouvaient faire penser à un inventaire cher à Prévert.
A y regarder de plus près, les ingrédients de la réussite, c’est-à-dire du passage à l’acte, formaient le fil rouge : un fait réel, l’évolution démographique ; des besoins non assouvis, qui fondent un marché ; des acteurs engagés, pionniers et ingénieux ; des financements accessibles malgré des modes d’emploi souvent complexes. Yapuka !, selon le néologisme qu’on dirait issu du coréen, tant l’exemple de la péninsule extrême orientale a été invoqué*.
Notre institut aurait donc toutes les raisons de la satisfaction ; la tentation de l’accomplissement pourrait même nous conduire à considérer que désormais, il faut passer à autre chose. Quel besoin, en effet, d’un think tank dédié à l’économie du vieillissement, alors que le nom de la filière a repris le nôtre et que la majeure partie de nos réflexions aboutissent dans le champ du réel ?
Ce serait une grave erreur, et sans nul doute une faute : en filant la métaphore ferroviaire, si la Silver Economy est sur les rails, les contours de la locomotive et des wagons restent à dessiner, sans parler des aiguillages et des gares, et surtout, but ultime, des voyageurs qui aient envie de prendre le train ! Pas sûre pour les moins de 70 ans si la Silver Economy est faite pour les vieux ! Champions du concept, nous avons des difficultés dans la mise en oeuvre. Epris de liberté, nous nous en remettons facilement à la puissance publique pour nous autoriser à l’exercer. C’est donc aux conditions de la réussite, aux facteurs clés de succès, pour employer un langage de consultant, qu’il faut nous atteler désormais. Si nous nous réjouissons pleinement du lancement de la filière, nos réflexions, nos travaux, nos propositions doivent constituer autant de gages pour sa réussite.