Vers un conflit de générations ?
Les lycéens dans la rue nous rappelle que prendre à la légère ce qu’ils disent et refuser le dialogue de fond qu’ils réclament n’est pas digne de ceux qui veulent penser l’avenir et parlent de changement et de rupture. Surtout lorsqu’en témoignant leur désir d’avoir de meilleurs conditions d’enseignement, lycéens et étudiants ne font que témoigner d’un souci de progrès et de responsabilité. Précisément de changement. Pour ceux qui parlent de futur, cette non volonté de dialogue est non seulement incompréhensible mais absurde.
Michel Godet, prospectiviste et professeur au CNAM, nous rappelle que nous sommes un vieux pays et que si nous ne fournissons pas un effort d’attention et de compréhension à l’égard des jeunes, nous risquons de devenir un pays de vieux. Nous somme moins préparés que nos voisins européens à accompagner les nouvelles générations qui se trouveront bien seuls à assumer le fardeau. On leur transmet nos contentieux à régler : la dette, les retraites, le chômage, le climat. L’état ne prend pas ses responsabilités de développement durable : transmettre aux jeunes générations une société en bon état.
Et pourtant, les alertes sont données depuis plusieurs années déjà. Les perspectives du vieillissement de l’Europe sont connues. D’ici à 2050, prévoit l’ONU, nous allons perdre 40 millions d’habitants et l’Union européenne va manquer de bras et de matière grise. Nous serons moins de 400 millions de personnes au lieu des 453 millions actuels. La moyenne d’âge sera de 49 ans contre 36, 5 ans aujourd’hui. Nos voisins d’outr’atlantique seront eux plus jeunes, avec une moyenne d’âge de 36,5 ans. La relève des générations n’est donc pas garantie. Malgré son taux de fécondité qui la situe à la deuxième place en Europe, le diagnostic pour la France est un des moins bons. « Par peur de l’avenir, la France piétine et se languit » constate Michel Godet, dans son livre ( « Le courage du bon sens » chez Odile Jacob. ) Aujourd’hui, un quart des 18-29 recherchent un emploi (soit 10% de plus que la moyenne des Français). Et 50% estiment que les dépenses de logement représentent un poste très lourd dans leur budget. Comme le révèle l’OCDE, le marché de l’emploi en France est mal calibré. Le marché de l’emploi est à deux vitesses et cela a des conséquences délétères en matière de cohésion sociale. Certaines populations comme les jeunes, dit l’OCDE, sont mal protégés, tandis que ceux âges de 35 à 55 ans le sont très bien. Ce système est porteur de précarité. Les jeunes devraient ainsi connaître des conditions de vie plus défavorables que leurs parents. Ils devront faire face à des contraintes financières fortes.
Dans ce contexte, si le dialogue entre générations n’est pas abordé franchement, on peut s’inquiéter des conséquences d’une telle surdité. Si rien n’est fait, on peut craindre encore et encore des accès de violences urbaines, des révoltes d’étudiants déclassés, des départs massifs vers l’étranger. Au travers de la crise des banlieues (2005) du mouvement anti-CPE (2006), et aujourd’hui des manifestations pour un enseignement à la hauteur des enjeux de l’avenir, ils ont montré par trois fois leur capacité de mobilisation quand leur avenir est menacé.
(Ce texte a été réactualisé le 17 novembre 2008)
Yan de Kerorguen
L’OURS Du MAGAZINE DE MARS 2008
Ont collaboré pour ce numéro : Sophie Reinauld, Estelle Leroy, Claire Marzin, Emmanuelle Heidsieck, Caroline de Hugo, Guy-Patrick Azemar, Jean-Claude Lalangue, Mathieu Vallet(webmestre), Yan de Kerorguen.
Ont participé à ce numéro : Véronique Nahoum-Grappe, Caroline Béraud, J. Sabo, Guy Aznar, Georges Waysand, Patrick Widloecher, Guy Loinger, Paul Hermant….