Travail : Employés et cadres : inégaux face à la dépression
Une équipe de recherche de l’Inserm vient de mettre en évidence que les employés, ouvriers ou cadres intermédiaires auraient jusqu’ à 4,5 fois plus de risques de développer une dépression durable que les catégories plus élevées.
Maria Melchior, chargée de recherche à l’Inserm et ses collaborateurs de l’Unité Inserm 1018 « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations », apportent de nouveaux résultats sur le lien existant entre le statut socioéconomique et la dépression* (1). Selon les chercheurs, le statut socioéconomique serait un déterminant de la dépression dite persistante.
L’étude du profil de 12650 agents de la cohorte GAZEL (2) suivis pendant 13 ans, indique que la dépression persistante suivrait un gradient socioéconomique. Par rapport aux personnes qui occupent un emploi de cadre, celles qui travaillent comme ouvrier ou employé, mais aussi celles qui travaillent dans une catégorie socioprofessionnelle intermédiaire, ont un risque 2 à 4 fois plus élevé de développer une dépression de type persistant.
Les études précédentes sur la dépression suggèrent que les individus qui ont une position socioéconomique défavorisée (telle que mesurée par la position socio-professionnelle par exemple), ont des taux élevés de dépression. Mais le lien établi jusqu’alors entre la dépression et la position socioéconomique ne permettait pas de le savoir si la dépression était passagère ou durable. Pour préciser ce lien, l’équipe de Maria Melchior, chargée de recherche à l’Inserm, a analysé les trajectoires de dépression des participants de la cohorte GAZEL qui regroupe depuis 1989 des employés d’EDF/GDF.
Absence de dépression pendant le suivi
Diminution des symptômes dépressifs au cours du suivi (dépression passagère en baisse)
Augmentation des symptômes dépressifs au cours du suivi (dépression passagère en hausse)
Persistance de la dépression (dépression tout au long de la période de l’étude)
Les chercheurs ont étudié les profils des personnes développant une dépression et concluent que la trajectoire de dépression semble suivre un gradient socioéconomique qui dépend du statut professionnel, de manière très significative pour la dépression de type persistant, c’est-à-dire chronique ou caractérisée par des épisodes à répétitions. « Les personnes qui travaillent dans une catégorie socioprofessionnelle intermédiaire ou faible auraient jusqu’ à 4,5 fois plus de risques de développer une dépression qui dure au long cours que les plus hautes catégories socioprofessionnelles » explique Maria Melchior, chargée de recherche à l’Inserm.
L’équipe a également analysé les données des participants associées à chaque trajectoire afin de tester si le lien entre position socioéconomique et dépression est expliqué par l’effet de facteurs personnels tels que l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, la situation familiale, l’état de santé général (antécédents de problèmes de santé psychologiques, problèmes de santé physiques), des évènements de vie, la consommation de tabac et/ou d’alcool.
Il s’avère que les facteurs personnels participent au gradient socioéconomique de dépression de manière distincte chez les hommes et les femmes. Les résultats suggèrent que chez les hommes, ces facteurs ont un moindre impact sur le gradient socioéconomique de dépression que chez les femmes (18% pour les hommes et 48% pour les femmes).
Les chercheurs suggèrent que les efforts de prévention pour réduire le poids de la dépression, ne devraient pas exclusivement être centrés sur des groupes à haut risque mais devraient répondre davantage aux besoins en santé mentale de l’ensemble de la population.
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NOTES:
(1) Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Molecular Psychiatry, le 20 septembre 2011
(2). Mise en place en 1989, GAZEL (cohorte Inserm/EDF -Gaz de France) est une vaste cohorte composée à l’origine de 20 624 agents d’EDF-GDF volontaires (15 010 hommes et 5 614 femmes), âgés de 35 à 50 ans et qui sont suivis de façon prospective depuis cette date (Zins et al, 2009).