Sauver les centres de vacances
Association SHSJ
Un vent de révolte souffle sur les Centres de vacances.
Dans un Manifeste publié le 8 février 2012, l’association SHSJ (Savoie-Haute-Savoie Juniors) attire l’attention des citoyens sur les contraintes de plus en plus fortes qui pèsent sur l’avenir des Centres de vacances.
« Nous avons une mission magnifique »
.
« Les » jolies colonies de vacances » chères à Pierre Perret permettent à 3 millions d’enfants de partir chaque année au soleil. Faire passer à des jeunes un séjour inoubliable à la montagne, offrir à leurs yeux la beauté d’un paysage, les initier aux bonheurs simples de la vie au grand air…, personne parmi nous et autour de nous n’est insensible à la joie que procure cette responsabilité gratifiante! Qui, d’ailleurs, n’aspire pas au désir d’exercer ce plaisir de transmettre ? Qui n’éprouve pas l’envie de faire partager le goût du » vivre ensemble » ?
Cette mission éducative soucieuse de l’avenir de la jeunesse, Savoie-Haute-Savoie Juniors entend la préserver.
Notre vocation
Faire découvrir la vie collective et les plaisirs d’échanger, au sein d’une équipe, dans un contexte différent de celui vécu le reste de l’année ;
Aider les jeunes à prendre conscience de leurs responsabilités envers eux-mêmes, à prendre soin de leurs affaires, à assumer leur besoin d’autonomie;
Les engager à travers la diversité des jeux et des activités à cultiver le respect des autres, la solidarité et la fraternité, pour mettre en avant l’intérêt commun ;
Les soutenir dans l’expression de leurs talents personnels et leur apprendre à élargir leurs frontières.
Alors que la mission d’éducation de l’enfance est en droit d’attendre, de la part de la puissance publique, soutien et bienveillance, elle ne rencontre sur son chemin que des obstacles administratifs qui, de jour en jour, se dressent plus haut, avec leurs contraintes. Tout est fait pour nous empêcher d’assumer notre fonction convenablement.
Au lieu de nous aider à cultiver cet espace de liberté qui fonde l’autonomie du citoyen en herbe, l’administration impose un carcan qui restreint chaque jour davantage le champ de notre action. Or, dans nos métiers, chacun le sait, il est impossible en pratique de se plier à la norme du risque zéro. En rigidifiant toute activité, un excès de prudence transformerait vite les responsables d’établissements et les animateurs en gardiens de maisons de corrections.
Or cet espace de liberté qui fonde notre mission éducative est aujourd’hui remis en cause !
La bonne question à se poser, c’est quelle jeunesse souhaitons-nous pour l’avenir?
Voulons-nous une jeunesse centrée sur elle-même et déconnectée de la nature?
Une jeunesse craintive sur laquelle on aura projeté toutes nos inquiétudes ? Une jeunesse molle et sans entrain ? Que diraient les parents si notre rôle se cantonnait à » occuper » leurs enfants, au lieu de développer leurs capacités créatrices ?
Convenons-en : combien d’échecs scolaires, d’incivilités et de règlements y aurait-il en moins s’il y avait davantage de colos et de classes de découvertes ?
La collectivité nationale bénéficie de cette école de la vie. Elle pourrait en bénéficier davantage demain si elle nous laissait remplir pleinement notre mission pour l’épanouissement des jeunes.
En accueillant dans nos centres de vacances des jeunes de milieux et de cultures diversifiés, encadrés par des ainés un peu plus âgés, nous sommes fiers de participer à la formation de citoyens responsables et autonomes. La poursuite de ces objectifs d’accompagnement social implique que les séjours de Centres de vacances jouissent d’un espace de liberté qui permette de continuer à délivrer le message de générosité et de solidarité qui fonde notre histoire depuis sa création.
Aux parents, nous adressons un message de confiance
L’éloignement momentanée de la famille est nécessaire à l’acquisition de l’autonomie des enfants. Pour les jeunes qui ont du mal à grandir, c’est le premier pas vers la responsabilité. L’expérience de la séparation peut également être bénéfique pour les parents.
Parents, votre soutien est nécessaire.
Tant que votre enfant aura à sa disposition, durant son enfance, des Centres de vacances et des classes de découverte qui lui permettront de compléter sa construction, de rencontrer » d’autres » enfants et vivre des moments exceptionnels de découverte et de coopération, vous pourrez dormir sur vos deux oreilles.
D’ailleurs certains grands spécialistes de l’éducation en conviennent. Pour preuve, la classe de découverte. Elle représente un authentique temps d’école qui crée un impact positif sur la réussite scolaire. Elle constitue un outil fédérateur qui favorise les apprentissages et la socialisation des élèves. » Elle tend à l’élève un miroir, soutient Franck Montuelle, inspecteur de l’Académie de Lille. Elle induit une dynamique de projets qui confère plus de sens encore à l’action de l’école. Cette dernière s’en trouve mieux perçue par les élèves et mieux comprise par les familles « . » Les classes de découverte permettent de structurer de nouvelles expériences collectives et d’entrer dans de nouvelles expériences intellectuelles. On y apprend à élargir les frontières. A parler d’autres langues. A rencontrer d’autres cultures « , ajoute Philippe Meirieu, chercheur en sciences de l’éducation.
En d’autres termes, que nous disent ces spécialistes?
Qu’être jeune, c’est être ouvert, c’est voyager, c’est apprendre, c’est aussi prendre des risques pour mieux évaluer ses capacités. Au lieu de vouloir mettre en place des maisons fermées une fois que le mal est fait, encourageons le départ des jeunes dans nos maisons ouvertes afin de les préparer à la citoyenneté. On le voit bien, la question qui se pose aujourd’hui va au-delà de la défense des centres de vacances. Il s’agit de fournir à la jeunesse les moyens de vivre l’aventure, de se former à la citoyenneté. Osons la comparaison: la colo, c’est le même brassage social et culturel que l’on connaît pendant le service militaire mais sans la guerre et sans l’uniforme.
Le centre de vacances, c’est aussi un temps d’apprentissage pour les futurs parents. Demandez aux anciens combien l’expérience d’animateur a été bénéfique non seulement pour leur formation de jeunes citoyens mais aussi, plus tard, pour l’éducation de leurs propres enfants. Ils vous le diront tous : animer un groupe d’enfant, c’est devenir adultes avant les autres et plus confiants en soi.
Les valeurs que nous défendons sont non seulement fondées sur un objectif éducatif, elles forment aussi un enjeu de société. Mais il faut chasser les nuages qui encombrent notre avenir.
L’inquiétude que nous éprouvons sur l’avenir de notre métier porte sur plusieurs points
1 – DES EXIGENCES RÉGLEMENTAIRES DRACONIENNES
.
L’ACTE ÉDUCATIF que nos équipes pédagogiques mènent a pour objet de faire apprécier la qualité des choses de la vie et de développer l’esprit citoyen chez l’enfant. Le meilleur exemple est l’éducation à l’alimentation saine que nous développons. L’apprentissage du goût et l’attention portée à la qualité nutritive est un des points forts de notre projet éducatif. Nous veillons à ce que la place des repas soit réaffirmée comme moment important de la socialisation. En cela, nous sommes en conformité avec la campagne « Manger-Bouger » développée par l’état dans les médias. Alors pourquoi, les services vétérinaires, en exigeant une nourriture aseptisée, basée sur des normes, nous empêchent-ils de contribuer pleinement à cette éducation au goût et au « bien manger » promue aujourd’hui par de grands chefs cuisiniers ?
Pourquoi l’Etat crée-t-il les conditions pour fermer tous les restaurants scolaires, toutes les cuisines des centres de vacances ?
2 – UNE OBSESSION SÉCURITAIRE QUI CONFINE À L’AVEUGLEMENT
.
SOUMIS À LA SÉVÉRITÉ de leurs obligations de sécurité, les services de l’état ont perdu de vue la réalité de notre mission. La réalité est pourtant éloquente : il y a sept fois moins d’accidents en Centre de vacances qu’en séjour vacances en famille. Les services de l’état ont pris pour habitude de demander tout et son contraire. Les règlements sont imposés et appliqués sans soucis de viabilité du projet éducatif que nous portons. A force de contrôles tatillons, les animateurs voient leur rôle et leurs compétences entravés. En ne laissant aucune marge aux responsables des séjours de vacances pour favoriser chez les jeunes la prise d’initiative, l’esprit de découverte et l’imagination, l’administration nie notre faculté de jugement. Comme si nous étions, de fait, des amateurs imprudents et inconscients !
3 – UN STATUT MENACÉ
.
UN ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU 10 OCTOBRE 2011, se rangeant à l’avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 14 octobre 2010, a sonné comme un coup de tonnerre dans le monde des Centres de vacances. En changeant le statut du Contrat d’engagement éducatif, statut sous lequel sont recrutés les animateurs et les directeurs d’établissement, cet arrêt pourrait priver de vacances collectives plusieurs millions d’enfants. En remettant en cause les dérogations au code du travail dont bénéficient les centres de vacances, cette décision rend désormais impraticable notre rôle d’organisateurs de la vie collective. Etre animateur dans un Centre de vacances n’est pas comparable à celui d’un salarié et c’est parce que ce rôle est exceptionnel et synonyme d’aventure que nombre de jeunes encadrants y découvrent leur vocation. Etre animateur, ce n’est pas un travail, c’est découvrir le don de soi, l’engagement, les responsabilités. C’est avant tout une mission d’intérêt général, au service de la société.
COMMENT ENCADRER DES JEUNES 24H SUR 24 s’il faut changer d’animateurs en milieu de journée pour respecter l’obligation d’un repos compensateur? Comment les familles les plus modestes pourront-elles envoyer leurs enfants en colo si le coût des séjours doit augmenter de 30% ? Comment surtout continuer notre œuvre si les animateurs doivent être rémunérés au Smic sur la base d’un CDD classique, ce qui aurait pour conséquence de multiplier par 3 la masse salariale ? L’éducatif, l’engagement, l’accompagnement ne peut être encadré par les règles de l’entreprise. Les loisirs éducatifs ne sont pas des marchandises.
4 – UN CONTRAT DE CONFIANCE NON RESPECTÉ
.
UNE MARGE IMPORTANTE existe entre la responsabilité qui nous incombe en tant que gestionnaires de Centres de vacances et le cadre légal. Cette marge, c’est celle de la liberté et de la confiance relative au contrat d’engagement éducatif (CEE) spécifique à la profession. Si elle est réduite à néant, alors notre mission auprès des jeunes ne sera plus compatible avec la réglementation.
5 – DES MOYENS DE PLUS EN PLUS FAIBLES
.
LES EXIGENCES de l’Etat ont un coût, auquel il est difficile de faire face. Qu’il s’agisse du tarif d’organisation des séjours, de l’entretien, de la mise aux normes, de l’amélioration de la qualité, de la rénovation, les énormes contraintes règlementaires obligent les établissements recevant du public à investir massivement dans leurs installations. Résultat : notre pays va à contresens. Lors de ces quinze dernières années, la profession a enregistré une baisse constante du nombre de classes de découvertes et des centres de vacances en Savoie Haute-Savoie. Chaque mois, c’est un centre de vacances de plus qui ferme.
CE QUE NOUS SOUHAITONS
• NOUS, ORGANISATEURS, directeurs, animateurs des colonies de vacances, REVENDIQUONS notre responsabilité de défendre les bienfaits des séjours de centre de vacances. Nous assumons nos responsabilités.
• NOUS DEMANDONS UNE RECONNAISSANCE à part entière du secteur des Centres de vacances, comme entité éducative spécifique. Nous réclamons l’octroi d’un statut d’exception qui facilite le développement de sa mission de service public.
• NOUS REVENDIQUONS LE RESPECT DU CONTRAT DE CONFIANCE, qui nous lie aux autorités légales et aux parents. Sans ce climat de confiance mutuelle, il n’est point d’épanouissement ni aventure fondatrice possible pour nos enfants.
• NOUS INVITONS LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES à remettre à plat la réglementation et ses contradictions avec l’espoir d’une concertation franche et équilibrée entre les services permettant d’aboutir à plus de clarté.
• COMME L’A AFFIRMÉ UN GRAND NOMBRE D’ASSOCIATIONS, nous soutenons que » le temps d’engagement des animateurs, quelques semaines par an, ne peut constituer une concurrence ni une alternative à une situation d’emploi pérenne »
• NOUS RÉCLAMONS, pour les adultes en apprentissage, la définition d’un statut du volontariat qui constitue, à nos yeux, un vecteur de lien social et un instrument d’éducation collective. Il est ainsi urgent de reconnaître le formidable engagement d’un animateur lorsqu’il a choisi de travailler en colo plutôt qu’au supermarché et de lui associer un rang de volontaire. Ni bénévole, ni salarié, mais volontaire. Comme les pompiers !
• AUX INSPECTEURS ET DIRECTEURS DES SERVICES DE L’ÉTAT, nous demandons d’assurer la protection de l’enfant en apportant les aides et les moyens nécessaires à son épanouissement et à son enrichissement.
• ENFIN, À VOUS TOUS, nous rappelons les règles d’un bon feu de camp : choisissez la belle étoile, ramassez les brindilles et les branches sèches, placez du papier en dessous, ajoutez du bois en forme de tepee tout autour du tas, allumez, soufflez un peu et chantez en dansant autour du feu. Si ca ne marche pas, recommencez !