Personnes âgées : La question de la dépendance exige des réponses sociétales
L’augmentation du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, 25% d’ici 2025, appelle certes des réponses financières – 34 milliards d’euros ont été consacrés à la dépendance en 2010 – mais surtout sociétales.
Tel est le constat fait par Monique Weber et Yves Vérolet, dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental, présenté en juin 2011
La prise en charge de la dépendance et de la perte d’autonomie est avant tout un défi sociétal, même si la question financière ne doit pas être sous-estimée. Quelle place pour le grand âge ? Les personnes âgées sont une richesse pour notre société. La place qui leur est réservée, le respect et le regard porté sur elles sont essentiels. Comment les politiques publiques peuvent-elles favoriser la construction de parcours de vie adaptés aux besoins des individus ? Il s’agit de mettre en oeuvre, au-delà des seules personnes âgées, des solidarités nouvelles, soutenables pour les familles comme pour les finances publiques dans le temps. Le Conseil économique, social et environnemental considère que la société doit apporter à toute personne en manque d’autonomie, quel que soit son âge ou son handicap, une réponse adaptée à ses besoins.
Des évolutions démographiques aux conséquences incertaines
Les projections démographiques prévoient 6,6 millions de personnes âgées de plus de 75 ans d’ici 2025.L’ impact sur la dépendance est plus tardif (2,7 % des 60-79 ans et 11,2 % des plus de 82 ans) ; la durée (4 ans en moyenne) pour le versement de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), reste stable. A plus long terme, la progression de l’espérance de vie en bonne santé est incertaine du fait de l’interaction possible de facteurs négatifs (progression des maladies chroniques invalidantes, difficultés d’accès accrues au système de santé…) et positifs (progrès thérapeutiques notamment pour la maladie d’Alzheimer…).
Des évolutions du financement indispensables
En 2010, les dépenses liées à la dépendance dépasseraient les 34 milliards d’euros, selon le périmètre le plus large, dont 8,5 milliards d’euros pour la seule perte d’autonomie, 10,1 milliards pour l’hébergement, 14,4 milliards d’euros pour la santé. L’intervention publique s’élève à environ 24 milliards d’euros. Les personnes dépendantes et leurs familles supportent des dépenses directes de l’ordre de 10 milliards d’euros. Les départements à la population âgée importante, connaissent des difficultés de financement de l’APA avec la dégradation du taux de prise en charge par la solidarité nationale (43 % en 2002 à 28,5 % en 2010).
Plus que leur montant global, c’est la dynamique, la qualité et la répartition des financements qui imposent des ajustements.
Des évolutions en termes de parcours de vie
Les personnes en perte d’autonomie expriment leur souhait de rester à domicile le plus longtemps possible. Cette évolution sociétale a de nombreuses conséquences (difficulté de recrutement des accompagnants, mode de financement élevé de ces services, inadaptation de l’offre d’établissements à un public plus âgé et plus lourdement dépendant). La qualité de la prise en charge repose aussi sur une meilleure coordination et réactivité des acteurs (orientation des personnes en fonction de leurs besoins, prévention des hospitalisations en urgence…). En cela, la dépendance suscite une démarche innovante qui pourrait toucher demain d’autres publics.
LES PROPOSITIONS DU CESE
Développer la prévention de la perte d’autonomie (enjeu majeur)
organiser des dépistages précoces de pathologies (hypertension, diabète, surdité, cancers…), une surveillance et des traitements plus spécifiques pour les femmes ;
cibler les actions préventives sur les populations vulnérables (retour à domicile après une hospitalisation) ;
développer, par la négociation notamment entre les partenaires sociaux et l’action des organismes de protection sociale, la prévention de santé et l’éducation thérapeutique des actifs ;
maintenir la prise en charge des personnes en Groupe iso ressources 4 (GIR) par l’APA.
Adapter l’hébitat aux évolutions démographiques
accompagner les personnes âgées dans la réalisation des travaux utiles;
analyser le bilan de l’application de la loi du 11/02/2005 sur l’accessibilité des logements neufs pour une mise en oeuvre réelle de son application.
Assurer l’adéquation entre l’offre d’hébergement et les besoins
intégrer la question de l’adaptation du logement dans la réforme ;
développer une offre d’hébergement accessible à tous en faisant jouer un rôle moteur à la Caisse des dépôts et consignations ;
offrir des structures variées (résidence intergénérationnelle, petite unité de vie…) ;
rendre l’hébergement accessible financièrement en mettant en place des référentiels de coûts
d’hébergement, des Prêts locatifs aidés (PLA) d’autonomie, à l’image des PLA d’insertion ;
réserver un nombre de lits à l’aide sociale dans tout nouvel établissement privé lucratif et non lucratif.
Soutenir les initiatives technologiques au service de l’autonomie
développer la recherche sur les maladies neurodégénératives, la domotique et les outils numériques de maintien des capacités cognitives, par la mobilisation des fonds du programme d’investissement
d’avenir, en renforçant le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Organiser un parcours de soins coordonné avec la prise en charge de la personne
mettre en place un « guichet unique » d’information et d’orientation ;
créer un nouveau métier de coordonnateur sanitaire et social ;
transformer les Maisons départementales du handicap (MDPH) en Maisons départementales de l’autonomie (MDA) avec un financement pérenne ;
poursuivre la création d’initiatives de réseaux gérontologiques, de regroupements de professionnels ;
dresser un bilan d’ici 2014 afin de décider d’une forme d’organisation harmonisée sur le territoire.
Renforcer l’aide à domicile
développer la qualité des services à domicile par l’harmonisation des procédures d’agrément et la réforme de la tarification des services intervenant auprès des publics vulnérables ;
soutenir le développement des filières en alternance, de la VAE et des métiers de l’encadrement ;
harmoniser les garanties collectives des salariés pour renforcer l’attractivité du secteur ;
reconnaître les acquis dans un passeport professionnel pour l’emploi direct et développer les centres de ressource et l’accès à une formation obligatoire (pour les GIR 1, 2, 3).
Soutenir et accompagner les aidants
développer une palette diversifiée de services : gardes itinérantes de jour ou de nuit, hébergement temporaire, accueil de nuit, consultation médicale annuelle ;- les aider dans leurs démarches, en développant et en pérennisant des structures comme les Centres locaux d’information et de coordination (CLIC) ou les Maisons pour l’intégration et l’autonomie des malades d’Alzheimer (MAIA), ainsi qu’en proposant une plate-forme d’information unique ;- inciter les entreprises à intégrer la dépendance dans la conciliation vie professionnelle/familiale.
Financer la perte d’autonomie
instaurer une taxe sur l’ensemble des mutations à titre gratuit (successions et donations).
aligner le taux plein de la CSG sur les pensions de retraite (6,6 %) sur celui des actifs (7,5 %) ; cette solution pouvant être envisagée au-delà d’un certain seuil.
Clarifier la gouvernance
inscrire un nouveau droit universel de compensation de la perte d’autonomie ;
confirmer la gestion de proximité aux départements et le pilotage national des politiques par la CNSA ;
clarifier l’articulation entre la CNSA et l’assurance maladie qui doit définir et mettre en oeuvre la politique sanitaire en direction des personnes dépendantes, avec en soutien local, les Agences régionales de santé (ARS).
• Respectivement Responsable du département Relations avec les professions de santé, CNAMTS et Secrétaire confédéral CFDT