Longévité et nutrition : Comment un petit ver vit plus longtemps grâce à son régime alimentaire
Pour allonger la durée de vie de tous les organismes, depuis la levure jusqu’aux primates, les scientifiques emploient une méthode expérimentale universellement reconnue : le régime alimentaire.
A Lyon, l’équipe de Marc Billaud et Florence Solari, du Centre de Recherche sur le Cancer de Lyon (CNRS/Inserm/université Lyon 1/centre Léon Bérard) vient de mettre en évidence les mécanismes qui permettent au ver C.elegans soumis à un régime strict de vivre 40% plus longtemps. Ces mêmes mécanismes pourraient également être impliqués dans la protection contre le cancer. Ce travail est publié dans le numéro de février de la revue Aging Cell.
Les études sur la longévité montrent que parmi les facteurs qui influencent l’espérance de vie d’un individu, 70% d’entre eux seraient liés à son environnement et son mode de vie. C’est le cas du régime alimentaire qui consiste à réduire l’apport en nourriture sans dénutrition. De plus, ce régime préviendrait le développement de cancers. Il existerait donc des mécanismes communs au contrôle de la longévité et au développement des tumeurs.
Depuis plusieurs années, Marc Billaud, Florence Solari et leurs collaborateurs étudient les mécanismes impliqués dans la modulation de la longévité et leurs liens avec le cancer. Les chercheurs utilisent pour cela l’organisme modèle Caenorhabditis elegans. Ce petit ver a permis par le passé de faire des découvertes pionnières dans la description des voies de signalisation impliquées dans la longévité, voies dont le rôle s’est avéré conservé chez les mammifères.
Dans cette étude, les chercheurs ont isolé, chez C.elegans, de nouveaux « gérontogènes ». Parmi eux : le gène slcf-1 dont l’inhibition produit des effets bénéfiques sur la longévité, effets qui sont similaires à ceux observés lorsque l’apport en nourriture est limité. Ils ont montré que la limitation de l’apport alimentaire chez C.elegans provoque l’inhibition de l’expression du transporteur SLCF-1 dans les cellules intestinales et déclenche une augmentation du niveau de pyruvate. Celle-ci altère le métabolisme mitochondrial et induit un stress oxydant.
Ce stress de faible intensité induit une réponse adaptative responsable de l’augmentation de la durée de vie.
Les mêmes effets sont retrouvés lorsque le gène slcf-1 est inactivé (pas de production du transporteur SLCF-1) et bien que l’apport en nourriture ne soit pas limité.
Ce travail a permis de révéler l’importance du métabolisme du pyruvate dans le contrôle de la durée de vie en conditions de restriction calorique. Il montre de plus qu’une protéine connue pour avoir des effets suppresseurs de tumeurs (la protéine PTEN) se trouve également impliquée dans la cascade d’évènements décrits ci-dessus.
« Il serait envisageable de tester dans des modèles animaux, en particulier chez les mammifères, si la simple addition de pyruvate à la nourriture mimerait la restriction calorique avec les effets bénéfiques sur l’état de santé et celui sur la diminution d’incidence des cancers », précisent les auteurs.