Les oranges amères
C’était une semaine d’apertintailles, des jours de carnaval, de rondeaux, de gilles et puis d’oranges amères lancées par-dessus les pavés.
Et parmi celles que j’ai ramassées, d’oranges, il y avait celle-ci avec laquelle m’a laissé un ami l’autre vendredi : « Si je n’ai pas cru, s’interrogeait-il, ce que certains disaient depuis 3 ans sur l’imminence de la crise financière, dois-je aujourd’hui faire confiance aux mêmes quand ils m’annoncent encore bien pire ? ».
Ah, bénis soient les congés et les carnavals qui vous donnent sept jours pour peler une orange, Pascal. Voilà bien pourtant une question dont nous avons déjà largement débattu ici : que nous ne voyons pas ce qui nous arrive quand ça nous arrive, que nous ne sommes pas contemporains de notre propre histoire et que pourtant, nous n’en avons qu’une.
Et, comme en écho à cette discussion du vendredi, vint un rapport du Laboratoire européen d’anticipation politique, le LEAP : des types qui avaient prévu, dès février 2006, une crise systémique globale et que cette crise aurait quatre phases que nous avons atteintes et dépassées : le déclenchement, l’accélération, l’impact, la décantation.
Et ils s’étonnent, ces experts, que malgré leurs avertissements et leurs prévisions, nous fassions toujours un peu plus du même. Et qu’en fait de décanter, c’est nous entasser que nous faisons.
« Les dirigeants, disent-ils, persistent à faire comme si le système global était seulement victime d’une panne passagère et qu’il suffisait d’y ajouter quantité de carburants (liquidités) et autres ingrédients (baisse de taux, achats d’actifs toxiques, plans de relance des industries en quasi-faillite,…) pour faire repartir la machine ».
Aussi ont-ils décidé, devant cette cécité généralisée, de nous faire connaître la suite de leur scénario, une phase numéro 5 appelée : « La phase de dislocation géopolitique mondiale » qu’ils prévoient pour le 4è trimestre 2009 et qui n’est pas grand-chose d’autre que le surgissement de guerres civiles dans des régions où, d’une part, la protection sociale est faible et où, d’autre part, la circulation d’armes à feu est importante. Par exemple, par exemple ? Les Etats-Unis. « A l’issue de cette phase de dislocation, ajoutent-ils, le monde risque de ressembler à l’Europe de 1913 plus qu’à la planète de 2007 ». Et contrairement aux experts du GIEC qui nous donnent encore dix ans pour nous ressaisir, avec le climat, ceux-ci nous donnent un mois. C’est-à-dire jusqu’au sommet du G20 du 2 avril, à Londres. Le dernier moment, selon eux, où redresser la situation.
Je sais, Pascal, vous allez me dire de ne plus ramasser d’oranges. Une semaine de congés et me voilà tambourinant comme le prophète Philippulus dans « l’Etoile mystérieuse ». Voilà ce que c’est que de vivre dans un monde qui préfère les parachutes dorés à l’ascenseur social, ça vous met la tête à l’envers. Allez belle journée et puis aussi bonne chance.