Alors que le débat sur les changements climatiques a jusqu’ici essentiellement porté sur les politiques mises en œuvre par les Etats pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et promouvoir les énergies renouvelables, les recherches du fonds des Nations Unies (UNFPA) pour la population pourraient bien éclairer la question sous un nouveau jour. Un jour d’autant plus intéressant qu’il place les hommes – et plus encore les femmes – au cœur des enjeux.

Si les tendances récentes se confirment (a fortiori si elles s’accélèrent, comme le prévoient de nombreux climatologues), la température de la terre pourrait grimper de 4 à 6 degrés d’ici 2100. Une montée du niveau des mers d’au moins un mètre devrait provoquer des déplacements massifs de population (de l’ordre de 130 millions de personnes, dont 100 millions en Asie du sud-est). Quant aux sècheresses prolongées, elles exposent des millions d’agriculteurs à l’exode vers les villes.

Risque de mortalité 500 fois plus élevé dans les pays pauvres

Le demi milliard de population le plus riche contribue à plus de 50% de l’empreinte carbone globale, alors que le milliard le plus pauvre ne produit que 3% des émissions. Les pays industrialisés ont créé le problème, mais ce sont les pays pauvres qui auront à relever les plus grands défis en termes d’adaptation. «Le risque de mortalité lié au changement climatique est 500 fois plus élevé dans les pays pauvres d’Afrique qu’en Europe», affirme Yves Bergevin, coordinateur pour la santé maternelle à l’UNFPA à New York.

Selon l’UNFPA, la planification familiale, les soins de santé reproductive et les relations entre hommes et femmes pourraient influer sur les changements climatiques futurs et sur la manière dont l’humanité s’adaptera à la hausse du niveau des mers, à des tempêtes de plus en plus violentes et à une intensification des sècheresses.
Au cœur de la problématique : la démographie.

Moins éduquées, sur-représentées parmi les populations agricoles, plus souvent exclues du revenu du travail, rendues moins mobiles du fait de leurs responsabilités familiales, contraintes à des tâches physiquement plus éprouvantes, les femmes seront plus affectées que les hommes par les effets du changement climatique. Il faut donc leur donner les moyens de s’adapter. «La dimension genre est au centre d’une approche efficace», confirme soutient Patrick Dauby, chef de projet santé de la reproduction à l’Agence française du développement (AFD).

Autonomisation, éducation, santé

Et d’identifer trois leviers majeurs d’action : l’autonomisation (le “women empowerment”), l’éducation (des filles, mais aussi des garçons), l’accès aux services de santé et notamment à la planification familiale. Objectif : infléchir la courbe démographique à hauteur d’un à deux milliards d’individus.
Les projections communément admises tablent sur une population mondiale de 9 milliards d’habitants en 2050. Si nous parvenions à ralentir la croissance démographique à raison d’un milliard de personnes, nous réduirions de 1,5 milliard de tonnes les émissions de CO2.

Pari d’autant plus difficile, soutient Patrick Dauby, que ces projections reposent sur des hypothèses non vérifiées. «Qu’est ce qui nous fait dire que nous ne serons “que” 9 milliards en 2050 ? Pour le continent africain, cette estimation induit un indice de fécondité de 3,5. Or, le taux effectif est aujourd’hui de 5,3».

Trop faible couverture contraceptive

Autre problème : la couverture contraceptive. «Pour limiter la population mondiale à 9 milliards, il faudrait parvenir à instaurer une couverture à 80%», poursuit le chef de projet santé à l’AFD. Dans certains pays d’Afrique, le taux de prévalence contraceptive (pourcentage des femmes en union utilisant des moyens modernes de contraception) reste de très loin inférieur à cet objectif. Au Bénin par exemple, il ne dépasse pas 10%. «Si l’on n’enraye pas la tendance, il n’est pas exclu de voir la population en Afrique frôler les 4 milliards en 2100. Alors que les hypothèses en vigueur tablent plutôt sur 2,5 milliards en 2050-2100», argumente Patrick Dauby.

Mais l’adaptation des populations au réchauffement climatique pose une autre question, plus immédiatement politique. Les dispositifs mis en place seront nécessairement coûteux. Ne risque-t-on pas de puiser dans une aide au développement déjà exsangue et qui devrait être doublée, voire triplée pour remplir les missions qui lui sont dévolues ? «L’aide au développement subit une tendance baissière, ce qui est inquiétant. Reste qu’apparaissent de nouveaux acteurs privés. La Fondation Bille Gates est aujourd’hui l’un des premiers contributeurs au développement en Afrique», note Yves Bergevin.

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