Pour le Conseil de l’Europe, les Etats devraient éviter de mener des politiques anti Roms qui ne font qu’aggraver la situation. Les évacuations de camps roms en France et les expulsions de Roms de France et d’Allemagne risquent fort d’attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe

Dans son carnet des droits de l’homme, publié le mardi 17 août 2010, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, explique que « le droit à la nationalité est un droit de l’homme fondamental, consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’agit du ‘droit d’avoir des droits’ et il faut s’employer avec davantage d’énergie et de détermination à le mettre en œuvre »

Des dizaines de milliers de Roms vivent en Europe sans nationalité. Ne disposant ni de certificat de naissance, ni de carte d’identité, ni de passeport, ni d’autres documents, ils se trouvent souvent privés de droits fondamentaux, tels que l’accès à l’éducation, aux services de santé et à la protection sociale, ou encore du droit de vote.

Ce problème s’observe dans de nombreux pays d’Europe ; cependant, il est particulièrement préoccupant dans les Balkans occidentaux où des conditions de naturalisation restrictives ont été adoptées. En Slovénie des milliers de Roms ont été effacés du registre des résidents permanents en 1992, tandis qu’en Serbie et en Croatie, les Roms qui veulent régulariser leur situation doivent souvent faire face à des procédures administratives complexes et à des frais excessifs.

Les conflits ont également aggravé la situation. « De nombreux Roms du Kosovo* ont été contraints de fuir pour survivre, ce qui a entraîné la perte, la destruction ou le transfert de leurs documents. L’absence de papiers d’identité et un faible niveau d’instruction ont rendu encore plus difficile, pour nombre de Roms, l’acquisition des documents nécessaires pour vivre et obtenir des droits dans les pays d’accueil. .

Les Etats devraient aussi éviter de mener des politiques qui ne font qu’aggraver la situation. Les pays d’Europe occidentale devraient cesser de renvoyer de force des Roms au Kosovo. Selon un rapport de l’UNICEF, 38 % des Roms renvoyés d’Allemagne sont apatrides. La situation est encore plus critique pour les enfants : 42 % de ceux qui, pendant ou après la guerre, ont vécu ou sont nés à l’étranger, ne sont pas inscrits à l’état civil.

De son côté, le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Mevlüt Çavuşoğlu, se dit préoccupé par la situation des Roms en Europe.

Dans une déclaration du 20 août, il affirme : « Les événements qui se sont produits récemment dans plusieurs pays européens, et tout dernièrement les évacuations de camps roms en France et les expulsions de Roms de France et d’Allemagne, ne sont assurément pas de nature à améliorer la situation de cette minorité vulnérable. Bien au contraire, elles risquent fort d’attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe ».

A l’issue d’un débat tenu en juin dernier, l’APCE s’est dite choquée par les graves actes de violence commis récemment contre cette minorité en Europe. « Certains groupes et gouvernements profitent de la crise financière pour capitaliser sur les peurs engendrées par l’assimilation des Roms à des criminels, en choisissant un bouc émissaire qui représente une cible facile, les Roms étant l’un des groupes les plus vulnérables. La Cour européenne des droits de l’homme condamne régulièrement des Etats où les Roms souffrent de maltraitance ou de discrimination », a fait observer le Président, rappelant également que le Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l’homme interdit les expulsions collectives d’étrangers.

Soulignant qu’en 20 ans le processus d’intégration des Roms n’a pas atteint ses objectifs, le Président de l’APCE a invité instamment les Etats membres à prendre leurs responsabilités en s’appliquant à trouver une solution durable au problème de la situation des Roms. Il a réitéré l’appel de l’APCE en faveur de mesures vigoureuses dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, de la santé et de la participation politique.

Le Président de l’APCE s’est félicité de l’adoption par de nombreux Etats membres de stratégies nationales visant à améliorer la situation et l’intégration des Roms. « Il s’agit d’une mesure positive mais insuffisante. Ces plans d’action doivent bénéficier d’un financement adéquat de longue durée et d’une coordination efficace ; ils doivent aussi être mis en œuvre aux niveaux local et régional. »

La situation des Roms en Europe sera également l’un des thèmes abordés lors de la visite officielle du Président de l’APCE en Roumanie, du 29 août au 1er septembre 2010.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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