Malgré des chiffres globalement bons, la santé en France reste marquée par des inégalités sociales et régionales. La mortalité prématurée y est plus élevée que dans d’autres pays européens et l’espérance de vie sans incapacité, plus faible. Dans ce contexte, la prévention représente un enjeu majeur.
Le Conseil économique social et environnemental (CESE) et la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) à l’Assemblée nationale ont, l’un et l’autre, décidé de se saisir de ce problème.
Pour Jean-Luc Préel, rapporteur de la MECSS sur la prévention sanitaire, « la question du pilotage d’une politique publique qui concerne de multiples acteurs est clairement posée. Notre mission a souhaité entendre le Pr Étienne afin qu’il nous apporte son éclairage sur la prévention en matière de santé, problématique à laquelle il a beaucoup réfléchi en sa qualité de praticien, mais également de parlementaire ».
En effet, au niveau national, la prévention sanitaire implique d’autres acteurs ministériels que le seul ministère chargé de la santé : l’Éducation nationale, avec la médecine scolaire, les ministères chargés de l’environnement, du travail… sont également intéressés. Au niveau régional, cette coordination est désormais confiée aux Agences régionales de santé. Les agences sanitaires, l’assurance-maladie et les mutuelles interviennent également sur ce champ.
Comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport de 2011, « une meilleure gouvernance de cet ensemble protéiforme est aujourd’hui nécessaire. L’efficacité de la politique de prévention, tant primaire, pour éviter l’apparition d’une maladie, que secondaire ou tertiaire, pour en limiter les effets, dépend assurément d’une meilleure articulation de l’ensemble des acteurs et de l’évaluation de leur action. Le projet de rapport a été examiné en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 8 février. »
Selon Jean-Claude Étienne Professeur de médecine, co-rapporteur de l’avis du CESE sur les enjeux de la prévention en matière de santé avec Christian Corne, président de la Fédération thermale française, les financements consacrés à la prévention, évalués à 11 milliards d’euros, sont en effet mal connus et leur efficacité mal évaluée. « Nous privilégions une acception trop étroite de la santé centrée sur la technique et le curatif. La pierre angulaire de la politique de la prévention est de développer, dès le plus jeune âge, une nouvelle culture de la prévention ».
Pour ce faire, plusieurs leviers sont à disposition souligne J.C. Etienne : une diffusion des messages de prévention plus efficace, grâce à l’apport des techniques cognitives les plus récentes ; l’organisation de rendez-vous de prévention tout au long de la vie, en en consignant les résultats notamment dans le dossier médical personnel (DMP) ; la formation des professionnels de santé et, plus largement, la sensibilisation d’autres acteurs comme les assistant(e)s de vie… « Pour être efficient, il faut sortir la prévention du « giron » du ministère de la Santé et associer l’ensemble des ministères concernés. La question de la gouvernance est dès lors centrale ».
Un autre point est essentiel, aux yeux de J.C. Etienne : la hiérarchisation des objectifs dans la prochaine loi de santé publique. Pour ce dernier, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) et la Haute Autorité de Santé (HAS) pourraient intervenir dans la confection de cette méthodologie de hiérarchisation. « Nous devrions en effet concentrer nos efforts de prévention sur les pathologies pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement curatif. Enfin, l’évaluation doit être affinée, car il n’y aura pas d’essor d’une politique performante sans une meilleure connaissance du retour sur investissement. »