Grippe A : pourquoi les Français n’ont-ils pas mieux adhéré à la campagne de vaccination ?
Les messages sanitaires n’ont pas suffi à mobiliser les Français. Une majorité des quelque 2000 personnes interrogées fin 2009 par l’INSERM, l’INPES et l’iMMI ont jugé la gravité de la maladie insuffisante au regard des risques supposés des vaccins.
Suivant les recommandations de l’OMS, la France a lancé en juillet 2009 une large campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1).
Pour mieux comprendre les comportements de protection contre la grippe A H1N1, un échantillon de 2253 individus représentatifs des adultes âgés de 18 à 64 ans a été interrogé par Internet du 17 au 25 novembre 2009 (soit une semaine avant le pic pandémique). Les résultats de l’enquête de l’Inserm, (au sein de l’Unité 912 « Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, société ») avec le soutien de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), et dans le cadre du programme de recherches coordonné par l’Institut de Microbiologie et Maladies Infectieuses (IMMI), montrent qu’en novembre seuls 17% d’entre eux étaient déjà vaccinés ou avaient l’intention de le faire.
Ces résultats corroborent la faible couverture vaccinale constatée chez les Français (5,7 millions d’individus).
Caractéristiques individuelles
D’après les résultats des chercheurs de l’Inserm, les groupes qui acceptaient le mieux le principe de la vaccination au moment de l’enquête étaient les hommes et les personnes ayant été vaccinées au moins une fois contre la grippe saisonnière dans les 3 dernières années. La présence d’un seul enfant au sein du foyer familial était associée à un plus fort taux d’acceptabilité.
L’âge est également un paramètre important puisque les adultes de moins de 35 ans étaient les plus réticents face au vaccin alors que les intentions d’y recourir augmentaient au delà de 35 ans.
Si l’on s’attache à regarder les attitudes selon le niveau d’éducation, ce sont à la fois les personnes avec un haut niveau d’étude et les moins diplômées qui étaient les plus disposées à se faire vacciner.
Enfin, de façon rassurante en terme de santé publique, les femmes enceintes et les autres groupes à risque de complications liées au virus H1N11 exprimaient une acceptabilité beaucoup plus forte de la vaccination : près de 40% de ces personnes étaient déjà vaccinées ou avaient l’intention de le faire.
Perception du risque
La majorité de la population française n’a pas associé la grippe A à un risque majeur pour leur santé. Effectivement, d’après les données de l’enquête, seuls 35 % des Français ont jugé la grippe A(H1N1) comme une maladie sévère ou très sévère.
Les doutes sur la « sécurité » du vaccin (71%) ou plus précisément la crainte de ses potentiels effets secondaires (68%) sont les raisons les plus évoquées par les personnes qui ont refusé la vaccination. A l’inverse, se protéger et protéger ses proches sont les principales causes qui ont poussé à la vaccination. Le fait qu’elle soit recommandée par les pouvoirs publics n’arrive qu’au cinquième rang des raisons évoquées. « Nos résultats montrent que les messages sanitaires sur le risque pandémique ont été contrebalancés par le vécu rassurant de la grippe au quotidien alors que la crainte de risques éventuels du vaccin était la principale préoccupation.» déclare Jean Paul Moatti, directeur de l’Unité 912.
Tableau. Raisons principales données pour se faire vacciner ou non contre la grippe pandémique A/H1N1 en population adulte française (enquête Internet du 17 au 25 novembre 2009, N=2,167)
Raison(s) principale(s) pour se faire vacciner (n=369), en pourcentage
Se protéger pour ne pas être malade: 74.5
Protéger ses proches: 68.8
La vaccination est simple et rapide: 27.4
La vaccination est recommandée par le médecin: 25.2
Se faire vacciner est un acte civique: 24.1
La vaccination est recommandée par les pouvoirs publics: 23.6
La vaccination est gratuite: 21.1
Se protéger pour ne pas être absent au travail: 20.1
La sécurité du vaccin: 9,2
L’absence d’effets secondaires du vaccin: 7.1
Raison(s) principale(s) pour ne pas se faire vacciner (n=1,798)
L’absence de sécurité du vaccin: 71.2
Les effets secondaires du vaccin: 68.4
La grippe n’est pas une maladie grave: 19.7
L’absence d’efficacité du vaccin: 17.3
La vaccination n’est pas recommandée par le médecin: 15.3
N’attrape jamais la grippe: 15.0
N’aime pas les piqûres: 7.0
La vaccination est compliquée et longue: 3.6
Présente une contre-indication médicale: 1.4
[[* Les items de réponse étaient proposés dans un ordre aléatoire et tous pouvaient être sélectionnés, aussi les pourcentages ne s’additionnent pas à 100%.]]
Les médecins de ville: des relais incontournables ?
Une part importante du travail des chercheurs a constitué à étudier quel était le rôle d’information des médecins généralistes lors d’une campagne de vaccination telle que celle menée contre la grippe A(H1N1). «Notre étude montre que l’acceptabilité de la vaccination pandémique est fortement liée à sa recommandation par le médecin » déclare Jean Paul Moatti. Près de 60% des personnes ayant reçu une recommandation médicale en faveur de la vaccination se déclaraient prêtes à se faire vacciner. En l’absence de recommandation de leur médecin, ce chiffre s’effondre à 11%.
« Lorsqu’on sait qu’au moment de l’enquête, 75% des Français déclarent avoir consulté leur médecin généraliste au cours des 6 derniers mois, explique Jean Paul Moatti, il apparait que l’on peut rapidement comprendre le rôle d’information important que les médecins généralistes peuvent jouer dans ce type de pandémie ». Jean Paul Moatti poursuit « je pense que les médecins généralistes étaient initialement largement favorables à la vaccination H1N1, comme le montre une autre enquête réalisée durant l’été 2009 et précédemment publiée2 , et ils jouent habituellement un rôle pivot dans l’administration du vaccin pour la grippe saisonnière ».
De nouvelles enquêtes en population, si possible coordonnées à l’échelle européenne comme vient de le suggérer un colloque de l’European Science Foundation3, sont indispensables pour mesurer en quoi l’épisode H1N1 a pu affecter à long terme l’acceptabilité de la vaccination anti-grippale en général et comment mieux se préparer à l’avenir aux risques pandémiques.