Deux mois pour arrêter Mladic !
Ratko Mladic, vous savez… le bourreau du massacre de Srebrenica… Cela fait 15 ans que ce général de l’armée serbe de Bosnie est en cavale. 15 ans de trop pour les familles des survivants et pour l’honneur de la justice internationale.
Dans deux mois, au milieu du mois de juillet 2010, les survivants de la ville de Srebrenica en Bosnie, réfugiés, exilés et habitants, se recueilleront pour commémorer le massacre en 1995 d’environ 8.000 hommes et jeunes garçons commis par les forces serbes. Pendant ce temps, Ratko Mladic coule une retraite paisible à Belgrade.
Le Bureau du Procureur du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) a déposé lundi 10 mai 2010 une requête aux fins de modification de l’acte d’accusation établi contre Ratko Mladić, ancien chef de l’état-major principal de l’armée des Serbes de Bosnie (VRS). Dans la nouvelle version proposée pour l’acte d’accusation, Ratko Mladić doit répondre de 11 chefs de génocide, crimes contre l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre pour le nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), la campagne de terreur contre la population civile lors du siège de Sarajevo (1992-1995), la prise en otage de membres de l’ONU (mai et juin 1995) et le génocide de Srebrenica (juillet 1995).
Dix-huit ans ont passé depuis qu’ont été commis les premiers crimes reprochés dans cet acte d’accusation. Bien que le premier acte d’accusation établi contre Ratko Mladić ait été confirmé le 25 juillet 1995, l’accusé continue d’échapper à la justice.
L’enjeu est clair, il faut que d’ici la date de cette commémoration, le bourreau de Srebrenica soit traduit devant les tribunaux. C’est ce que sont en droit d’attendre les familles des victimes et les citoyens soucieux de justice.
A la demande de Hatidza Mehmedovic, responsable d’une des associations rassemblant des femmes de Srebrenica, le procureur du Tribunal pénal international (TPIY), Serge Brammertz, a lancé mardi 27 avril 2010, depuis le mémorial des victimes du massacre de Srebrenica, un appel pressant en faveur de l’arrestation de Ratko Mladic, ancien chef militaire des Serbes bosniaques. « Il n’y a pas d’alternative à l’arrestation de Ratko Mladic. C’est très important pour les victimes. C’est bien évidemment important pour le TPIY, afin d’achever son mandat. Mais c’est aussi une question de crédibilité pour la communauté internationale », a déclaré M. Brammertz devant des journalistes.
Srebrenica reste dans nos mémoires comme la pire tuerie en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ce massacre a été qualifié de génocide par la justice internationale, et notamment par le TPIY. C’est à Srebrenica, alors zone protégée par l’ONU, que la campagne généralisée de persécutions, expulsions, tortures et meurtres menée en 1992 dans de vastes parties de la Bosnie-Herzégovine, notamment dans les tristement célèbres camps de détention d’Omarska, de Keraterm, de Manjača et de Trnopolje, a atteint son paroxysme.
Un léger espoir s’est laissé entrevoir avec la résolution du 30 mars 2010 , exprimé par le parlement serbe. Une résolution en demie-teinte qui exprime de la compassion pour les victimes et des excuses pour ne pas avoir tout fait pour éviter le massacre. Mais aucune reconnaissance du « génocide ». Un diplomate occidental posté en Bosnie lorsque le massacre de Srebrenica a eu lieu a affirmé que passer la résolution sans arrêter Mladic ne voulait pas dire grand-chose. Pour certains défenseurs des droit humains, c’est une duperie de plus pour obtenir les faveurs de l’UE et des investisseurs, sans avoir à livrer le général Mladic. Dans de nombreux milieux autorisés, ce dernier fait figure de héros national.
Ce n’est pas la première fois que les Serbes tentent d’amadouer la diplomatie européenne avec des gestes d’apparente bonne volonté. De plan d’actions en intentions, le pouvoir serbe a longtemps fait croire qu’il faisait le nécessaire pour capturer Ratko Mladic. C’est l’incapacité – réelle ou feinte – des autorités de Belgrade à respecter cet engagement qui avait incité la Commission européenne à suspendre les négociations pour l’entrée de la Serbie dans le giron européen, le 3 mai dernier. D’ailleurs, dans une interview publiée mardi par le quotidien serbe Vecernje Novosti, le leader de la Républica Serpska, Milorad Dodik a affirmé que les Serbes bosniaques ne qualifieraient « jamais » le massacre de Srebrenica de génocide.
Et le Tribunal Pénal International, que peut-il faire ? Contrairement aux autorités judiciaires nationales, le TPIY n’a pas de force de police ni le pouvoir de procéder à des arrestations. Il ne peut se passer de la coopération d’autres instances – notamment de celle des gouvernements nationaux et des forces internationales basées dans la région – pour arrêter les accusés encore en fuite.
En revanche, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et au Statut du Tribunal, les États Membres ont l’obligation de coopérer sans réserve avec le Tribunal, de répondre à ses demandes d’assistance et de respecter les ordonnances rendues par ses juges. Au fil des années, le Président du TPIY a alerté à plusieurs reprises le Conseil de sécurité sur l’absence de coopération de certains États, reprochant particulièrement à la Serbie de ne pas procéder à l’arrestation et au transfert des accusés.
En fin de compte, ce sont les États, et non le Tribunal, qui ont le pouvoir d’arrêter les fugitifs, le Bureau du Procureur n’ayant qu’une petite équipe d’enquêteurs chargés de réunir des informations permettant de les localiser, les recherches et les arrestations proprement dites étant effectuées par les forces de police des pays concernés ou les forces internationales en poste dans la région. Le Procureur a maintes fois répété que l’arrestation de la plupart des fugitifs dépendait de Belgrade.
Mais l’arrestation d’accusés en fuite depuis parfois plus d’une décennie représente toujours un enjeu majeur. Le Procureur du TPIY a publiquement fait part de sa frustration face au manque de coopération des acteurs locaux et internationaux, les exhortant à mettre leurs efforts en commun pour rechercher les accusés encore en fuite.
Le TPIY reconnaît que sans l’arrestation et le jugement des derniers fugitifs, son objectif principal qui est de contribuer au rétablissement de la paix en ex-Yougoslavie ne pourra jamais être entièrement atteint. Le Tribunal continue de prier instamment le Conseil de sécurité de signifier clairement à ces accusés qu’ils ne sauraient échapper à la justice internationale et que leurs procès ne dépendent pas du calendrier de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal.
Mais des intentions aux actes, on le sait, la route est sinueuse. C’est donc aux citoyens de se mobiliser pour que d’ici le mois de juillet, Mladic soit déféré devant la justice internationale.