Selon un sondage exclusif Opinion Way, la majorité des Français préfèrent adapter leur logement plutôt que d’intégrer une maison de retraite

Pour la première fois en France, la majorité des voix exprimées à l’élection présidentielle le sera par des électeurs de plus de 50 ans. Près d’un quart de la population a plus de 60 ans, et le nombre de personnes de plus de 75 ans a progressé de 45% en vingt ans.
Evoquer le pouvoir d’achat, cœur de la campagne, c’est dans leur cas se poser la question : aurai-je les moyens de bien vieillir ? De rester chez moi ? De ne pas « être un poids » pour mes enfants ? L’approche concrète du lien logement-vieillissement se résume à une priorité : assumer le coût du maintien à domicile.

Ainsi, selon un sondage récent (1), 90% des Français estiment que le maintien à domicile est la bonne solution face au problème de la dépendance et la même proportion préfère adapter son domicile dans le cas d’une dégradation physique liée à l’âge, plutôt que d’intégrer un établissement spécialisé. Dans la même enquête, les personnes interrogées sont partagées sur le financement du maintien à domicile : 49% pensent faire appel à des aides publiques et 45% à des ressources propres. En revanche, 69% des répondants ont déclaré ne pas pouvoir assumer le coût d’un hébergement médicalisé.
Adapter son logement, un choix économique autant qu’affectif
Adapter son logement revient à minima à 4 280€, un chiffre à rapprocher des 2 200€ représentant le coût moyen mensuel d’une maison de retraite.

C’est pourquoi Muriel Boulmier (2), auteure du rapport au ministre chargé du Logement « Bien vieillir à domicile : enjeux d’habitat, enjeux de territoires » publié à la Documentation française le 21 mars, présidente du groupe de travail « Évolutions démographiques et vieillissement » du Comité européen de coordination de l’habitat social (CECODHAS), propose de décloisonner les modes de financement de l’adaptation des logements pour prévenir la dépendance. Elle préconise entre autres, un réaménagement des aides publiques et du dispositif fiscal, à dépense budgétaire constante : « Souvent inabordable pour une personne seule, le maintien à domicile peut se révéler une manne d’économies pour la dépense publique. Si la prise de conscience collective naissante s’accompagne d’une mutualisation des moyens publics (Santé, Logement, Cohésion sociale), à l’échelle étatique comme territoriale, l’économie réalisable pour la dépense publique apparaîtra clairement. En effet, bien que majoritairement propriétaires, les personnes âgées n’ont pas pour autant les moyens d’assumer cette dépense, ou son reste à payer, aides publiques déduites ».
Or pour la dépense publique, le coût du traitement de la dépendance (non cognitive) en institution reste bien plus élevé que celui du maintien à domicile ! Nombre de professionnels, du milieu sanitaire et social comme du secteur des assurances, caisses de retraites et mutuelles s’accordent à dire que la vieillesse n’est ni une maladie ni un handicap, et que la place des personnes âgées n’est donc pas à l’hôpital. Est-ce si difficile d’appréhender cette évolution démographique dont on connait la tendance depuis un demi-siècle ? Qui peut raisonnablement croire qu’il est impossible de permettre aux personnes vieillissantes d’envisager un avenir serein, en sécurité, chez elles, et de réserver les établissements spécialisés et hôpitaux, coûteux pour l’Etat comme pour les familles, aux derniers moments de la vie ?

Sur fond de crises, financière et budgétaire, l’abandon de la réforme de la dépendance n’a laissé place à aucune proposition de substitution, voire de transition. Or, plusieurs pistes attendent d’être empruntées. Par exemple, un aménagement de l’article 200 quater A du CGI peut, à dépense constante, venir absorber en partie le coût du maintien à domicile, si tant est que le crédit d’impôt auquel il ouvre droit soit transférable aux descendants. De même, la généralisation dans les établissements bancaires d’un microcrédit spécifique aux personnes âgées, pour l’adaptation de leur résidence principale, peut constituer une aide précieuse permettant d’envisager un maintien durable à domicile. Enfin, le viager HLM, qui reste à créer, peut d’après Muriel Boulmier dans son rapport y concourir.

Mais, conclut Muriel Boulmier : « Vieillir chez soi reste un objectif, d’ordre intime et affectif autant qu’économique, que les seniors ne renonceront pas à atteindre. Quitte à évoluer dans un logement inadapté à la diminution de leurs capacités physiques, avec baignoires, escaliers, bref, quitte à prendre le risque d’un accident. Et qui dit accident dit hôpital et perte d’autonomie, puis, trop souvent, dépendance. »


1 Sondage OpinionWay pour l’Observatoire de l’intérêt général réalisé auprès de 1 006 individus du 22 au 23 mars 2012.

2 Muriel Boulmier, « Bien vieillir à domicile : enjeux d’habitat, enjeux de territoires », publié ce 21 mars par la Documentation Française.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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