Jean-Baptiste de Foucauld, Jean-Claude Devèze *

Les affaires qui secouent notre monde politique occupent une grande part de notre actualité, alors qu’il y a pourtant mieux à faire.

Actuellement, c’est le scandale Cahuzac. C’est d’abord une affaire de fraude fiscale liée à l’attrait de l’argent, et elle doit être jugée en tant que telle. C’est ensuite une alerte de plus sur les dérives de notre sphère politico-médiatique qui montre que le désir de reconnaissance et le pouvoir montent à la tête si l’on n’y prend pas garde, et cela doit conduire à lutter en permanence contre ces multiples complicités entre personnes qui se croient au-dessus des lois. C’est enfin un scandale d’État du fait que c’est un ministre du budget, en charge de la lutte contre la fraude, qui en est cause et qu’il a menti publiquement.

Cette affaire dépasse son auteur et provoque une onde de choc considérable, ce qui lui confère une dimension symbolique particulière. Elle altère profondément le capital de confiance de notre administration et des citoyens en la rectitude du responsable politique en charge de nos finances, et cela à un moment où notre dépense publique doit faire l’objet de toute notre attention. Ensuite, elle renforce la contradiction entre un PS moralisateur et le comportement peu vertueux de certains de ses élus. Enfin, elle apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui dénigrent notre sphère politique.

Les investigations de Médiapart ont permis l’information des citoyens, et ce sans se laisser engluer dans les prudentes complicités de la sphère politico-médiatique. Mais cela ne doit pas pousser les médias à outrepasser leur rôle en devenant les procureurs de notre démocratie, au risque d’alimenter non seulement nos tendances à toujours accuser les autres, mais aussi de légitimer le chacun pour soi, l’incivisme et les démagogues.

Comment réparer le dommage symbolique qui vient d’être causé à notre démocratie, aggravant ainsi ses propres difficultés ? Voilà la question à laquelle nous devons réfléchir collectivement, sans a priori ou esprit partisan. Il devrait être acquis que les multiples crises que nous connaissons nous invitent à penser, agir et vivre autrement pour rehausser la qualité de notre démocratie. Commençons par nous appuyer sur ses forces profondes, sur l’indépendance démontrée dans le cas présent de notre justice, sur les propositions de réforme qui sont présentées par les associations qui luttent contre les différentes formes de corruption. Organisons enfin le statut de l’élu, avec une déclaration publique et détaillée de sa fortune, et rendons effective une limitation supplémentaire des mandats et fonctions ainsi que des rémunérations qui leur sont attachées, dans le temps et dans l’espace. Et dans cette période difficile où le pays a besoin de toutes les énergies pour surmonter la crise, mobilisons–nous sur ces dossiers essentiels que sont la place de l’argent dans la société et les régulations qui permettent de transformer ce mauvais maître en bon serviteur, l’emploi et la transition écologique, et l’émergence de l’Union européenne comme acteur efficace d’une mondialisation plus humaine.

La moralisation de notre vie publique, le Pacte civique la recherche dans une nouvelle démarche qui passe d’abord par le changement de nos mentalités et de nos comportements, ensuite dans un travail en profondeur sur les modes de fonctionnement de nos organisations, enfin dans des réformes institutionnelles et politiques qui créent les contre-pouvoirs et disciplines nécessaires. Dans le grand besoin de reconquête de la confiance dans lequel nous nous trouvons désormais, il ne s’agit pas d’oublier les scandales, mais de les prévenir en reliant des niveaux de changement trop séparés les uns des autres. Nous avons enfin un urgent besoin d’une approche globale et de perspectives crédibles pour mobiliser nos énergies sur une autre façon de faire de la politique.

  • porte-parole du Pacte Civique

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