TEM de Volos, son évolution depuis 2013
Annette Preyer
Volos, à mi-chemin entre Athènes et Thessalonique, a vu naître son SEL, baptisé TEM, dès 2010.
Annette Preyer avait rencontré les acteurs de TEM en 2013. Deux après, elle nous livre ses impressions.
TEM de Volos – Son évolution de 2013 à 2015 : Liens resserrés, chiffres en recul
Faits et chiffres de TEM en 2013 :
- 1500 inscrits
- quelques centaines de membres actifs
- deux rendez-vous hebdomadaires (mercredi soir, samedi matin) pour les échanges
- une réunion d’organisation hebdomadaire
- un site internet bien vivant
De beaux projets annoncés pour la rentrée 2013 :
ouverture d’un atelier de menuiserie, recherche d’un terrain pour la production agricole, nettoyage du fichier des membres afin de ne garder que les locaux et ceux qui répondront positivement ; aider les autres à créer leur propre réseau.
Faits et chiffres de TEM en 2015 :
- 1500 inscrits,
- 200 actifs.
- Le marché se tient toujours deux fois par semaine, mercredi et samedi, mais avec moins de monde.
- L’atelier de menuiserie n’a jamais vu le jour. Il aurait dû se faire en partenariat et dans les murs d’une association voisine qui a été expulsée de ses locaux.
- Un beau jardin potager est pris en charge par une équipe de cinq personnes depuis cette année.
- Un site internet peu ou pas mis à jour.
Face à cette réalité, certains membres de la première heure comme Mairita Houpi ne cachent pas leur déception et n’y restent que par fidélité. D’autres, comme Maria McCarthy, ont accru leur investissement personnel. Maria s’occupe de la page Facebook de TEM https://www.facebook.com/TEM.MAGNISIAS?ref=br_rs qui est désormais le vrai lien internet des membres et … où ma photo a atterri dès le 20 juillet.
Mes impressions sur place, en juillet 2015 :
la halle et ses étals n’ont guère changé. Mais tout est encore mieux rangé et d’une propreté impeccable. La cuisine est désormais équipée d’un four à micro-ondes, d’un mixeur pour le café frappé obligatoire dans toute réunion grecque. Il y a deux ordinateurs et le wifi.
Cette année, des panneaux solaires ont été installés. Pour l’instant deux, bientôt deux supplémentaires. De quoi alimenter l’éclairage, l’informatique et peut-être le frigo, ancien et donc énergivore. Pour la cuisson ou le chauffage, il faudrait une surface beaucoup plus grande, hors de portée pour l’instant car il faut payer en euros. Autres projets à court terme : réparer le toit, rénover deux petites pièces, mieux organiser les plantations.
Il y a moins de monde que d’il y a 2 ans, mais l’atmosphère paraît plus sereine. « TEM est devenu une communauté, de vrais liens se sont créés. Auparavant on pouvait voir des conflits dégénérer en véritables combats … pour savoir qui serait le premier à choisir ses légumes à acheter ! Aujourd’hui c’est calme. Les membres sont moins égoïstes », se réjouit Christos.
Côté organisation, des équipes spécialisées se sont stabilisées. En dehors de celle pour le jardin potager, une équipe d’assistance aux membres (sept personnes), une équipe responsable du marché et de la cuisine (sept) et une équipe d’entretien et de réparation (six). Ces équipes sont rémunérées 6 TEM pour chaque heure travaillée.
Mais Christos ajoute aussitôt : « Nous sommes actuellement déréglés, nous avons besoin d’une rénovation. Depuis des mois, il n’y a pas eu de réunion. » La dernière assemblée générale date d’il y a un an. La prochaine doit avoir lieu fin septembre.
TEM a besoin de professionnels et d’entreprises
Pour Christos, désormais, il faut une lente croissance. L’enracinement d’un SEL se heurte à une résistance que Christos qualifie de naturelle contre l’idée de partage, assimilée au communisme honni et craint (URSS, Chine). Les membres acceptent cependant sans rechigner que 3 TEM soient prélevés sur leur compte tous les mois pour payer les équipes opérationnelles.
« Nous avons été naïfs. Nous croyions qu’il suffisait de lancer une monnaie pour que les échanges et l’activité se développent automatiquement. » Des 30 réseaux qui fonctionnaient en Grèce en 2010/13, seulement cinq sont encore actifs aujourd’hui.
Afin de relancer la dynamique, un petit groupe informel réfléchit dans deux directions : concevoir un réseau des réseaux locaux et, comme en Sardaigne, créer un réseau B2B.
Actuellement il y a des problèmes de liquidité dans le marché et les professionnels sont ouverts pour explorer de nouvelles pistes pour développer ou maintenir leur activité. Ils s’engageraient à faire une partie de leur chiffre d’affaires annuel en monnaie parallèle. Seuil minimum pour démarrer : 200 professionnels sur les 3000 présents à Volos. Ils ont déjà trouvé un bureau en ville, appartenant au père retraité d’un ami d’un collègue (aucune histoire grecque, sans une opportunité familiale, une connexion amicale !). Christos fait partie de ce groupe, comme Iannis Gregoriou de la mairie, et aussi Thomas Greco
([http://reinventingmoney.com/, http://beyondmoney.net/) un spécialiste états-unien des SEL, qui s’intéresse de près à la Grèce.
Si un Thomas Greco trouve à Volos à la fois un terrain d’observation et d’application pratique, certains thésards viennent de l’étranger pour l’observation seule. Helen Panagiotopoulos, états-unienne d’origine grec a l’avantage de la langue. Andreas Streinzer, autrichien, qui travaille en anthropologie économique sur « values and valuation » (Valeurs et estimation) termine un cours intensif de grec moderne.
Il y a aussi les représentants d’autres SEL comme celui de Chambéry (elef-la monnaie autrement) en visite pour établir des liens et échanger les bonnes pratiques.
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