A quand l’émergence d’une Europe des citoyens ?
A l’occasion du Forum social européen réunissant des acteurs de la société civile des quatre coins du vieux continent, la question de la construction de l’Europe des citoyens se pose avec davantage de force… Chimère ou réalité ? Début de réponse.
Une Europe léthargique confrontée aux replis populistes, une démocratie représentative en crise, un dialogue social européen en panne : le fonctionnement de l’Europe est-il condamné à nourrir les regrets et lamentations ? A première vue, tout y concourt. Loin des yeux, loin du coeur. L’Europe reste une cathédrale de papier où la lumière pénètre peu.
D’une part, le système institutionnel européen n’est pas conçu pour explorer l’avis de la société ; d’autre part, il n’évalue pas l’impact de ses choix. D’où la nécessité de réactiver la question de la gouvernance européenne, comme le souhaitent les associations, les syndicats et même les entreprises, « déçues par la gestion très verticale du débat sur l’avenir de l’Europe » (dixit Jean Gandois, président de surveillance de Suez).
Impliquer davantage les citoyens sur la scène européenne, cela fait une dizaine d’années que l’association Confrontations travaille dans cet esprit. Elle a, du reste, créé un lieu européen de dialogue social et civil : le Cercle européen de Confrontations, pour fonder « une nouvelle culture de l’action politique « . Selon Philippe Herzog (1), député européen et fondateur de l’association, il s’agit « d’élaborer des droits participatifs en amont et en aval de la décision. La société civile doit, en toute indépendance, disposer de nouveaux pouvoirs d’initiatives et d’évaluation ». Mais, il s’agit aussi de favoriser le fait que les citoyens puissent donner mandat aux dirigeants et aux élus du Conseil, de la Commission et du Parlement européen avec des agendas annuels et pluriannuels visibles et contrôlables.
Pour Confrontations, la présence résolue des citoyens et de l’opinion dans le fonctionnement des institutions est la clé de cette gouvernance. Il s’agit rien moins que d’inventer une démocratie participative plurinationale. « Mais la démocratie participative ne doit pas se confondre avec la démocratie directe, qu’il s’agisse des référendums locaux, des sondages d’opinion ou de la soi-disant citoyenneté électronique », fait remarquer Bernard Wach, vice-président de l’association ICE (Initiatives Citoyens en Europe. Attention au risque d’instrumentalisation.
« Il est nécessaire de faire émerger l’idée d’une opinion publique européenne transnationale », poursuit Bernard Wach. Encore faut-il que les citoyens aient accès à l’information, et puissent jouir d’un droit de consultation et d’expression. L’association ICE, née au lendemain de la chute du mur de Berlin, prône la création d’un véritable espace public européen d’échanges entre citoyens autour de projets porteurs de solidarités. « Il est important que les acteurs engagés dans l’Europe montrent l’exemple en développant des initiatives autonomes, qu’ils puissent influer sur les grandes questions comme la justice, le lien social, l’immigration, la lutte contre le populisme et la xénophobie « .
En Belgique, l’Association Causes communes qui développe sur Internet l’Autre site est sur la même longueur d’ondes. Elle a mis en place un Observatoire des dérives populistes et invite les citoyens à se mobiliser autour de ce problème.
Charte et collège
La Charte des droits fondamentaux est un élément non négligeable dans la construction de l’édifice que représente l’Europe des citoyens. Faisant office de piqûre de rappel, « elle est un référent de valeurs auquel les pays candidats doivent se conformer pour rejoindre l’Union « , souligne Pervenche Berès, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen. « Mais il y a des progrès à faire, ajoute la députée, dans un texte exprimant la position de son parti : la reconnaissance du droit de vote des ressortissants des pays tiers résidant depuis plus de 5 ans sur le territoire de l’UE, mais aussi un droit à un revenu minimum, le droit au logement « .
La création d’un Collège international éthique réunissant des acteurs publics, des chercheurs et des créateurs, à l’écoute de la société civile (en particulier des ONG et des associations de citoyens actifs) milite également pour une gouvernance citoyenne. Objectif : agir comme conseil auprès des gouvernements et des institutions internationales afin d’éclairer leur processus de décision. Pour Michel Rocard, l’un des initiateurs de ce Collège (2), il est nécessaire de faire émerger une démocratie et une citoyenneté mondiales, seules à même de donner aux régulations écologiques, sanitaires, sociales et économiques devenues indispensables, un socle de légitimité démocratique. En sachant que « la démocratie ne se réduit ni au principe électif ni même au pouvoir des peuples de s’autogouverner « .
(1) Lire l’Europe après l’Europe, De Boeck Université, 2002
(2) Composé, entre autres, de M.Kucan, A.Gutterez, E.Morin, M.Robinson, B.Geremek, V.Havel, M.Delmas-Marty, J.Habermas.
Sites :
– Confrontations Europe : www.confrontations.org
– L’autre site : www.lautresite.com