Les particules du volcan islandais Eyjafjöll qui se disséminent, depuis jeudi 14 avril, dans l’atmosphère à entre 5000 et 10 000 mètres d’altitude, ont mis en évidence l’impact très fort des caprices de la nature sur la logistique des sociétés et la mobilité des personnes.
Le bleu du ciel!.
Près de 63.000 vols ont été annulés en Europe, clouant au sol la quasi-totalité des avions et des dizaines de milliers de passagers. Aussi bien aucune trace n’est visible dans le ciel par beau temps. Et tout ça à cause d’un énorme nuage noir. Les micro-poussières du volcan islandais Eyjaföll, poussées par les vents, se répandent sur une bonne partie de l’Europe. Très dangereuses pour les moteurs et les réacteurs des avions, elles créent également un écran total, nuisant à la visibilité des pilotes. Par mesures de sécurité, une bonne partie des aéroports fermés au trafic commercial depuis samedi pourraient l’être jusqu’à mardi 20 avril. Et peut-être plus longtemps encore…
Cet évènement est une première dans l’histoire du transport aérien. Une paralysie prolongée de l’espace aérien européen pourrait coûter de 5 à 10 milliards de dollars par semaine.
Et si demain ce genre d’évènement devenait plus fréquent ? Et si on devait réduire nos voyages aériens ? Au fait, quel est l’impact du transport aérien sur l’environnement ? Quelles sont les solutions pour diminuer la pollution et la consommation d’énergie et continuer à circuler dans le ciel ? Peut-on se passer de l’avion ?
Depuis plus de 50 ans, l’avion a largement favorisé les échanges internationaux et les circulations intérieures. Le trafic a cru de 4,3% par an en moyenne sur les 40 dernières années. En Europe, il a doublé depuis 1990. Dans les années quatre-vingt, le développement des lignes régulières, l’extension des aéroports et la taille des avions ont accentué cet essor. En 1995, l’apparition des low-cost (compagnies à bas prix ) a encore accéléré cette croissance. Le trafic devrait continuer à croître de 2% par an. Il fait désormais partie intégrante de nos sociétés et de nos habitudes. Les voyages et le tourisme représentent 5% environ du PIB mondial et l’Europe compte pour le tiers.
Il paraît donc difficile d’imposer des restrictions drastiques du nombre de vol à l’un des moteurs de la mondialisation. D’ailleurs le renouvellement rapide des flottes montre que le sujet n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Les centaines de commandes d’avions, comme celles de l’Airbus A380 (165 commandes), continuent à grande échelle. La flotte mondiale devrait être multipliée par deux d’ici vingt ans pour atteindre 33 500 appareils contre 17 000 en 2006. Aux yeux de l’opinion, l’avion reste un mode de transport porteur d’avenir. Le trafic de passagers aériens devrait ainsi croitre de 5% par an.
Et pourtant, des efforts dans ce sens, sont aux yeux des écologistes, nécessaires. Le transport aérien demeure le consommateur ultime de pétrole. Il est la source qui émet le plus rapidement des gaz à effet de serre, beaucoup plus que la voiture et le train. Le trafic aérien sera multiplié par deux d’ici à 2020, par rapport à 2003. S’il ne représente que 2,5% des émissions mondiales de gaz carbonique (5 fois moins que les transports terrestres), il est en effet proportionnellement le mode de transport le moins écologique.
Quelques comparaisons permettent de le mesurer plus clairement. Le C02 émis par un avion sur un trajet Paris-Marseille est de 187kg. Il est de 10 kg si l’on choisit le TGV. Un AR Paris/Los Angeles équivaut en quantité de gaz à effet de serre à l’utilisation moyenne d’une voiture en France pendant 3 ans. L’avion présente une consommation d’énergie par passager et par kilomètre de 80 g d’équivalent pétrole, contre 57,6 pour la voiture et 15,2 pour le TGV.
Que fait l’industrie aéronautique pour réduire la note écologique ?
Utilisation de matériaux plus légers, recherche d’une meilleure aérodynamique, carburant vert, diverses pistes sont envisagées. Le consortium Airbus s’est engagé à diminuer de 30 à 50% les rejets de CO2 de ses avions d’ici 2020. La Commission européenne développe l’idée d’instaurer une écotaxe sur le kérosène. Le but serait de réduire de 10% la consommation de kérosène dans les dix ans à venir. Inconvénient : les compagnies aériennes seraient alors amenées à répercuter ce surcoût sur les prix des billets. Rétablir le vrai coût du transport aérien dont les émissions augmentent rapidement en l’intégrant dans un système d’échanges de quotas de CO2, est aussi l’une des solutions avancées par Bruxelles . D’autres souhaitent que l’on supprime les aides publiques et les exonérations fiscales des compagnies low costs qui pourraient exister sur ces lignes.
Un autre courant milite pour favoriser le développement du chemin de fer longue distance par rapport à l’avion de ligne. D’autres voies étudient le remplacement du kérosène par de nouveaux carburants. Le kérosène utilisé pour faire voler les aéronefs a l’inconvénient de coûter cher et de générer beaucoup de dioxyde de carbone. La Nasa, Boeing et General Electric sont en train de mettre au point un carburant écologique, à base d’un mélange de kérosène et de biocarburant fabriqué à partir d’algues marines à croissance rapide. Cette nouvelle énergie permettrait de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de moitié. Pour plus tard , on peut aussi concevoir des appareils volant grâce à l’énergie solaire. Le projet Solar Impulse, un prototype d’avion muni de panneaux solaires, capable de voler sans arrêt, jour et nuit, plusieurs jours de suite, est un premier pas dans ce sens.
Pour aller plus loin :
« Comment se déplace sans polluer ». 87 questions à Patrick Widloecher. Spécifique Editions. 2008
« Changement climatique et aviation ». Rapport de l’eurodéputée Caroline Lucas (les Verts) . 2006.