Les pluies torrentielles ont-elle un rapport avec le réchauffement climatique?
La fréquence et la violence accrues des ouragans qui générèrent des vents violents et des pluies torrentielles ont-elles un rapport avec le réchauffement climatique ? C’est la question que se posent les populations locales inquiètes pour leur habitat. Surtout dans les pays tropicaux. Débat très controversé qui divise les experts du monde entier.
Pour Greg Holland, du Centre américain sur la recherche atmosphérique, et Peter Webster, de l’Institut de technologie de Géorgie (sud-est), cela est probable : le réchauffement de la planète et ses conséquences sur le réchauffement des océans sont responsables du doublement du nombre d’ouragans enregistré annuellement dans l’océan Atlantique depuis 1900.
Dans une étude (Webster et al. Science 309. 16 septembre 2007), Peter Webster range en trois périodes l’évolution du nombre de tempêtes tropicales et d’ouragans sur l’Atlantique. La première s’étend de 1900 à 1930, où la moyenne annuelle a été de six. Cette moyenne est passée à dix de 1930 à 1940 avant d’atteindre 15 entre 1995 et 2005. Pour ces derniers, leur nombre devrait continuer à s’accroître avec l’augmentation de la température moyenne du globe. « Ces chiffres constituent une forte indication que le changement climatique est un facteur majeur dans l’augmentation du nombre des cyclones dans l’Atlantique », soulignent-ils.
Dans un numéro de la revue Nature, (J. B. Elsner, J. P. Kossin et T.H.
Jagger « The increasing intensity of the strongest tropical cyclones ». Septembre 2008) des chercheurs des universités de Floride et du Wisconsin indiquent que l’intensité des cyclones augmente, elle aussi, avec le réchauffement des océans. Il suffit, selon eux, d’un degré Celsius de plus à la surface des océans pour entraîner une augmentation de 31% de la fréquence des cyclones les plus puissants (vents supérieurs à 183,6 kmh), qui passent de 13 à 17 par an. « Nous observons une tendance à la hausse des valeurs maximales estimées des vents dans les cyclones tropicaux les plus violents dans tous les bassins océaniques, avec l’augmentation la plus forte dans l’Atlantique nord », observe James Elsner.
Sur la base de ses données satellitaires, la Nasa, soutient pour sa part qu’ »un plus grand nombre d’ouragans et de tempêtes tropicales pourraient se produire et être plus violents.
Dans le rapport annuel du GIEC, paru en 2007, Hervé Le Treut, directeur de recherche au CNRS, note qu’ »on peut s’attendre à avoir non pas davantage de cyclones, mais d’intensité supérieure ». Le chercheur émet cependant « une réserve », soulignant que les études qui fondent ces observations sont plus nombreuses en Atlantique que dans l’Océan Indien : « Ce n’est que sur le long terme qu’on pourra dire si un évènement est associé à une véritable tendance: la météo est faite de hasard, mais le climat est constitué par des lois statistiques définies sur une trentaine d’années. Or, on n’a pas des systèmes d’observation et des enregistrements complets ou parfaits sur tous les océans du monde. Et surtout, on manque de recul sur ce qui s’est passé avant l’ère satellitaire ».
En réalité, les scientifiques se veulent prudents sur les liens entre changement climatique et cyclones: « Les données que nous disposons sur les 30 dernières années ne sont pas forcément assez fiables pour être en mesure de déduire une tendance locale. L’avenir reste très difficile à deviner », pensent Mark Saunders et Adam Lea, du Hasard Research Centre (Benfield University Collège de Londres). (Revue Nature. vol. 434, no7036. 2005).
Comme le constatent de nombreux observateurs, l’augmentation de l’activité cyclonique n’est pas un phénomène global sur la planète. Si, sur le long terme, cet accroissement semble prouvé par les chiffres, sur le court terme, il l’est moins.
Dans le Pacifique nord-ouest, où l’activité cyclonique est, en temps normal, très forte, on assiste plutôt à une diminution du nombre d’événements. Dans le nord de l’océan indien, le nombre de cyclones reste stable. Sur le bassin Atlantique, les prévisionnistes, en prenant en compte une série de paramètres (températures moyennes, pluviomètrie, le courant El Nino…), avaient prévu pour 2008 une activité plus intense. L’année sera finalement comparable aux années 2005 et 2006. Soit bien en dessous de ce qui s’est produit en 2005, l’année de Katrina, où on a dénombré pas moins de 24 cyclones dans le bassin Atlantique.
Dans un article, un des plus éminents spécialistes du MIT, Kerry Emmanuel, a spectaculairement révisé sa copie sur l’augmentation de la puissance des cyclones tropicaux dont il affirmait qu’elle avait pratiquement doublé depuis les années 1950 (« Hurricanes and Global Warming: Results from Downscaling IPCC AR4 ». Bulletin of the American Meteorological Society. Mars 2008). Pour lui, désormais, rien n’indique que le réchauffement du climat va accroître la force et la fréquence des cyclones. Mais il ajoute qu’en cas d’élévation du niveau de la mer, ce sont les dégâts causés sur la côte qui augmentent.
Afin de répondre avec certitude à ces évolutions, il manque encore des éléments pour obtenir une base climatologique scientifiquement fiable. Les premiers satellites météo ont été installés en 1975. On ne dispose d’une couverture globale satisfaisante que depuis 1985 seulement. Des études théoriques et expérimentales sur la «microphysique des nuages» sont en cours pour mieux connaître la formation des ouragans. Les premiers résultats sont prévus avant 2010. Les observations, effectuées par satellites et à bord d’avions laboratoires in situ, contribuent à une meilleure compréhension de leur comportement. Mais il faudra encore quelques années, avec le renforcement de la capacité des ordinateurs, pour être fixés sur l’évolution de l’activité cyclonique en fonction du réchauffement climatique.