Comment faire évoluer les comportements écologiques ? Telle est la question posée par Olivier Oullier et Sarah Sauneron, dans un Rapport récent du C.A.S. (Centre d’analyse stratégique, intitulé « Les nudges verts : de nouvelles incitations pour des comportementales éconologiques »

On le sait, l’impératif écologique exige, d’une part, des innovations technologiques et, d’autre part, des changements de comportement individuel et collectif. Or, si les avancées scientifiques et techniques actuelles sont indéniables, “l’avènement de l’éco-citoyen” est plus hypothétique. Le passage des bonnes intentions aux actes écologiques se révèle complexe.

En effet, l’adoption de comportements écologiques se heurte à de nombreux obstacles, qu’ils soient de nature matérielle, financière ou psychologique. Ces contraintes limitent l’efficacité des approches traditionnelles qui combinent campagnes de sensibilisation, innovations technologiques et instruments économiques et normatifs. Aussi nécessaire soit-il, le changement comportemental ne se décrète pas. Il est en revanche possible de le favoriser. Cette démarche suppose traditionnellement l’utilisation de campagnes d’information, de mesures fiscales et de normes, dont les atouts comme les limites sont connus. Mais pas toujours bien compris !

Dès lors, l’apport de nouvelles méthodes susceptibles d’induire une évolution durable des habitudes de consommation est à considérer. Des spécialistes préconisent une politique de paternalisme libertaire en matière environnementale. Par ce terme, ils désignent une politique qui vise à guider les choix des individus vers des décisions favorables à la collectivité. La dimension “libertaire” renvoie à la nécessité de respecter la liberté de chacun d’agir, de décider, voire de changer d’avis à sa convenance. Cette approche repose sur des travaux en sciences comportementales qui s’attachent moins à décrypter les mécanismes psychologiques faisant naître la prise de décision qu’à intervenir efficacement au bout de la chaîne d’événements qui y a conduit.

Parmi ces méthodes, certains préconisent d’utiliser des méthodes simples connue sous le terme de nudge (pour “coup de pouce”) louées leur efficacité et leur coût de mise en œuvre relativement modeste. Cette stratégie a pour but de conduire l’individu à faire des choix qui aillent dans le sens de l’intérêt général, sans être pour autant prescriptive ou culpabilisante.

Appliqué à l’écologie, ce nouveau type d’incitation, que l’on qualifie dans ce contexte de “nudges verts”, joue sur plusieurs leviers comportementaux comme le poids de la comparaison à autrui ou l’inertie au changement, afin d’inviter les citoyens à adopter des modes de vie plus respectueux de l’environnement. Ils sont expérimentés à l’étranger à des fins écologiques comme les économies d’énergie ou la lutte contre la pollution.

Un exemple est donné par ces petites affichettes que l’on voit apposés sur les portes de salles de bain dans certains hôtels. « 75% des personnes ayant occupé cette chambre avant vous ont accepté de participer à notre nouvelle initiative de protection de l’environnement. Elles ont utilisé leurs serviettes de toilette plusieurs fois. Vous aussi pouvez les rejoindre en réutilisant vos serviettes durant votre séjour. Vous protégerez ainsi l’environnement » .

Les résultats de ces expérimentations démontrent le caractère à la fois opérationnel, efficace, ajustable et peu contraignant des nudges. Ces incitations comportementales doivent cependant être encore affinées pour dépasser les différentes limites constatées (effets pervers, difficultés de transposition à grande échelle, faible durabilité des résultats). Sans constituer des solutions miracles aux problèmes écologiques, les nudges verts n’en demeurent pas moins des procédés incitatifs intéressants en complément des instruments déjà utilisés.

Dès lors, quel peut être l’apport des sciences comportementales à la cause écologique s’interrogent les auteurs du Rapport? Ces derniers proposent quelques idées :

  Développer les initiatives de nudges verts identifiées comme les plus prometteuses au regard des expériences étrangères : • les factures incitant aux économies d’énergie par le biais de la comparaison à autrui ; • l’envoi de la correspondance des opérateurs publics par voie électronique comme choix par défaut plutôt que sous format papier.

  Mettre en œuvre des partenariats public-privé pour exploiter le potentiel des technologies intelligentes au profit des nudges verts. Par exemple, l’installation d’afficheurs reliés au compteur électrique intelligent permet d’offrir aux ménages une plus grande visibilité sur les économies d’énergie réalisées.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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A LA UNE, ENVIRONNEMENT, ETUDE

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