Biodiversité : un enjeu longtemps négligé.
En 2002, les gouvernements de la planète s’engageaient à mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité d’ici à 2010. Aujourd’hui, nous y sommes. L’Année internationale de la biodiversité décrétée par l’Onu ouvre le calendrier. Un «Giec» de la biodiversité pourrait voir le jour.
Sans nature, pas de futur ! La perte de biodiversité et le changement climatique sont les plus graves menaces à caractère environnemental qui pèsent sur l’humanité, soutiennent des chercheurs réunis pour faire connaître les actions de communication du CNRS, à l’occasion de l’Année internationale de la biodiversité (Conférence du 7 janvier 2010).
La biodiversité, c’est-à-dire l’immense variété des êtres vivants qui peuplent la planète, constitue le capital naturel du monde. C’est d’elle que nous tirons l’air que nous respirons, l’ eau que nous buvons, nos aliments, nos matériaux et nos médicaments. Moteur de la régulation du climat, elle nous protège aussi des catastrophes et, de ce fait, sous-tend notre prospérité économique, le bien-être de nos sociétés, ainsi que notre qualité de vie. Or, la biodiversité se réduit actuellement à l’échelle planétaire comme une peau de chagrin.
Au cours des cinquante dernières années, l’Homme a modifié les écosystèmes plus rapidement et plus profondément que durant toute période comparable de l’histoire de l’humanité, en grande partie pour satisfaire une demande toujours plus grande en matière de nourriture, d’eau douce, de bois, de fibre et d’énergie, avec pour conséquences la perte considérable et largement irréversible de la diversité de la vie sur la Terre. La destruction des habitats naturels, la surexploitation des sols et des océans, ou encore la propagation d’espèces invasives entraîne dès à présent des dégâts importants dans les domaines social et économique ainsi que sur la santé publique.
« La menace d’une crise d’extinction majeure plane sur la biodiversité. Il est donc urgent de se donner les moyens d’agir » pense Françoise Gaill, Directeur scientifique de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS. « Il est nécessaire de faire de la biodiversité un enjeu citoyen mondial au moins égale à celui que connait le climat, c’est l’objectif affiché» soutient Robert Barbault, chercheur au laboratoire Conservation des espèces restauration et suivi des populations (MNHN-CNRS). Il a été à l’origine du premier Programme de recherche du CNRS sur la biodiversité, lancé en 1992 dans le cadre du programme environnement. Selon ce dernier , la planète traverserait aujourd’hui la sixième grande crise d’extinction des espèces depuis le début de la vie sur terre il y a 3,8 milliards d’année. A la différence des cinq crises précédentes qui se sont étalées sur des milliers, voire des millions d’années, la crise actuelle « se compte en dizaines d’années ou en siècles, mettant la capacité d’adaptation des espèces à rude épreuve ».
« La mobilisation pour mieux comprendre la dynamique de la biodiversité doit être du même ordre que celle qui a été menée avec le GIEC pour le climat. Il y a un consensus quasi mondial pour mener cette grande tache », explique Alain Pavé, initiateur du programme Amazonie CNRS sur la biodiversité lancé en 2004. Dans le cas du climat, les modèles ont joué un rôle très important. Modéliser supposer donc de collecter des faits concrets. « Il faut se battre pour qu’existe une grande action de modélisation comme pour le climat, ajoute-t-il. L’Amazonie représente un enjeu de biodiversité essentiel tant par le diversité des espèces que par le nombre et le mélange. Sur 10 000 ans, malgré les aléas du climat, la forêt s’est maintenue. Mais, grignotée par l’homme qui la défriche sans retenue, elle est soumise à des pressions anthropiques fortes. Aujourd’hui, cela est difficilement gérable. Modéliser la biodiversité permet de mieux comprendre, mieux gérer, mieux prévoir ».
La difficulté est que la biodiversité est un ensemble complexe. Le vivant ne se laisse pas aisément modéliser. La dynamique est donc forcément complexe. Elle implique de nombreuses disciplines. A. Pavé s’attache à comprendre le rôle et l’origine du hasard dans les systèmes biologiques. « Les êtres vivants seuls ou en collectif , sont soumis aux aléas de leur environnement. Face au hasard destructeur, le système recréé de la diversité grâce au hasard producteur facteur premier de diversification, essentiel pour comprendre l’évolution des êtres vivants et même certains aspects de leurs fonctionnements et de leurs comportements. C’est une assurance pour la vie et la pérennité », souligne-t-il.
Ainsi d’ici 5 à 10 ans, on devrait obtenir des modèles de la biodiversité à différentes échelles, du local au planétaire, à l’image de ce qui a été fait pour le climat.
De son côté, Jean-Michel Salles met l’accent sur la nécessité d’évaluer des services liés aux écosystèmes. La nature a été maltraitée par l’analyse économique du 20ème siècle. Pour lui, « la biodiversité est mal prise en charge par les institutions économiques comme le marché. Les écosystemes de la biodiversité ont une valeur sociale qu’il faut mesurer économiquement. Il reste 80 % de la biodiversité à inventorier. Et le tiers, le quart ou la moitié aura disparu d’ici le milieu ou la fin du siècle. La valeur de la nature est ainsi une question nouvelle. L’évaluation des services rendus par les écosystèmes et la biodiversité peut contribuer à permettre des choix plus efficaces et plus équitables ».
Instauré en 2001, le programme international EMS d’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, a pour objectif d’évaluer les conséquences des changements écosystémiques sur le bien-être humain. Il doit également établir la base scientifique pour mettre en œuvre les actions nécessaires à l’amélioration de la conservation et de l’utilisation durable de ces systèmes, ainsi que de leur contribution au bien-être humain. Plus de 1 360 experts du monde entier participent à ce projet.
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