Pour une démocratie d’initiative
Nous faisons partie de ces citoyens qui regrettent que le centre de gravité de l’information diffusée dans les magazines se trouve, pour une grande part, plombé par l’agenda agité de Nicolas Sarkozy. Cette hyperréactivité médiatique concentrée sur les faits et gestes de la personne présidentielle témoigne d’une faiblesse de la démocratie. Elle nous entraîne dans l’univers égocentré d’un chef de l’état confus et « touche à tout » qui n’aime rien tant que se mêler des affaires des médias. Et nous lui faisons la part belle. Cette inclinaison lassante obscurcit le paysage à un moment important de notre histoire où, au contraire, la crise que nous traversons impose des visions d’avenir claires. Elle néglige le monde réel, celui des initiatives menées ici et là dans les associations, les entreprises, les labos, les avant-gardes artistiques..
L’histoire présente ne se résume pas aux relations compliquées que le président entretient avec lui-même et le pays. L’actualité est bien plus riche. Cet « en direct de l’Elysée », qui s’exprime par un mélange de fascination et de défiance, entraîne un court circuit entre l’opinion et le système des médias. L’intermédiation ne fonctionne plus normalement. Les connivences, les effets de milieu, les copinages télévisuels induisent la méfiance. A quelques rares exceptions, la presse n’exerce plus assez son rôle de contre-pouvoir et de relais. Du coup, « les classes les plus défavorisées n’ont plus que la rue pour se faire entendre », ainsi que s’en félicite le philosophe slovène Slavoj Zizek. C’est à ce tournant de la vie publique que nous nous trouvons avec les manifestations géantes du 29 janvier. Du jamais vu depuis vingt ans !
Un récent sondage indiquait que les Français sont, au plan européen, les plus inquiets sur leur démocratie et leurs représentants. C’est un fait, ni la démocratie représentative, « incontestablement érodée » comme le dit Pierre Rosanvallon ( in « la Contre-Démocratie »), ni ce qu’on appelle la démocratie participative avec ses accents populistes, ne suffisent à garantir le combat pour le bien commun. Comment redonner à ce mot de démocratie tout son sens ? Sans doute la proposition de Rosanvallon d’abandonner l’idée de « modèle » démocratique pour privilégier celle d’ « expérience » démocratique est-elle la plus pertinente. Elle correspond en tous les cas le mieux à la réalité. Car que constatons-nous dans les mobilisations actuelles sinon une sorte de réappropriation de l’agenda politique par les gens, une façon de remettre les pendules à l’heure.
Aussi bien, le rôle de l’information n’est-il pas d’examiner quelle vitalité est à l’œuvre à travers ces mouvements de refus et d’action, quelles expériences signifiantes les fondent et comment en rendre compte ? Quelles options sur le futur organisent de telles initiatives ? Place-Publique entend être attentif à cette « démocratie d’initiative », faite de contre-pouvoirs et de micro-actions sociales et solidaires, qui a trouvé dans Internet un des moyens de son expression.