Sortie de crise ? Ne nous réjouissons pas trop vite.
Il ne suffit pas de déclarer que les paradis fiscaux, comme Capri, c’est fini! Ou que les vilains traders seront amendés et que les bonus seront bannis! Et quand bien même cela serait, il en faudrait plus pour changer la donne ? Suffirait-il donc de «moraliser le capitalisme», en resserrant quelques règles pour que le tour soit joué ? Trop facile. Suffirait-il que le petit Nicolas trépigne du pied pour que la face du monde s’en trouve changée ? Vanité! Non, pas de quoi pavoiser ! Tout reste à jouer.
Voyons les choses en face.
Le chômage continue d’augmenter considérablement. L’endettement publique aussi. La crise n’a pas amoindri l’excès de financiarisation. 40% des profits viennent de Wall Street et de l’économie virtuelle. La pathologie de la cupidité, érigée en principe de management, reste bien ancrée dans les comportements. 33 milliards de bonus distribués aux USA plus que ce qu’il faudrait pour aider à lutter contre la faim dans le monde. On continue à faire de l’argent sur l’effondrement des entreprises ou celui de tel ou tel pays. A l’heure actuelle, c’est le Mexique qui est la cible. On parie sur sa faillite. Jamais on a autant spéculé. La nécessité de contrôler les banques, au-delà des annonces, est loin d’être partagée. Il y a 20 établissements financiers qui font la loi dans le monde. Et toujours pas d’enquêteurs mondiaux pour surveiller ces pouvoirs exhorbitants.
Une autre incertitude courre : quid de l’émergence des nouveaux acteurs mondiaux de l’économie ? La Chine et l’Inde ne sont pas d’une espèce différente de la nôtre. Ils ont envie de goûter aux choses profitables. Et derrière leur avidité se profile le risque d’une répétition de notre propre histoire et de ses avatars.
La crise que nous traversons est celle d’un système qui, à partir des années 80, a pensé qu’il pouvait abolir les leçons de l’histoire. Nous sommes confrontés à une nouvelle révolution morale qui nous oblige à gérer et réguler solidairement la contrainte écologique et économique . Mais aussi à changer nos habitudes de consommation
Ce qui doit nous rendre extrêmement prudent dans nos annonces et nos résolutions est que nous n’avons désormais plus de joker en main. L’état de plus en plus déficitaire ne se portera plus garant. Comme le souligne Daniel Cohen, dans son dernier ouvrage «la Prospérité du vice» ( Albin Michel) , le risque d’une deuxième crise est présent. Imaginons un seul instant, dit-il, que le ménage américain, moteur de la croissance mondial, décide de ne peut plus payer à cause de son surendettement. Patratrac. Le déficit public devra alors prendre le relais. Mais sera-t-il seulement en mesure de le faire ? Rien n’est moins sûr. Et si la crise était d’une autre trempe que toutes celle que nous avons connu au cours du XXème siècle, se demande l’économiste qui évoque une crise globale, civilisationnelle, une crise où ce qui est remis en cause n’est pas que la finance mais aussi notre folle course en avant, notre obésité consommatrice, la perte du sens, la rupture de communication avec la nature. Sans doute nous en dira-t-il plus lundi 19 octobre 2009 lors de la remise officielle de son Rapport sur « les nouveaux modèles de croissance »
Ce qu’attendent les citoyens préoccupés par leur avenir est une véritable réforme basée sur de nouveaux comportements, plus économes, plus responsables. Une réforme qui facilite le contrôle démocratique des transactions financières et favorise l’investissement massif dans la recherche scientifique, la culture, l’éducation et la santé. Une réforme en vert qui trouverait autour de la révolution numérique l’un de ses principaux moteurs. Avec à la clé: de nouveaux modes de coopérations, la réduction des inégalités, la production d’idées, la promotion des biens publics. Et pour objectif : la transmission aux jeunes générations d’une planète en bon état ! Changer de système revient à substituer au « greed » (qui veut dire en anglais « l’avidité », « la cupidité » mais aussi la « gourmandise »), le « green », c’est à dire l’environnement.
Il y a quelques années David Gottfried (auteur de « Greed to green : the transformation of an industry and a life ». Worldbuild Publishing. 2004) proposait une telle mutation dans le domaine de la construction . Nombre d’acteurs économiques, meurtris par la violence de la crise, en sont venus à résipiscence et en appellent à un nouvelle stratégie économique d’inspiration plus sociétale.
De nouveaux modèles apparaissent inspirées de l’économie sociale. Les associations mais aussi les entreprises sont bien souvent leaders dans la définition de ces horizons. Aujourd’hui, l’entreprise uniquement préoccupée par ses bénéfices et indifférente au développement du pays est en perte de vitesse. Place à l’expérimentation, à l’innovation.
Responsabilité sociale oblige, de plus en plus d’organisations sont à la recherche de projets en cohérence avec leurs activités économiques et pouvant s’inscrire dans un meilleur équilibre entre la rémunération du capital et des salaires. Dans cette économie « solidaire », on pourrait imaginer que les banques qui voudraient empoisonner le monde avec des produits toxiques soient obligées de les gouter avant. Il est alors probable qu’elles ne les diffuseraient pas.
Green contre Greed, c’est ce qu’a bien compris Barack Obama qui n’a de cesse de donner des gages à l’opinion pour lui prouver que sa volonté de faire de l’environnement l’une des priorités de son mandat reste intacte, malgré la gravité de la crise. Green au sens large, puisqu’il inclut aussi la santé, le bien être et l’éducation des nouvelles générations. Le chantier est massif et prometteur comme le montrent les innovations énergétiques dans l’eau, dans l’air, sous terre, dans le corps, sous des formes diverses : mécanique, thermique, cinétique, en passant par l’hydrogène, le soleil du désert, les vagues, les marées, les vents, les microalgues. La question aujourd’hui est la suivante. Comment grâce à l’énergie de la foule, mettre en marche les ressorts d’une société future qui saurait utiliser tous les possibles et remettre l’économie réelle avant la finance ?
Même si, outr’atlantique, il reste beaucoup à faire pour changer les habitudes des banquiers, l’Amérique d’Obama est sur le point d’accomplir un tournant majeur de son histoire en rompant avec huit années d’indifférence à la lutte contre le changement climatique. Dans le plan de relance du nouveau Président américain chiffré à 787 milliards de dollars sur dix ans, entre 75 et 110 milliards de dollars seront consacrés à des initiatives liées au climat. Avec deux postes essentiels, d’une part ; les investissements dans les énergies propres (31 milliards), d’autre part ; l’amélioration et la gestion de l’efficacité énergétique (plus de 44 milliards de dollars) à travers un gros effort porté aux infrastructures. Quelques 8 milliards de subventions sont prévues pour des lignes TGV, 4,5 milliards pour rénover le réseau électrique saturé, autant pour l’isolation des bâtiments publics fédéraux.
Le second atout, ce sont les emplois verts. « Investir 100 milliards dans l’industrie pétrolière, par exemple, crée environ 542.000 emplois ; la même somme dépensée dans un programme d’infrastructures vertes en crée presque 4 fois plus », affirme Bracken Hendricks, du Center for American Progress, un « think tank » proche de l’administration Obama. Des jobs plus nombreux donc et, surtout, de « bons jobs » peu délocalisables. Un argument de poids alors que le chômage s’envole. Verre à moitié plein, verre à moitié vide, finalement. Il serait illusoire de penser que Barack Obama, à lui seul, changerait la donne. Néanmoins, on change de registre par rapport à l’ère Bush et même sans remise en cause de la société du gaspillage, le gouvernement fédéral prend la suite des dizaines d’initiatives locales déjà existantes dans ce pays.
Si l’on raisonne à l’échelle mondiale, l’industrie des énergies renouvelables pourrait représenter près de 7 millions d’emplois d’ici 2030, à condition que les dirigeants mondiaux saisissaient l’opportunité d’investir dans un avenir plus écologique en obtenant un traité fort au Sommet du climat à Copenhague en décembre, Confrontés au péril climatique, les dirigeants du monde entier devront parvenir à surmonter leurs divergences d’intérêts de court terme pour se rassembler autour d’un projet politique mondial fondé sur un constat scientifique objectif et ainsi donner une suite au protocole de Kyoto…
D’après un rapport intitulé « Energy (R)evolution, rendu public le 14 septembre 2009 par Greenpeace International et le European Renewable Energy Council (EREC), l’énergie renouvelable pourrait couvrir d’ici 2090, tous les besoins de la planète et le monde pourrait se passer des carburants d’origine fossile affirment les deux organisations. Selon Sven Teske, responsable de Greenpeace, la priorité donnée à l’énergie renouvelable pourrait conduire à la création de nombreux emplois. Le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), organisme mis en place par l’Onu et qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2007 avec Al Gore, juge dans la préface de cette étude que l’étude menée par Greenpeace et l’EREC est « exhaustive et rigoureuse ».
Internet est le plus proche allié de la green économy. L’outil n’a pas fini de surprendre. Son instantanéité permet de trouver des solutions rapides à l’échelon mondial et avec la science, on sait bien que de nombreuses découvertes sont encore à venir. Outre l’effort d’information pour favoriser la prise de conscience des populations, des dispositifs d’autorégulation, des mesures réglementaires faciliteront l’intégration de l’arsenal technologique. Rendez-vous à Copenhague…