Pour Bernard Gauriau, professeur de droit à l’université d’Angers et avocat au Barreau de Paris, le contrat unique de travail présente un vrai risque de non-conformité au droit international du travail.
Le contrat de travail unique remet-il en cause les principes fondateurs du droit du travail ?
Tout dépend ce que l’on entend par principes fondateurs : le droit du travail est né dans le souci premier de protéger le corps du salarié (son intégrité physique), avec les premières lois sur la durée du travail. Ensuite, il s’est agi de protéger le salarié contre les ruptures discrétionnaires et qualifiées d’abusives : d’où la grande loi du 13 juillet 1973 imposant que tout licenciement repose sur un motif réel et sérieux. Si le contrat unique prévoit notamment une plus grande souplesse pour licencier, il heurte donc les exigences posées en 1973.
La vertu de l’idée n’est-elle pas dans la simplification du contrat de travail ?
Il est exact que le code du travail renferme une petite quarantaine de formes de contrats et que l’embauche impose un certain formalisme, que ce soit en CDI ou en CDD. Mais attention à ne pas se laisser séduire par une fausse bonne idée. Simplifier pour quoi faire ? La difficulté est de trouver un juste équilibre entre la simplification des formalités pour l’employeur (embauche et rupture du contrat) sans précariser à l’excès la position des salariés. En outre, si 85 % des jeunes sont embauchés en CDD (flux), 90 % des salariés sont en CDI (stock).
Pourquoi les syndicats comme le patronat s’y sont-ils toujours montrés opposés ?
Certains sont radicalement contre quand d’autres sont réticents. Le Conseil d’orientation pour l’emploi et le Conseil économique social et environnemental n’ont eux-mêmes pas manifesté un enthousiasme débordant à son égard. Les syndicats émettent deux critiques majeures. D’une part, le contrat unique acterait la remise en cause, voire la mort programmée du CDI. D’autre part, il accréditerait l’idée que la nature et le régime d’un contrat sont pour quelque chose dans la montée du chômage. N’est-ce pas en effet la croissance ou l’absence de croissance qui est d’abord le problème ?
D’un point de vue juridique, le contrat unique serait-il facile – et même seulement possible – à mettre en œuvre ?
Grosso modo le contrat unique vise à favoriser la continuité des droits des salariés, en évitant les effets de rupture entre CDD et CDI, à alléger les contraintes pesant sur l’employeur en cas de licenciement, à verser une indemnité proportionnelle aux salaires perçus en cas de licenciement.
Les obstacles qu’il pourrait rencontrer sont les mêmes qu’ont rencontrés en leur temps le CNE et le CPE. A savoir, outre un risque politique, un vrai risque juridique pour non-conformité au droit international du travail : la Convention OIT n°151 imposant une motivation en cas de rupture et une période d’essai de durée raisonnable. En outre, la vraie question n’est-elle pas celle-ci : ne faut-il pas repenser le travail au-delà du salariat ? L’auto-entreprise, à cet égard, était une bonne idée. Mais la révision récente du statut a cassé l’élan qu’elle incarnait.
Dossier Jeunes : lire aussi
Nouvelles formes d’emploi : vers une remise en cause du CDI ?
RSE : la formation des managers responsables passe par les bancs de l’école]
Développer l’éducation au développement durable : un enjeu vital
Le numérique transforme la condition éducative
Apprendre au 21è siècle par Frédéric Taddei (vidéo)
Quelle école pour demain ? les pistes de réflexion d’Olivier Crouzet (vidéo)
Génération Z (Zapping), les rois de l’hyperconnexion arrivent !