Depuis plus de vingt ans, l’association France Active aide les personnes en situation précaire à créer leur entreprise. Avec le financement direct des banques et la subvention publique. Explications de son directeur, Jacques Pierre.

Quel est le modèle développé par France Active ?

Il est tout d’abord sous-tendu par un strict objectif d’inclusion sociale. Avec, pour fil rouge, deux postulats : d’une part, personne n’est inemployable, d’autre part, tout le monde n’est pas capable de créer son entreprise. Une fois ces principes posés, il s’agit d’aider les personnes éloignées de l’emploi à retrouver du travail. Avec des dispositifs adaptés à deux types de projets : ceux relevant des entreprises de l’économie sociale et ceux portés par des créateurs d’entreprise.

Vos dispositifs reposent sur un financement bancaire direct…

La France n’est pas un pays sous-développé. Il dispose à la fois de politiques sociales et d’un système bancaire. France Active a d’emblée choisi de s’appuyer l’Etat, sur la subvention publique et sur le financement direct des banques, là où d’autres acteurs misent l’autosuffisance de systèmes dédiés. Nous ne croyons pas au modèle de l’autosuffisance.

Pourquoi ?

Il ne s’agit pas de mettre en œuvre et de défendre un système de microcrédit “pour les pauvres”, avec des “micro-moyens”, un “micro-accompagnement”. La finance solidaire n’est pas une finance au rabais. Il s’agit de déployer des moyens suffisants pour aider des entreprises à maintenir de l’emploi de qualité et des entrepreneurs à créer des structures pérennes, dans une dynamique de développement économique. Ce qui se traduit par des niveaux de prêts très élevés : 22 000 en moyenne par TPE. Quant au taux de pérennité, il atteint 82% à cinq ans, contre une moyenne nationale de 52%.

Encore faut-il mobiliser les banques…

Les banquiers, il faut les rassurer. Pour les convaincre de financer les entreprises de l’économie sociale, nous venons les trouver avec des fonds propres. Et côté emprunts souscrits par les entrepreneurs, nous avons créé – en partenariat avec les banques – une société de garantie.

Aujourd’hui, 80% des prêts relèvent des banques de l’économie sociale. Mais il est intéressant de voir que les enseignes commerciales s’intéressent de plus en plus au modèle. Nous travaillons avec LCL, et les choses commencent à frémir côté BNP Paribas. France Active a également signé un partenariat avec la Fédération bancaire française. Les banques réalisent qu’au travers de ce système, elles trouvent de bons clients, que l’inclusion économique constitue pour elles une réelle opportunité commerciale.

Comment sont traités les dossiers ?

L’association a misé sur un ancrage local, sur la proximité. Le réseau fédère 40 antennes sur tout le territoire, qui ont délégation pour l’accueil, l’étude des dossiers et, jusqu’à un certain niveau, les décisions de financement. Il y a en amont un travail scrupuleux sur le business plan des projets. In fine, nous finançons un programme sur quatre et 98% des dossiers que nous accompagnons trouvent un financement. Une fois le projet lancé, nous l’accompagnons durant trois ans.

Quels sont les taux d’intérêt pratiqués par France Active ?

Ils sont inférieurs à 5% pour les trois quarts et ne dépassent jamais 8 %. Encore une fois, le modèle de France active s’inscrit dans une stricte logique d’inclusion sociale. Nous demandons aux banques de limiter leurs demandes de caution. Dans 68% des cas, elles ne demandent pas de garanties personnelles. Et lorsqu’elles en demandent, celles-ci ne dépassent pas 50% du montant du prêt.

Vous enregistrez pour 2009 une progression de 70% en nombre de dossiers. Dans cette dynamique de croissance, quels sont vos chantiers de réflexion ?

Dans la sphère de l’économie sociale et solidaire, il y a encore beaucoup de champs à défricher en matière financement : dans l’équipement, les services aux personnes, les maisons de retraite… Nous avons par exemple financé quelques maisons de retraite pour personnes en difficulté. En fait, nous sommes en observation permanente. La notion d’entreprise sociale, par exemple, doit être suivie avec intérêt et vigilance. Gare aux dérives potentielles. De manière plus générale, il faut rester très attentif aux dangers d’une certaine tendance à la déconstruction sociale.

L’association France Active

 Création en 1988.

 350 salariés.

 850 bénévoles.

 39 Fonds territoriaux.

 110 000 emplois créés ou consolidés depuis la création.

 82% des projets soutenus pérennes après cinq ans.

Résultats 2009

 5 141 projets financés.

 19 973 emplois créés et consolidés, dont plus de 11 000 concernant des personnes en situation de précarité.

 125 millions d’euros de concours financiers mobilisés sous forme d’apports financiers remboursables ou de prêts bancaires.

 15 842 porteurs de projets accueillis.

 70% de croissance en nombre de projets.

Les bénéficiaires (*)

 Situation des créateurs d’entreprise

Demandeurs d’emploi : 81%

Salariés 10%

Autre : 9%

 Genre

Hommes : 40%

Femmes : 60%

 Niveau d’études

BEPC : 3%

CAP : 22%

BEP : 15%

Bac : 22%

Bac +1-2 : 21%-

Bac +3-4 : 9%

Bac + 5 et plus : 8%

 Age

Moins de 25 ans : 5%

25-29 ans : 15%

30-40 ans : 18%

35 – 39 ans : 19%

40 – 44 ans : 17%

45 – 49 ans : 13%

50-54 ans : 8%

55 ans et plus : 5%

(*) pour l’activité de microcrédit bancaire garanti de France Active

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Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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ECONOMIE

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