Quels mots face aux maux ? Kamel Daoud, journaliste algérien et auteur de « Meursault contre-enquête » (prix Goncourt du meilleur roman) s’est retrouvé cloué au pilori…
Quels mots face aux maux ?
Kamel Daoud, journaliste algérien et auteur de « Meursault contre-enquête » (prix Goncourt du meilleur roman) s’est retrouvé cloué au pilori par un collectif de chercheurs après dénoncer dans deux tribunes la misère et la frustration sexuelle ainsi que la perception de la femme dans les pays musulmans pouvant être à l’origine des viols de Cologne.
Taxé d’islamophobie, de traitrise envers l’Orient, de « paternalisme colonial », il a pris la décision d’arrêter sa carrière de journaliste pour se consacrer à la littérature. La société perd là l’une de ses plumes les plus acerbes, les plus subversives, mais aussi parmi les plus courageuses de son époque. Une plume qui ose interroger la place de la Femme, de la laïcité, de la sexualité dans l’Islam.
On pourrait croire que cette polémique est anecdotique. Nous pensons au contraire qu’elle est révélatrice de notre époque, où les procès d’intention font davantage « vendre » que les idées de fond. Une époque où l’on n’ose plus se servir de son esprit critique de peur de stigmatiser des communautés, et il est vrai que l’extrême droite s’enfonce dans la moindre brèche ouverte. Comme l’écrit Anne Hamidou dans cette très juste tribune que nous vous invitons à lire : « Malheureusement, nous sommes dans une ère où l’activiste est en train de prendre le dessus sur l’intellectuel. On est vite jugé, conspué, insulté sans même prendre (souvent) le soin de vous lire. Et cette bêtise fait très mal, car elle incarne une forme de violence gratuite, facile, naïve, presque niaise. On aime faire des procès, on aime dorénavant crier à l’injure à la croyance d’un tel ou de tel autre. (…) Critiquer les écrits de Kamel Daoud est un droit. Mais défendre l’écrivain contre une cabale injuste est un devoir. » La réaction a supplanté la réflexion.
Quand les mots sont justes, ils ne peuvent blesser que les conservatismes. La plus grande difficulté réside donc dans l’utilisation des bons mots pour dénoncer les grands maux. C’est ce à quoi s’est attelé Kamel Daoud.