«Le changement passe par la participation politique»
Mehdi Jebbari, 20 ans, étudiant en khâgne, est l’un des membres fondateurs du Mouvement spontané, ce regroupement, né en avril 2002, de la rencontre de manifestants anti-lepénistes. Grand brun et fin, à l’allure post-adolescente, Mehdi parle d’un ton assuré, vite et beaucoup, entouré de ses camarades de lutte. Rencontre à l’occasion du FSE.
Place Publique : Quel est, selon vous, l’intérêt du Forum social européen (FSE) ?
Mehdi Jebbari : Aujourd’hui, l’Europe qui se construit me déplaît, d’où l’importance de cet événement européen : la gestion du capitalisme par l’Union Européenne doit être égalée par notre gestion, à un niveau européen, de la «merde» qui résulte du système capitaliste.
Pour le moment, s’il est encore trop tôt pour que les forums sociaux débouchent sur un projet collectif mondial, ils permettent tout de même aux participants de prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls. D’un point de vue égoïste, le FSE m’est utile pour entendre des discours que je n’entends pas assez dans mon milieu privilégié, peu sensible aux problèmes sociaux. Les étudiants de khâgne sont en effet dans leur bulle, très instruits, mais peu politisés.
J’apprends, aussi, à mieux connaître les habitants d’autres pays européens. C’est précieux, car c’est avec les citoyens européens que j’ai envie de vivre. Je pense d’ailleurs que le FSE permet de construire cette Europe des citoyens.
P.P. : Pourquoi êtes-vous venu au FSE ?
M.J. : Je suis venu pour assister au séminaire que la Souris Verte (1) a co-organisé ; j’ai été chargé de rédiger un texte sur l’engagement du Mouvement spontané au sein de ce parti, et sur les motifs d’engagement dans un parti politique. Je suis resté au FSE car ça m’a plu, et par curiosité aussi. Ce forum constitue une opportunité d’apprendre comment la politique se mène dans d’autres pays, de comparer les problèmes rencontrés en France et ailleurs, et de prendre connaissance des solutions imaginées selon les pays. J’ai appris, par exemple, qu’au Brésil des jeunes des Favelas sont amenés à l’engagement citoyen ou à la politique par le biais du Hip hop, alors qu’en France on aura plutôt tendance à faire des discours pour amener les jeunes à s’engager. Le FSE me permet, en outre, d’acquérir des informations «techniques» : comment fonctionne un Conseil local de la jeunesse, en quoi consiste la Constitution européenne, etc. C’est une façon d’aiguiser mes arguments et de tester mes idées…
P.P. : Comment avez-vous décidé avec le Mouvement spontané de rejoindre un parti politique ?
M.J. : J’ai été violent avec les partis, peu convaincu de leur utilité. Un temps, le Mouvement spontané en est resté à l’écart. Nous attendions que les partis changent, avant de s’y engager. Nous avons pris conscience que le changement passait par la participation politique. Il y a un déficit démocratique car les gens sont maintenus dans l’illusion que la politique est impuissante ; cela fait le jeu des extrêmes. Alors qu’un parti a la capacité de proposer des lois et de jouer un rôle dans le progrès social, pas seulement dans la gestion du capitalisme.
Au départ, le Mouvement spontané participait à des «manif-actions» (avec le DAL, Action contre le chômage, la lutte des sans, etc.). On apportait, au sein de ces actions, un message politique : nous ne rencontrons pas les mêmes problèmes, mais nous sommes solidaires. Aujourd’hui, nous apportons une touche sociale dans la politique. Nous voulons élargir le domaine de la lutte.
P.P. : Croyez-vous, à l’instar des organisateurs du FSE, qu’un autre monde soit possible ?
M.J. : Même si je n’en suis pas convaincu, je suis obligé de faire un «minimum syndical» d’action ! Je ne peux pas constater que «les gens souffrent» et ne rien faire. Le monde est autre tous les jours et si on ne crée pas notre autre monde, quelqu’un d’autre le fera à notre place, et pas forcément comme nous l’envisageons. Nous devons promouvoir nos valeurs, et donner la parole à des personnes qui ne sont pas representées actuellement (sans papiers, chômeurs, etc.). La société évolue, il faut la faire évoluer dans le bon sens.
(1) Le parti des jeunes Verts.
Propos recueillis par Louise Bartlett
Contacts :
Mehdi Jebbari : luis@no-log.org
Tél.: 06 60 73 48 86
Gaspard Darley : Gaspard.darley@ens.fr