Article paru le 28 août 2003

Le marché unique, l’Europe sociale, l’Europe politique… Et l’Europe de la culture, se demandent les associations, les artistes et les entreprises intéressées ? Que font les institutions européennes pour développer le mécénat européen ? A l’heure de la monnaie unique, la question revient de manière plus aigüe. Après l’Euro, y aura-t-il un euromécénat ?

L’idée d’euromécénat est depuis longtemps agitée par les associations représentatives des mécénats nationaux. A l’Admical, par exemple, on rêve d’un  » mécénat transnational  » favorisant les échanges et poussant les entreprises à encourager la pratique du mécénat culturel, au delà de ses frontières, dans les différents pays de l’union. Mais force est de constater que les institutions européennes n’ont pas encore réellement pris la mesure de l’enjeu du mécénat dans la construction européenne.

Si dans les années 80, la CEE a considéré qu’il fallait encourager les entreprises à pratiquer le mécénat culturel, cette volonté politique annoncée comme une priorité n’a jamais été appliquée concrètement. Mis à part le soutien de courte durée que la Commission européenne a apporté à la création en 1991 du Comité européen pour le rapprochement de l’économie et de la culture (Cerec). Sa création s’inscrivait dans la volonté de créer une agence supra-européenne pour aider les entreprises à créer des actions sur mesure, et à faciliter aux organisations artistiques l’accès aux soutiens.  » Il y avait, à l’époque, une vingtaine d’entreprises intéressées. Mais le soutien s’est arrêté en 1993 « , précise Nathalie Sauvanet, coordinatrice du comité. Le budget n’a pas été renouvelé et la récession de 1992 n’a pas incité les entreprises à adhérer massivement. Il a donc fallu se contenter de peu et ralentir le développement des actions projet.  » Aujourd’hui, le Cerec se redéfinit comme un observatoire des tendances du mécénat et un centre d’informations. Il lance des enquêtes, créé des banques de données dans lesquels les entreprises peuvent piocher, tout en aidant à la constitution des associations nationales « .

Ce manque de soutien au Cerec est révélateur du caractère marginal des politiques européennes en matière de mécénat. Laissant peu de place à la culture dans la construction européenne, la culture n’a gagné reconnaissance qu’à l’occasion des programmes culturels développés par la Direction générale de la communication, culture et audiovisuel (DG X), après la signature du traité de Maastricht. Pour autant la DG X n’a pas saisi l’occasion pour s’intéresser à la question du cadre juridique et fiscal du mécénat. Tout aussi marginal est le rôle joué par le Conseil de l’Europe. En réalité, la CEE a fait de la culture sans le savoir. Les 9/10 des projets liés à la culture passant par des programmes hors de la DGX. Les fonds mobilisables dans le cadre de fonds structurels sont en effet beaucoup plus importants que ceux consentis explicitement au titre des programmes culturels. Le Rapport Bergevin , sur la communication commerciale, publié en en 1998 par la DG XV, traite en partie du mécénat, mais le cantonne à une activité commerciale. Aujourd’hui, les institutions européennes se remettent à parler de mécénat comme une évidence qui s’impose mais sans interroger les entreprises elles-mêmes  » souligne-t-on au Cerec.

 » Les choses sont en train de bouger, pense Nathalie Sauvanet. Nous sommes dans une phase de maturité. Cette période de mutation permet de redéfinir les options à prendre: faut-il rester un poste d’observation et de réflexion sur les tendances ou devenir un pôle d’échanges et de projets ? Des prises de conscience s’opèrent dans les différents pays et parmi les entreprises. L’adhésion de trois nouveaux pays au Cerec, l’internationalisation du mécénat culturel, sa professionnalisation autorisent à l’optimisme. Une politique plus claire en faveur du mécénat européen devrait aller dans le sens de la simplification : la possibilité d’établir des contrats entre entreprises et porteurs de projets culturels par delà les frontières, l’absence de discrimination dans les contrats, le bénéfice du libre établissement dans un pays de l’Union, la création d’un fichier européen des projets culturels et des demandeurs de financements. Mais de l’eau coulera encore sous les ponts avant de voir l’Euromécénat faciliter l’émergence d’une Europe culturelle. Des barrages existent. Exemple : l’absence de statut européen des Fondations et Associations. Ces statuts sont différents d’un pays à l’autre et il est très compliqué de transférer de l’argent d’un pays à l’autre. Chaque pays produit ses propres blocages. Pour Olivier Binder, avocat et administrateur d’Admical ;  » les restrictions qui subsistent dans la création et le fonctionnement de la Fondation d’entreprise pourraient être facilement levées. Parmi les ajustements envisagés, le plus séducteur tiendrait à la possibilité de créer des Fondations de  » flux  » et non plus seulement des Fondations de  » capital « , afin de permettre aux entreprises de choisir de ne pas stériliser un capital dans une dotation initiale improductive « . A l’impossibilité de transférer des dons au niveau européens s’ajoute des freins plus politiques. Ainsi l’Allemagne qui vient de prendre la Présidence de l’Union européenne est extrêmement vigilante dans la reconnaissance des associations, à cause de son combat contre les sectes, lesquelles se cachent parfois derrière des associations de type culturel ou humanitaire. Ce qui fait dire à certains qu’il faudra attendre Noël pour que les choses commencent à se débloquer.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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