Le 10 février 2014, pour la première fois dans l’histoire de la République, une loi sur le développement et la solidarité internationale sera votée au Parlement. Solidarité Laïque soutient l’essentiel de ses orientations. Le 20 janvier, elle a fait parvenir 19 amendements à une quarantaine de députés pour nourrir les débats. L’occasion de repréciser les fondamentaux d’une politique de développement efficace.
En quoi cette loi marque-t-elle une étape importante dans la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale ?
Philippe Jahshan – Pour la première fois en France, les orientations de la politique française de développement seront inscrites dans la loi. François Hollande s’y était engagé durant sa campagne et Pascal Canfin, ministre délégué du développement s’y est attelé. Nous nous félicitons de voir la politique du développement sortir du seul domaine du gouvernement et faire l’objet d’un débat parlementaire qui associe les organisations de la société civile.
Peut-on parler d’innovation ?
PJ – Oui, dans le sens où le développement durable, au sens environnemental, économique et social, est considéré ainsi comme un axe majeur de lutte contre la pauvreté. C’est une avancée majeure qui prend
en compte les bouleversements auxquels est confronté un monde où la pression exercée sur l’environnement par les modèles de développement actuels atteint ses limites. Faut-il le rappeler : 1,5 milliard de personnes vivent avec moins d’un dollar par jour. Certains principes y sont aussi clairement affirmés : défense des droits fondamentaux, égalité homme-femme, promotion des droits sociaux et travail décent. Et, pour la première fois, la loi pose comme principe la nécessité de mettre en cohérence les politiques publiques (on pense aux politiques commerciales, agricoles…) avec la politique de développement. Solidarité Laïque a soumis à une quarantaine de députés 19 amendements qui sont en cours d’examen à la commission des Affaires étrangères. Certains vous ont déjà reçu.
Quelles sont les évolutions que vous recommandez ?
P.J. – Il faut tout d’abord revoir la notion d’éducation, vue dans le texte de loi comme « l’acquisition de compétences et de connaissances ». L’éducation, c’est bien plus que cela : c’est un outil d’émancipation et d’exercice de la citoyenneté, un bien public mondial qui permet, tout au long de la vie, d’accéder à des compétences mais aussi au bien-être, à l’autonomisation et à l’épanouissement. En ce sens, elle contribue « au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité» (Art. 26.2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme).
Ensuite, nous proposons de réintégrer le soutien aux sociétés civiles. Si, comme le dit le texte de loi, il est nécessaire de renforcer les capacités des pouvoirs publics, il est aussi fondamental que les organisations des sociétés civiles deviennent des acteurs du dialogue et de la concertation sur les
politiques publiques. C’est en renforçant leurs compétences qu’elles pourront participer au devenir de leur pays.
Vous contestez aussi l’approche exclusivement sectorielle du développement. Pourquoi et que proposez-vous ?
P.J.– Le projet de loi identifie 10 priorités sectorielles mais ne prévoit rien sur l’approche intersectorielle. Or l’expérience à l’international de Solidarité Laïque démontre qu’il y a là un risque d’accentuer les « effets de silos » et de passer à côté des besoins essentiels des populations. Nous l’avons expérimenté
depuis longtemps : c’est l’interaction entre les secteurs – éducation, santé, accès à l’eau, protection sociale, renforcement des sociétés civiles – … qui assure la cohérence et l’efficacité des actions de développement.
Solidarité Laïque en bref
Un collectif de 52 organisations issues de 5 types d’acteurs liés au monde de l’éducation : coopératives, syndicats, mutuelles, fondations, associations Une association reconnue d’intérêt général dont la mission est de promouvoir l’éducation de qualité pour toutes et tous sans discrimination en France et dans le monde. Solidarité Laïque agit dans plus de 20 pays. Allier l’action terrain et l’action politique. Solidarité Laïque intervient avec des centaines de partenaires sans négliger l’action politique. A travers des actions de plaidoyer auprès des élus et des opérations d’éducation citoyenne à la solidarité, elle influe sur les choix politiques et contribue au quotidien à bâtir un monde plus solidaire. *Délégué aux actions de coopération internationale chez Solidarité Laïque