En favorisant la participation des citoyens, les nouveaux sites d’information modifient en profondeur notre relation à la sphère publique. Si aujourd’hui c’est l’échange d’opinions qui prédomine, on peut imaginer l’émergence d’une véritable e.démocratie participative dans les années à venir.
Alors que la presse écrite payante traverse « une crise cataclysmique » selon la formule de Jean-François Kahn*, de nombreux sites d’information en ligne voient le jour soit à partir des médias existants, soit directement sur le Web comme Rue89, PlaneteTerra, MiroirSocial, NonFiction, MediaPart et…PlacePublique. Avec cette spécificité de favoriser la participation des lecteurs qui deviennent, à des degrés divers, de véritables producteurs d’opinion.
Une évolution sans précédent de l’univers médiatique qui va forcément modifier dans les années à venir notre relation à la sphère publique et notre fonction citoyenne. D’autant que les études le montrent, les Français se rendent de plus en plus sur ces journaux électroniques pour suivre l’actualité, qui ont enregistré une progression de leur audience de 25% en un an**.
Bien sûr, à l’aube de cette transformation, on peut facilement imaginer l’émergence d’un buzz égocentrique généralisé couplé à une addition de communautés virtuelles. On peut également craindre que l’aspect marchand de ce nouveau média ne devienne prédominant, l’information ne servant finalement qu’à véhiculer de la publicité. Mais, pour la plupart des experts, ces nouveaux sites d’information participatifs sont au contraire très prometteurs et devraient doper le débat démocratique. C’est le point de vue de Daniel Kaplan, délégué général de la Fondation internet nouvelle génération (Fing), qui estime très positive la combinaison sur ces sites d’un journalisme professionnel et d’une intervention citoyenne. « On a là une forme de synthèse entre qualité de l’information et implication des lecteurs très bénéfique pour la démocratie ». Car, explique-t-il : « quand un lecteur donne son avis, il réfléchit et il se met en lien avec les autres ». Une analyse partagée par le rédacteur en chef de la revue Médium, Paul Soriano, qui prédit quant à lui l’avènement d’une authentique e.démocratie participative qui permettrait non pas seulement l’échange d’opinions comme aujourd’hui mais la délibération des internautes, sur des sujets concernant par exemple l’aménagement de leurs quartiers ou la vie locale. « Les sites communautaires d’actualité ont leur rôle à jouer pour faire advenir des débats en ligne et des processus délibératifs. Dans cette optique, Internet deviendrait un véritable instrument politique » souligne Paul Soriano pour qui l’exercice régulier d’une telle pratique démocratique produirait ce qu’il nomme des « citoyens augmentés ». Des perspectives réjouissantes pour ces sites qui doivent préalablement trouver leur modèle économique et probablement réfléchir à l’importance que pourrait prendre une nouvelle profession : celle de médiateur entre les journalistes professionnels et ces e.citoyens-lecteurs.
Emmanuelle Heidsieck
* Cf. l’interview de Jean-François Kahn dans Le Monde du 6-7 janvier 2008.
** Etude Médiamétrie-NetRatings de novembre 2006 à novembre 2007.