A lire dans l’espace « Médias citoyens » : Une action pour favoriser la création d’un Conseil de presse en France

On les dit « miroirs de la société », on les affirme « plus puissants que les puissants », on acclame ces « agitateurs de démocratie », on envie « leur influence manipulatrice », on adore ces « faiseurs de rois » comme on dénonce ces « manipulateurs sans vergogne ».

Ce « on », public ou observateur de la presse, a rarement l’occasion d’échanger avec les intéressés. Une rencontre mensuelle et parisienne organisée par « A.Q.I.T », un café-média mensuel et lyonnais organisé par « les ateliers de la citoyenneté » et « l’Institut d’Etudes Politiques » local, un atelier ponctuel du « Réseau des écoles de citoyens » ne suffisent pas à cacher l’absence de liens profonds et pérennes entre les journalistes et leurs lecteurs/auditeurs/téléspectateurs.

La responsabilité de cet isolement revient largement à une profession qui selon la charte du journaliste français (rédigée en 1918 et modifiée en 1938) « ne reconnaît que la juridiction de ses pairs », juridiction qui accessoirement n’existe pas dans notre pays. Culturellement donc, le journaliste estime ne pas avoir à rendre de compte. Pourtant son métier vacille dans une presse en pleine restructuration, sa crédibilité est chaque année remise un peu plus en cause.

La profession qui a tellement fait rêver va mal mais plus important, l’outil indispensable au fonctionnement démocratique est grippé. Dans cette situation d’urgence et de gravité, la lucidité sans concession est nécessaire. Mais la critique radicale doit servir de levier à une dynamique propositionnelle. Notre presse va mal. Après ce constat, une question s’impose d’elle-même : que fait-on pour y remédier ? Baisser les bras, se recroqueviller, surtout ne pas s’exposer ou alors saisir l’occasion de s’ouvrir, notamment en demandant l’aide du public pour tenter de construire une presse de qualité.

C’est la voie qu’à choisi « l’Association pour la Préfiguration d’un Conseil de Presse », créée le 28 novembre 2006 à Paris.

Cette instance de médiation entre la presse et ses utilisateurs existe en Suède depuis le début du siècle mais également dans de nombreux pays à travers le monde. Organe de régulation, sa composition varie sur le principe d’un mélange de journalistes, d’experts universitaires, de propriétaires de médias, de représentants du public… Structurellement, il n’a donc rien à voir avec un « ordre professionnel. »
Il a pour objectif d’ouvrir un espace pédagogique d’interpellation et de recours sur les questions d’éthique. Il « traite » des plaintes et à partir des textes de références, émet des avis non contraignants mais influents si les médias jouent le jeu en les diffusant.

Un exemple suisse et concret

L’association « info en danger » née en juin 2006 à Lausanne a rédigé une pétition qui a été signée par un tiers des journalistes de la suisse romande. A partir d’un article précis, elle a ensuite déposé une plainte auprès du conseil de la presse helvète contre la tendance de certains journaux à « mélanger le contenu rédactionnel et les messages à caractère publicitaire. »

L’instance a accepté de s’en saisir, a procédé à une série d’auditions et rendra un avis en janvier prochain. Sylvie Arsener, journaliste et présidente de la 2ème chambre, écrit : « Nous avons décidé d’élargir le propos et de prendre cette plainte comme un signal d’alarme plus général. Au premier examen, nous avons le sentiment que les choses ont évolué et qu’on voit apparaître des pratiques qu’on ne connaissait pas auparavant, par exemple en terme d’articles promotionnels. Nous voulions prendre la mesure d’un éventuel changement dans les rapports de force entre les annonceurs, les éditeurs (propriétaires) et les rédactions. » (L’hebdo, 9 novembre 2006).

L’enjeu est bien que cette question des relations perverses entre publicité et journalisme soit traitée par une instance légitime. L’avis fera nécessairement des remous, ses conséquences auront des répercussions concrètes.

Le conseil de presse apparaît ici clairement comme un soutien non seulement à la profession de journaliste mais surtout à la qualité de la presse.

L’information relève de l’intérêt public, même si elle est également une marchandise. Il est donc de notre responsabilité à tous de la défendre.

A lire « Conseil de presse du Québec : du bon usage des libertés ».

Pour contacter l’APCP :

Mail : jlmartinlagardette@gmail.com

Au sujet de Nathalie Dollé

Diplômée de l’École Supérieure de journalisme de Lille puis détentrice d’un Master « information et éthique des droits de l’homme », Nathalie a quitté le groupe France-Télévision après 20 ans de carrière pour se lancer dans des missions autour de la presse et de la communication, en France et à l’international. Essentiellement pour l’Union européenne.

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