L’urbanisation et l’évolution du climat menacent la stabilité de l’environnement, et donc des sociétés du monde entier. Un récent rapport d’ONU-habitat souligue l’importance des acteurs locaux et des citoyens dans les interactions villes-changements climatiques.
Le rapport du Programme des Nations Unies ONU-Habitat, intitulé « Cities and Climate Change: Global Report on Human Settlements 2011 », vise à montrer l’importance de la contribution des villes aux changements climatiques, mais aussi l’impact de ces changements sur les villes et la façon dont les villes s’y adaptent.
La contribution des villes aux émissions de gaz à effets de serre (GES) d’origine humaine pourrait être de l’ordre de 40 à 70 % si on prend en compte les chiffres de la production, mais cet ordre de grandeur passe de 60 à 70 % si on tient compte les émissions provenant de la production mais aussi de tous les biens consommés par les citadins. Et ce alors que les villes ne représentent que 2% de la surface de la terre.
De Nouveaux risques identifiés
Des problèmes, jusque là, inédits vont se faire jour dans les zones urbaines compte tenu des changements climatiques à venir, souligne ce rapport : augmentation du nombre de jours et de nuits plus chauds; plus grande fréquence des vagues de chaleur, des fortes précipitations; augmentation des superficies touchées par la sécheresse; activité cyclonique tropicale accrue dans certaines régions concernées; élévation du niveau de la mer …
Ces changements climatiques entraîneront de nouveaux risques physiques, mais auront également des conséquences sur la capacité des grands centres urbains à fournir les services de base (alimentation en eau, en énergie, en produits)… à leurs habitants.
L’évolution du climat expose de nombreuses villes à des perturbations. Les catastrophes naturelles, comme le récent tsunami au Japon ou les inondations de 2010 au Pakistan, se multiplieront. D’ici 2050, le changement climatique pourrait provoquer le déplacement de 200 millions de personnes, affectant principalement les villes côtières. « Si les villes n’agissent pas rapidement pour changer l’évolution actuelle du climat, elles récolteront la tempête », avertit le rapport.
D’après certaines projections pour la période 2030 – 2050, la hausse du niveau de la mer aura un impact considérable sur les villes égyptiennes du delta du Nil, notamment Port Saïd, Alexandrie, Les villes côtières de faible altitude comme Copenhague seront particulièrement vulnérables. De nombreux petits pays insulaires du Pacifique Sud sont également exposés voire submergés. En Afrique du Nord, une augmentation de la température de 1 à 2 degrés pourrait entraîner une montée du niveau de la mer, exposant 6 à 25 millions de résidents à des inondations. En 2070, la quasi-totalité des villes les plus exposées à des risques d’inondations seront situées dans des pays en développement (en particulier en Chine, en Inde et en Thaïlande).
Comprendre la forme et la nature de l’urbanisation
« Il est donc impératif de comprendre la forme et la nature de l’urbanisation pour pouvoir réduire notre empreinte» souligne dans ce rapport Joan Clos, Directeur exécutif de l’ONU-Habitat , ex maire de Barcelone , et ex directeur de l’Espace métropolitain du Grand Barcelone.
«Comprendre la contribution des villes au changement climatique nous aidera à intervenir au niveau local. En améliorant l’aménagement urbain et la participation des citadins, on peut rendre nos villes victimes du réchauffement à nouveau inoffensives pour le climat » poursuit-il
D’ici 2030, on estime que 59 % de la population du monde vivra en ville .On dénombre chaque année 67 millions de nouveaux citadins. Les émissions de CO2 en milieu urbain dépendent évidemment de la taille de la ville, de sa situation géographique (chauffage, refroidissement, éclairage); des types d’activité et des modes de consommation des citadins ; mais aussi de la nature et de la densité de l’implantation urbaine. Il semble en effet que les villes étalées afficheraient des taux d’émission par habitant plus élevés que les environnements plus compacts.
Au sein des grandes villes d’un même pays, il y a des différences. Et le rapport de citer l’exemple de Washington, où le total des émissions de gaz à effet de serre par habitant est élevé par rapport aux autres villes d’Amérique du Nord : 19,7 tonnes d’équivalent CO2 par an et par habitant contre une moyenne de 23,9 tonnes, lorsque Washington a une activité industrielle peu importante et possède une population relativement réduite. Les émissions de la ville de New York sont relativement faibles malgré la forte densité de population, la taille des habitations, l’importance du système de transports publics y sont pour quelque chose.
Force est de constater que de nombreuses villes dépassent la moyenne annuelle recommandée de 2,2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant. « Il existe un lien dynamique, complexe et solide entre le développement économique, l’urbanisation et le CO2 ».
Or, les négociations internationales comme le Protocole de Kyoto en matière de changement climatique concernent les gouvernements mais, selon ce rapport, n’impliquent pas assez la participation des administrations locales et des tiers. Alors que les centres urbains sont au cœur de la lutte contre le changement climatique. Et que le changement climatique perturbera vraisemblablement le tissu social des villes et risque d’accroître la pauvreté .
Inégalité environnementale
L’écart constaté dans les émissions par habitant entre les pays qui en génèrent le plus et ceux qui en produisent le moins varie de 1 à 100. Les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays développés représentent 46 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Et de fait, les pauvres des zones urbaines défavorisées paieront un prix élevé à cause de la consommation des villes riches : l’inégalité planétaire s’accroît à mesure que s’intensifient les effets du changement climatique.
Les mesures d’adaptation au changement climatique devraient être intégrées dans la planification de l’aménagement des centres urbains . Si les villes sont le centre névralgique du pouvoir économique, politique et législatif et de l’innovation technologique, c’est là que doivent être mises en oeuvre de nouvelles solutions pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Dans de nombreuses villes européennes, notamment à Milan, Londres, Rome et Stockholm, les automobilistes doivent s’acquitter d’une taxe pour emprunter certaines rues à des heures déterminées. Ce système vise à réduire la pollution atmosphérique et à encourager l’utilisation de véhicules plus respectueux de l’environnement, à commencer par le vélo. À Stockholm , ces redevances remontent à 2007 et le système a permis de réduire le volume global du trafic de 25 %; et le soir aux heures de pointes de 50 %.
Des programmes de réhabilitation thermique de maisons et d’immeubles publics et commerciaux ont été développés avec succès notamment au Royaume-Uni par différentes villes (Londres, Birmingham, Manchester…)
Certains pays en développement – Brésil, le Mexique, Afrique du Sud, Inde …- ont eux aussi de plus en plus conscience de ce qui peut être changé, en particulier au niveau local.
Rôle majeur des décideurs locaux et des citoyens
« Les autorités urbaines se trouvent au coeur de l’action sont mieux placées que les responsables politiques nationaux pour produire un changement immédiat », a insisté Joan Clos, « Selon les circonstances et le contexte historique du pays, les administrations urbaines peuvent exercer une influence considérable … sur l’adaptation au changement climatique. Les villes et les citoyens peuvent faire bouger les choses au niveau mondial.
Plusieurs initiatives ont vu le jour dans ce sens , et le rapport d’en citer quatre :
Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) représente et défend les intérêts des administrations locales à l’échelon mondial. En 2009, plus de 1 000 villes de 95 pays étaient membres directs de cette organisation, qui travaille sur la réduction des risques urbains, et le renforcement des capacités locales d’anticipation et de gestion des risques par le transfert de compétences techniques en faveur des acteurs et décideurs locaux
L’Alliance pour le climat est une association de villes et municipalités (plus de 1500) de 17 pays européens qui ont établi des partenariats avec des communautés indigènes vivant dans des forêts tropicales. Double objectif : la réduction des émissions de gaz à effet de serre par les pays développés et la conservation des forêts dans les pays en développement.
Le Réseau de villes asiatiques pour la résistance au changement climatique :action sur le renforcement de la capacité de résistance au changement climatique parmi les populations pauvres et vulnérables des villes asiatiques en Inde, au Viet Nam, en Thaïlande et en Indonésie.
La Convention des maires est un mécanisme qui vise à encourager les maires des villes de l’Union européenne à réduire sensiblement leurs émissions de gaz à effet de serre. Les signataires s’engagent officiellement à aller au-delà de l’objectif d’une réduction minimum de 20 % des émissions de CO2 d’ici 2020, fixé par le paquet climat-énergie de l’UE.
Environ 2 000 villes de 42 pays étaient signataires de cette convention à la fin de 2010. Seulement 2000 ? serait –on tenter de dire. Le chemin est encore long pour que les décideurs locaux prennent le sujet à bras le corps.