Place-publique.fr fait appel à vos témoignages et opinions sur le rôle de la presse dans le développement de la démocratie.
La presse quotidienne régionale (PQR) exerce une action forte sur la démocratie locale. Sa fonction de proximité rend parfois difficile la mise à distance des faits et des opinions. Mais elle reste un moyen d’information en prise avec un réel que la grande presse nationale ignore.
Chacun est profondément attaché à la presse quotidienne nationale, chacun y voit un gage de pluralité, de liberté de parole, de clarification des idées et de poil à gratter tant pour contrer notre confort intellectuel que pour déjouer nos politiques. A tel point que si un journal est menacé pour cause financière, de rachat douteux, les Français -de gauche comme de droite- se mobilisent pour la défense du titre. Imaginerait-on notre univers quotidien sans le Monde, Libé, le Figaro ? Comment savoir ce qui s’est passé à Srebrenica ? Comment interpréter la crise actuelle, sans une presse efficace, indépendante ? La PQR est-elle en mesure de remplir cette fonction ? A première vue, non.
La vie des provinciaux semble vouée au silence feutré d’une presse sinon muselée, du moins inodore et sans danger pour les décideurs politiques.
Des fiefs taillés sur mesure. Dans nos provinces, pas de concurrence, pas de loi antitrust : les journaux de la PQR possèdent un territoire qui n’est partagé que sur les marges. On n’a donc guère le choix : va pour Ouest France ou le Midi Libre, puisqu’il n’y a pas d’autre titre. Une parole unique, sans contradiction, cela ne vous rappelle rien ?
Ni gauche, ni droite. La PQR est engluée dans le ni-ni. Ne pas déplaire à tel sénateur, sans paraître défendre tel maire… Ce miracle impossible, nos journaux de province y parviennent fort bien. Mais à quel prix ? Le résultat est un journal fade, sans axe précis, sans colonne vertébrale, ni même sans plan marketing. Le but : plaire à tout le monde.
Aucune polémique. Mise à part le choix de telle bretelle d’autoroute, d’hésitations entre le tram et le trolley, le PQR ne connait guère les affres du débat, du doute, du parti-pris, tout y est lisse comme un galet. Lire un quotidien de la PQR, c’est absorber sa dose de somnifère, on n’y risque pas l’infarctus.
L’enquête bannie. Le maire mis en examen, le patron ou syndicat indélicat peuvent dormir tranquilles. Ce n’est pas de la PQR que viendra le premier coup. Enfoncer les portes ouvertes, ça oui mais mener une enquête sur de longs mois, mettre tous les moyens sur les reportages, sur des dossiers complexes… pas question.
Un niveau tiré vers le bas. Tous les villages doivent figurer au casting, pas d’inauguration de salle des sports, pas de remise de médaille sans la sempiternelle photo en rang d’oignons devant un micro ou en train de lever le coude. On prétend que le « peuple » adore, que sinon il se détournerait du journal. Ce qui veut dire que l’on rabaisse l’intelligence du supposé lecteur. Une bonne information, précise sur la vie locale n’a nul besoin de photo bidon, de commentaire complaisant.
Le dévoiement du devoir d’informer. Dans nos jolis journaux de PQR, pas de tri, pas de hiérarchie, tout est bon à prendre. Et comment cela se pourrait-il puisque le journal est seul face au lectorat : donc tout doit y être. Ce souci exhaustif est contraire au journalisme sérieux : on ne peut parler de tout sous prétexte d’informer.
La France a profondément évolué ces dernières années et pourtant notre PQR reste de marbre, ne s’adaptant pas à un nouveau lectorat, plus exigeant, plus urbain et sans doute moins enraciné. On a souvent reproché au syndicat du Livre, aux dockers, d’être accrochés à leurs privilèges et de ne pas savoir évoluer. Ils ont dû le faire. Notre bonne PQR n’entend pas lâcher sa rente de situation, l’argent rentre encore. Pour combien de temps ? Pour nombre d’entre vous, cet article semble enfoncer des portes ouvertes. Mais, outre le fait que cela va mieux en le disant, un citoyen alsacien, nîmois a le droit d’être aussi bien informé sur ce qui se passe aux portes de sa ville que sur les bombardements à Gaza. Ce n’est pas actuellement le cas.